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4 Les résultats obtenus en paléoparasitologie

4.5 Synthèse des informations de la paléoparasitologie

4.5.2 Fréquences des taxons et groupes de taxons par sites

Les résultats obtenus pour chaque taxon, exprimés en présence/absence par site (Tableau 18, p. 96, et Tableau 19, p. 100), permettent d'établir les fréquences correspondantes. La Figure 43 (p. 137) présente les fréquences d'observation des taxons et groupes de taxons pour l'ensemble des sites d'époque romaine ayant fourni des données paléoparasitologiques sur les helminthes. Les tableaux détaillés des effectifs et des fréquences correspondantes sont présentés en Annexe 7 (Volume 2, Tableau 9, 10 et 11, p. 15-17).

137 Figure 43 : Fréquences des taxons et des groupes de taxons pour l'ensemble des sites d'époque romaine ayant fourni des données en paléoparasitologie sur les helminthes.

Les groupes de taxons GRAscaris et GRTrichuris sont les plus fréquents et s'observent dans près de 80 % des sites étudiés. Ascaris sp. et Trichuris sp., présents dans 60 % des sites environ, correspondent aux deux taxons les plus représentés.

Ces fréquences importantes montrent que les taxons de ces groupes sont régulièrement observés dans les sites d'époque romaine. Ainsi, le problème de péril fécal, l'enrichissement des cultures par des matières fécales et la mauvaise gestion des déchets organiques semblent récurrents pour l'ensemble des sites étudiés de l'époque romaine. Ces trois voies de

138 contamination permettent la diffusion de ces parasites au sein des populations hôtes et le maintien de leurs cycles. Il est cependant difficile de déterminer la part de chacune d'entre elles dans cette diffusion et de dire s'il existe ou non une voie de contamination préférentielle. L'importance de ces taxons et leur présence quasi systématique indiquent également pour l'époque romaine une contamination générale de l'environnement pour tous les types de site.

Le problème de péril fécal existe lorsque l'hygiène corporelle est mauvaise ou lorsque la nourriture et/ou l'eau de boisson sont polluées par des matières fécales. Ce problème survient également lors de l'ingestion accidentelle de terres polluées (géophagie liée aux mains sales par exemple). Nous savons par les textes que dans les demeures aisées les convives se lavaient les mains avant les repas, et parfois même plusieurs fois entre chaque plats (Malissard, 1994). Cette pratique permet de réduire le risque de contamination par les géohelminthes comme Ascaris ou Trichuris. Il n'en était peut-être pas de même pour les autres classes de la société.

Parmi les taxons pouvant relever du péril fécal, Enterobius vermicularis peut être mentionné, malgré le très faible nombre de mentions pour la période romaine en Europe (2,5 % des sites). Le mode de transmission oral/fécal direct pourrait rendre aussi compte d'une mauvaise hygiène corporelle (voir cycle du parasite supra 4.4.1.8 Enterobius vermicularis, p. 115).

L'enrichissement des sols par des matières organiques d'origine humaine ou animale contribue à la diffusion chez l'homme des parasitoses géohelminthiques. Deux méthodes, bien connues par les textes antiques des agronomes latins, étaient utilisées à l'époque romaine pour enrichir les sols cultivés. La première consistait à laisser paître les troupeaux dans les champs mis en jachère qui servaient alors de pâturage. Les déjections des animaux enrichissaient alors naturellement les sols. Autre méthode, du fumier (mélange d’excréments animaux, d’urine et de litière) pouvait être apporté par l'homme pour amender les cultures. Parfois, des excréments humains pouvaient s'y trouver (Coulon, 2005; Jussiau et al., 1999). Les fréquences importantes de Trichuris et d'Ascaris pourraient aussi être expliquées par ces pratiques.

La gestion des déchets organiques, en particulier dans les villes, est une question importante. A ce sujet, nous savons que le porc, animal omnivore, détritivore et charognard, avait un rôle non négligeable dans l'évacuation des déchets à l'époque romaine, et jouait un rôle "d'éboueur" (Ferdière et al., 2006). Les textes nous apprennent que ces animaux vivaient en

139 liberté dans les villes romaines. Ausone (poète du 4ème s. ap. J.-C.) rapporte notamment la présence à Bordeaux du porc et du chien (Jaillette, 2003). La fréquence importante de GRAscaris pourrait être une conséquence de la présence du porc sur les sites d'époque romaine.

En effet, le porc peut être parasité par des espèces des genres Trichuris et Ascaris qui lui sont spécifiques (T. suis et A. suum) mais aussi par celles se trouvant chez l'homme (T. trichiura et

A. lumbricoides). De la même manière, l'homme peut être parasité par les espèces affectant le

porc (Ash et Orihel, 2007; Beer, 1976). De même, le chien peut être coprophage et pouvait aussi présenter un risque pour l'homme et contribuer à la diffusion des parasites intestinaux. Certains parasites de l'homme et de l'animal peuvent également être transportés par des insectes.

Des études récentes ont mis en évidence sur le squelette externe et dans les intestins d'insectes (mouches et blattes) la présence de parasites intestinaux humains et animaux. Des helminthes ont été identifiés (A. suum, A. lumbricoides, E. vermicularis, Taenia sp., Trichuris trichiura...) ainsi que des protozoaires parasites intestinaux (E. histolytica, Giardia intestinalis…) (Förster

et al., 2009; Getachew et al., 2007; Kinfu et Erko, 2008). Ces animaux sont alors des hôtes

intermédiaires ou hôtes paraténiques, au niveau desquels les parasites ne subissent pas de transformation particulière. Ils pourront contribuer à diffuser les parasitoses dans l'environnement.

Si les insectes peuvent actuellement transporter des parasites, cela devait également être le cas dans le passé. Comme aujourd'hui, ils devaient constituer un risque supplémentaire de contamination et de pollution, en particulier pour la nourriture humaine et animale, qui s'ajoute au risque de péril fécal mis en évidence pour l'époque romaine. Une étude rapporte l'observation d'œufs d'Ascaris sp. et de Trichuris sp. dans des larves de mouches (Ephydridés et Fannia scalaris) prélevées dans des latrines médiévales de Strasbourg (Legendre et al., 1987).

Les fréquences des autres taxons et groupes de taxons sont beaucoup moins importantes, et atteignent 25 % des sites au maximum. Quatre taxons sont observés sur une dizaine de sites (Taenia/Echinococcus sp., Fasciola sp., Dicrocoelium sp. et Oxyuris equi). Les derniers taxons (soit trente taxons) sont observés dans moins de dix sites (entre un et huit) (Figure 43, p. 137).

140 Peu de variation s'observent ce qui limite et rend difficile les interprétations. Les fréquences faibles peuvent être mises en relation avec une présence limitée des parasites à l'époque romaine. Il se peut également que les cycles des parasites soient bloqués parce que les voies de contamination sont coupées. La cuisson des aliments (viandes et poissons), ou la faible consommation des aliments à l'origine de la contamination, peuvent limiter les infections, et donc diminuer les fréquences des parasites observées dans les sites étudiés.

L'absence des hôtes définitifs porteurs des parasites adultes (et donc des œufs) peut aussi expliquer des fréquences réduites. Par exemple, les faibles fréquences de GRFasciolidae et de GRDicrocoeliidae ou encore d'Oxyuris equi pourraient indiquer que les herbivores étaient peu présents sur les sites étudiés, et peut-être utilisés ou traités à l'écart des zones habités, limitant les transmissions en particulier à l'homme.

En outre, plusieurs paramètres conditionnent l'observation de chaque taxon et pourraient permettre d'interpréter plus finement les résultats :

- La conservation différentielle des œufs de parasites : il existe une conservation différentielle des œufs qui peut amener à une sur-représentation ou à une sous- représentation de certains taxons. Par exemple Enterobius vermicularis est très peu retrouvé au cours de nos analyses contrairement à d'autres espèces de la même famille comme Oxyuris equi, ce qui amène à penser que les œufs de ce taxon sont plus fragiles et qu'ils résistent moins bien aux processus taphonomiques. D'autres œufs, comme par exemple ceux du genre Ascaris, pourraient au contraire être très résistants et expliquer la surreprésentation de certains taxons.

- L'origine biologique des échantillons et le type de vestige d'origine étudié : si l'origine biologique de l'échantillon analysé diffère de celle de l'hôte naturel du parasite recherché, ou si le vestige étudié n'est pas en lien direct avec cet hôte, le parasite ne pourra pas être observé. Par exemple, les taxons parasites des Canidés (Toxocara

canis…) ne seront pas retrouvés dans des échantillons d'origine biologique humaine et

ceux parasitant les Equidés (Parascaris sp….) seront préférentiellement retrouvés dans les vestiges liés à des écuries. De même, seuls les taxons correspondant aux hôtes présents sur les sites étudiés (l'homme comme les animaux) seront renseignés.

- Le cycle biologique et l'écologie des parasites : le mode de libération des œufs de parasites dans le milieu extérieur est en particulier à prendre en compte. Les taxons pour lesquels les œufs ne sont pas libérés avec les excréments de l'hôte ne s'observent généralement pas dans les échantillons correspondant à ce type de rejet organique. Par

141 exemple les œufs d'Oxyuris equi sont déposés par la femelle en marge de l'anus et ceux de Capillaria hepatica sont libérés dans le milieu extérieur avec la décomposition de l'hôte. Si les échantillons analysés correspondent à des coprolithes, ces deux taxons ont donc moins de chance d'être observés19.

- La prévalence des parasites et le nombre d'hôtes présents : les fréquences d'observation des taxons dépendent également de la prévalence des parasites au sein de chaque population d'hôte et du nombre d'hôtes présents sur le site. En effet pour un taxon si la prévalence est faible et que la population d'hôte présente est peu importante, alors le parasite pourrait être observé moins fréquemment sur le site. Au contraire, lorsque les populations d'hôtes sont importantes (concentration de populations par exemple), les parasites pourraient s'observer plus fréquemment et ce quelque soit leur prévalence au sein des populations parasitées.

Ainsi, l'échantillonnage et le contexte du site étudié sont à prendre en compte pour discuter les fréquences de chaque taxon. Pour mieux interpréter et discuter ces fréquences, il convient de s'intéresser à présent aux fréquences des taxons non par sites mais pour les différents types de sites, d'activités, de vestiges d'origine, d'échantillons et d'origines biologiques. Des variations tant au niveau de la biodiversité parasitaire qu'au niveau des fréquences de chaque taxon pourrait ainsi être mises en évidence et permettre une meilleure vue d'ensemble des résultats pour la période romaine.

4.5.3

Fréquences des principaux taxons par