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FRÉQUENCE ET VALEUR PRONOSTIQUE DES ANOMALIES SECONDAIRES

4. DISCUSSION

4.6 FRÉQUENCE ET VALEUR PRONOSTIQUE DES ANOMALIES SECONDAIRES

Les deux anomalies primaires les plus fréquentes chez les LAL-B sont l’hyperdiploïdie et la fusion ETV6-RUNX1 issue de la translocation t(12;21)(p13;q22) (Figure 12). Ces deux anomalies seules sont associées à un pronostic favorable (7, 16, 37, 80), mais la valeur pronostique des anomalies secondaires additionnelles à ces anomalies est controversée (22, 24, 27, 29, 94, 100). Dans notre projet, nous voulions donc évaluer la fréquence et l’impact pronostique de ces anomalies secondaires dans notre cohorte de patients pédiatriques.

4.6.1 Anomalies secondaires à l’hyperdiploïdie

L’hyperdiploïdie de 50 à 65 chromosomes, high hyperdiploidy, lorsqu’elle est la seule anomalie primaire est associée à un bon pronostic chez les LAL-B pédiatriques (survie globale à cinq ans de 90%) (176). Toutefois, environ 20% des patients répondent mal au traitement et rechutent (EFS à 10 ans de 80%) (112). Il est donc cliniquement pertinent de rechercher de nouveaux marqueurs génétiques afin de mieux stratifier le risque de cette entité (112, 176). Il a déjà été suggéré que certaines anomalies structurales additionnelles telle la t(9;22)(q34;q11.2) et les réarrangements de MLL peuvent conférer un pronostic défavorable aux LAL-B hyperdiploïdes (37, 64, 94). Dans notre étude des 69 LAL-B de novo avec hyperdiploïdie (50 à 65 chromosomes), 37,7% des cas présentent des anomalies secondaires (Figure 15B, page 102). Afin d’évaluer la valeur pronostique de ces anomalies additionnelles, nous avons comparé les taux de rechute et de décès des sous- groupes avec et sans anomalies secondaires (Tableau XV, page 107). Nos résultats suggèrent que la présence d’anomalies additionnelles n’influence pas ni les taux de rechutes, ni les taux de décès des enfants atteints de LAL-B avec hyperdiploïdie (p>0,05, test chi-deux de Pearson). Ceci pourrait s’expliquer par le type d’anomalies secondaires

détectées dans notre cohorte. En effet, parmi les anomalies additionnelles, nous avons notamment détecté des délétions des gènes p16 (9p21), ETV6 (12p13) et des duplications 1q21q32. Ces anomalies récurrentes n’affectent pas le pronostic des LAL pédiatriques hyperdiploïdes (105, 176). Chez certains patients, nous avons détecté un clone hypodiploïde (<39 chromosomes) en plus du clone hyperdiploïde (Tableau XIV). La co- existence d’hyperdiploïdie et d’hypodiploïdie est associée à un pronostic défavorable (96, 97, 112, 177). Dans notre cohorte, les taux de rechute sont légèrement supérieurs dans le groupe avec ces deux clones comparativement au groupe avec hyperdiploïdie seule (1/5 vs 7/43), mais nous n’avons pas pu observer d’effet statistiquement significatif (Tableau XV, page 107). De plus, 16,3% (7/43) des patients avec hyperdiploïdie seule ont subi une rechute.

Malgré la présence d’une anomalie cytogénétique à bon pronostic (hyperdiploïdie seule de 50 à 65 chromosomes) d’autres facteurs de risque associés à un pronostic défavorable (immunophénotype, morphologie, pourcentage de blastes, etc.) ont peut-être contribué aux rechutes de certains patients (78). Toutefois, nous avons identifié un nouveau marqueur génétique associé à un pronostic défavorable : les LAL hyperdiploïdes au sein d’un caryotype complexe (au moins quatre chromosomes avec des anomalies structurales clonales). Nous avons montré, par les courbes de survie de Kaplan Meier (Figure 17, page 108), que l’EFS à sept ans est significativement réduite chez les patients avec hyperdiploïdie et un caryotype complexe par rapport aux patients avec hyperdiploïdie seule (p<0,001, test log rank de Mantel-Cox). Comme anomalie primaire seule, un caryotype complexe est associé à un pronostic défavorable dans les LAL-B (112). La valeur pronostique de l’hyperdiploïdie au sein d’un caryotype complexe est peu connue dans la littérature. Certains auteurs ont néanmoins souligné une importante instabilité chromosomique générant une hétérogénéité clonale parmi les cas d’hyperdiploïdie de 50 à 65 chromosomes (149). Ceci pourrait expliquer la présence de multiples anomalies structurales (caryotype complexe) chez certains patients avec de l’hperdiploïdie. Il serait

donc pertinent de vérifier la valeur pronostique de cette entité sur une plus large cohorte de patients.

4.6.2 Anomalies secondaires à la fusion ETV6-RUNX1

Parmi nos 38 cas de LAL-B avec la fusion ETV6-RUNX1, 73,7% présentent des anomalies secondaires (Figure 15A, page 102). Par FISH et au caryotype, nous avons détecté les principales anomalies additionnelles connues telles que la délétion du 2e allèle

d’ETV6 (12p13), la duplication du dérivé 21 contenant le gène de fusion, la trisomie 21 et la délétion du gène suppresseur de tumeur p16 (9p21) (27, 29, 103, 112, 178). Dans notre cohorte, nous avons montré qu’il n’y a pas de différence statistiquement significative (p>0,05, test chi-deux de Pearson) entre les taux de rechute des patients qui présentent la fusion ETV6-RUNX1 seule (aucune anomalie secondaire) et les patients qui ont la t(12;21) avec des anomalies secondaires (1/10 comparativement à 3/28; Tableau XV, page 107). En isolant le sous-groupe de patients qui présentent la perte du 2e allèle d’ETV6 comme anomalie secondaire, il n’y a pas de corrélation avec les taux de rechute des patients (1/10 comparativement à 2/15 chez les patients avec perte d’ETV6; Tableau XV, dernière ligne). Puisque tous les enfants de notre étude avec la t(12;21) sont toujours vivants (aucun décès dans les groupes avec et sans anomalie secondaire), nous n’avons pas pu évaluer adéquatement l’impact des anomalies additionnelles sur la survie globale. Dans la littérature, la valeur pronostique des anomalies secondaires à la fusion ETV6-RUNX1 est controversée car plusieurs études sont contradictoires (99-101, 103, 112, 178, 179). Une récente étude sur une large cohorte de LAL-B pédiatriques a évalué l’OS et l’EFS à 9 ans de 229 cas de fusion ETV6-RUNX1 détectée par FISH (179). L’équipe de Barbany, 2012 a montré que les anomalies secondaires n’avaient pas d’impact pronostique ni sur l’OS, ni sur l’EFS, et ce même en séparant les sous-groupes d’anomalies additionnelles (délétion d’ETV6, trisomie 21, duplication du dérivé 21) (179). Ceci confirme donc les résultats que nous avions obtenus dans notre étude. Toutefois, par micropuces, il a été montré que les

LAL-B avec la fusion ETV6-RUNX1 ont en moyenne de deux à six CNV additionnels, par exemple des microdélétions récurrentes de gènes impliqués dans le métabolisme des glucocorticoïdes (26-29). Par séquençage de l’ensemble de l’exome, whole-exome sequencing, on a aussi retrouvé sept mutations somatiques par cas de t(12;21) (180). Puisque ces altérations sont cryptiques, nous n’avons pas pu les détecter dans notre étude par FISH (il n’y a d’ailleurs pas de sonde commerciale ciblant ces petites régions génomiques). Il serait toutefois intéressant d’évaluer leur valeur pronostique (particulièrement pour les microdélétions focales récurrentes du gène TBL1XR1), d’où l’intérêt d’utiliser les micropuces comme test génétique en hématologie clinique. De plus, l’architecture clonale des LAL pédiatriques avec la t(12;21) semble complexe et dynamique entre le diagnostic et la rechute (102, 181, 182). Les micropuces pourraient donc être utiles afin d’évaluer adéquatement l’évolution clonale chez les patients en rechute avec la fusion ETV6-RUNX1.