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1.3 CANCÉROGENÈSE PÉDIATRIQUE

1.3.2 É TIOLOGIE DES LEUCÉMIES

1.3.2.1 Facteurs génétiques

Contrairement à plusieurs tumeurs solides qui ont souvent une composante héréditaire importante (par exemple les mutations de BRCA1 ou de BRCA2 dans le cancer du sein, les mutations de MSH2 ou de MLH1 dans le cancer du côlon héréditaire, le HNPCC ou une mutation du gène RB dans le rétinoblastome), une faible proportion des leucémies chez l’enfant est causée par une anomalie génétique familiale (héritée) (22).

Certains syndromes génétiques congénitaux, notamment les syndromes d’instabilité chromosomiques, le syndrome de Down, et la neurofibromatose de type 1 représentent un facteur de risque héréditaire pouvant expliquer au total environ 5-10% des cas de leucémies aiguës (20, 38, 39, 41). Les patients atteints de syndromes avec une prédisposition aux hémopathies malignes souffrent souvent d’une importante toxicité suite aux thérapies standards, d’où l’importance d’un diagnostic précoce pour assurer un suivi approprié (41).

 Syndromes d’instabilité chromosomique

Environ 10% des cas avec anémie de Fanconi développent une leucémie (LAM à pronostic défavorable avec monosomie 7 ou duplication 1q), ce qui représente un risque 600 et 5000 fois plus élevé d’avoir une LAM ou un syndrome myélodysplasique (SMD), respectivement, que la population en général (41). Ceci pourrait s’expliquer par une sénescence prématurée des cellules-souches hématopoïétiques chez ces patients (38). Puisque 25% de ces cas sont phénotypiquement normaux, le syndrome est identifié uniquement au moment du diagnostic de leucémie, d’où les risques élevés de toxicité. La thérapie doit par la suite être adaptée (éviter les agents alkylants et la radiation) et une greffe de cellules-souches hématopoïétiques peut être requise (41). Chez les patients avec

le syndrome de Bloom, le risque de leucémie est estimé à 15% (principalement des LAM avec délétion 7q). Le cancer constitue la principale cause de mortalité précoce chez ces enfants. Dans l’ataxie telangiectasie, le risque de LAL-T est augmenté de 70 fois, avec des translocations récurrentes impliquant le récepteur des cellules T (TCR). Leur cancer présente un pronostic défavorable (risque très élevé de mortalité reliée au traitement et à la toxicité) et leur sensibilité extrême aux radiations provoque des leucoencéphalopathies et des tumeurs cérébrales secondaires. Il est donc recommandé de réduire les doses de chimiothérapie (particulièrement le méthotrexate et les agents alkylants) (41).

 Syndrome de Down

En présence du syndrome de Down (trisomie 21 constitutionnelle), on note une augmentation de 500 fois du risque de développer une LAM mégacaryoblastique (M7 selon la classification FAB) (16). Les enfants présentant une LAM reliée au syndrome de Down (LAM-SD) ont des anomalies cytogénétiques distinctes des autres LAMs (16, 42). Ces patients présentent principalement une dup(1q), del(6q), del(7p), dup(7q), trisomie 8, trisomie 11 et une del(16q); mais l’on retrouve rarement les anomalies récurrentes classiques des LAMs non SD comme la t(8;21), le réarrangement MLL, l’inv(16), la t(15;17) ou la monosomie 7. Ainsi, les LAM-SD représentent clairement une entité unique, d’ailleurs reconnue par la classification de l’OMS (43). Ces patients (particulièrement les jeunes enfants de moins de trois ans) répondent bien à la chimiothérapie avec la cytarabine et les anthracyclines, d’où le pronostic favorable (42). Cependant, les enfants atteints du syndrome de Down ont une probabilité 10 à 24 fois plus élevée d’avoir une LAL que dans la population en général (41). Les patients avec une LAL reliée à ce syndrome (LAL-SD) ont un pronostic défavorable; aussi d’importants taux de mortalité sont observés (survie sans évènement-EFS à 10 ans de 55% par rapport à 73% chez les LAL de risque standard sans syndrome de Down). Ceci pourrait s’expliquer par l’absence d’anomalies cytogénétiques à bon pronostic telle que l’hyperdiploïdie avec les trisomies combinées 4, 10 et 17 ou la translocation t(12;21)(p13;q22). Les LAL-SD sont plutôt associées à la

translocation t(8;14)(q11;q32) et aux délétions des gènes ETV6 (12p13), CDKN2A (9p21.3) et PAX5 (9p13.2) (42).

 Polymorphismes génétiques

L’implication de polymorphismes dans des gènes clés du métabolisme ou de la détoxification de certains produits chimiques cancérigènes semble jouer un rôle dans l’étiologie de la leucémie (40). Des polymorphismes alléliques constitutionnels modulant l’activité de la NADPH quinone oxydoréductase (NQO1 : enzyme qui détoxifie les quinones), de la méthylenetétrahydrofolate réductase (MTHFR : enzyme impliquée dans le métabolisme du folate), sont plus fréquents chez les bébés atteints de LAL avec une translocation de MLL que chez les contrôles (39, 44). De plus, un polymorphisme du gène CYP3A4 du cytochrome P-450 (allèle CYP3A4-V) est associé à un risque plus élevé de développer une leucémie myéloïde secondaire à la thérapie (LAM-t) suite à l’utilisation des épipodophyllotoxines (39).

Des polymorphismes dans le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II (allèle HLA-DPB1*0201), complexe impliqué dans la réponse immunitaire adaptative, sont associés à une augmentation du risque de LAL avec hyperdiploïdie (37). Le poids du bébé à la naissance semble être également un facteur de risque; les bébés pesant plus de 4 kg ont un risque accru de développer une LAL avec hyperdiploïdie ou avec la fusion TCF3-PBX1 [t(1;19)(q23;p13)] (37). Une étude sur plus de 7820 cas de leucémies a montré que le risque de LAL avec hyperdiploïdie augmente de 12% pour chaque tranche supérieure de 0,5 kg de poids et de 41% pour les LAL avec la fusion TCF3-PBX1 (45). Il n’y a toutefois aucune corrélation significative avec le risque de LAM (45).

Récemment, des études d’associations pangénomiques (GWAS- Genome Wide Associations Studies) sur de larges cohortes de patients et de contrôles ont identifié plusieurs facteurs importants de risque pour les hémopathies malignes. Plusieurs polymorphismes d’un seul nucléotide (SNP), impliquant des gènes critiques pour le

développement des cellules B, la régulation du cycle cellulaire et la réparation de l’ADN, constituent des facteurs de risques génétiques confirmés dans l’étiologie des LAL-B pédiatriques (22). Notamment, des locus en 7p12.2 (gène IKZF1), 10q21.2 (gène ARID5B) et 14q11.2 (gène CEBPE) contiennent des variations génétiques qui perturbent la différenciation des progéniteurs des cellules B et sont associés à une augmentation significative du risque de développer une LAL-B chez l’enfant (22). Une récente étude du Children Oncology Group (COG) a par ailleurs identifié certains polymorphismes du gène ARID5B associés à un pronostic défavorable (46). De plus, une variation au niveau de l’intron 1 du gène CDKN2A (9p21.3), un gène suppresseur de tumeur, influence significativement le risque de LAL de lignée B et T des enfants (47). Ces allèles de susceptibilité sont communs dans l’ensemble de la population, mais ont une faible pénétrance : la leucémogenèse serait donc attribuable à l’interaction entre la présence de multiples variants génétiques (qui confèrent un faible risque) et une exposition environnementale à des produits cancérigènes.