• Aucun résultat trouvé

69

Index de colonisation

Au total, 84 index de colonisation (IC) ont pu être déterminés. En fonction de la valeur seuil de positivité (IC ≥ 0,5), les patients se répartissent en trois groupes :

Groupe 1 : 27 patients ne sont pas colonisés (IC= 0), soit 32%

Groupe2 : Patients colonisés

Groupe 2a : 23 patients (27%) sont faiblement ou modérément colonisés (IC < 0,5).

Groupe 2b : 34 patients (41%) sont fortement colonisés (IC ≥ 0,5)

Figure 25 : Répartition des patients en fonction de leur index de colonisation

Patients non colonisés Patients faiblement colonisés Patients fortement colonisés

32%

27%

41%

70

Niveau de preuve selon les critères de l’EORTC

En se basant sur la définition des infections fongiques profondes proposées par l’EORTC, nous avons pu classer les patients en 4 catégories:

 8 patients ont une candidose prouvée (8,5%)

 41 patients ont une candidose probable (48,8%)

 31 Patients ont une candidose possible (36,7%)

 4 Patients n’ont pas de candidose (4,7%)

Figure 26 : Répartition des patients en fonction du niveau de preuve

Patients à candidose prouvée Patients à candidose probable Patients à candidose possible Patients sans candidoses 8,5% 48,8% 36,7% 4,7%

71

Attitude thérapeutique :

La notion du traitement antifongique avant ou après le diagnostic da la candidose a pu être renseignée pour tous les patients.

Avant le diagnostic :

 11 ont eu un traitement antifongique avant le diagnostic : 1 patient a reçu de l’Amphotéricine B, 8 patients du Fluconazole,

et 2 patients du Voriconazole.

 Par contre, 73 n’ont eu aucun traitement antifongique avant le diagnostic.

Après le diagnostic :

 25 patients ont bénéficié d’un traitement antifongique après le diagnostic :

5 sous l’Amphotéricine B, 15 sous Fluconazole, et 5 sous Voriconazole

 59 n’ont pas eu de traitement antifongique après le diagnostic (1 patient avait une candidose systémique prouvée, décédé avant la positivité de l’hémoculture)

Devenir des patients à J 30 :

Concernant l’évolution des patients, 20 sont décédés au cours de l’étude soit (23,8%). Dont six avaient une candidose systémique documentée soit 30% des décès.

72

V. DISCUSSION :

De nombreux patients sont colonisés par Candida sp, pendant leur séjour à l’hôpital, mais peu font des fongémies, sauf en réanimation où l’incidence peut atteindre 10% [25]. C. albicans est l’espèce majoritairement responsable de candidémies, mais d’autres espèces émergent, essentiellement Candida glabrata, Candida parapsilosis et Candida tropicalis [45]. La proportion relative de ces différentes espèces varie en fonction du terrain, des centres, de l’époque, des pays et de la pression antifongique. Les taux de mortalité diffèrent également selon les espèces et le terrain sous-jacent, mais la mortalité globale est de l’ordre de 40% [45,70].

Les patients inclus dans notre étude représentent une population assez hétérogène avec une grande dispersion d’âge. Le sexe masculin est prédominant puisqu’il représente 77,4% des effectifs.

Les facteurs de risque classiquement associés aux candidoses systémiques sont retrouvés notamment une antibiothérapie à large spectre et port de matériel étranger : cathéter veineux central, sonde urinaire, cathéter artériel et drains, d’autres facteurs de risque sont également retrouvés à des taux considérables : La trachéotomie, les immunosuppresseurs, la corticothérapie à long cours, les cancers et le diabète.

73 Dans notre étude, au niveau statistique, les facteurs de risque associés à la survenue d’une candidose systémique (p < 0,05) sont :

 L’antibiothérapie à large spectre

 La trachéotomie.

 Les immunosuppresseurs.

 La corticothérapie au long cours.

 Cancers ou hémopathies

Le taux de mortalité parmi les patients à candidose systémique prouvée est de 75% (6/8), ce chiffre est nettement supérieur aux données de la littérature

[45] et montrent tout l’enjeu de trouver des arguments diagnostics fiables

permettant l’instauration rapide d’un traitement antifongique.  Résultats mycologiques

Nous avons constaté, au cours de l’étude, l’importance de la colonisation des patients de la réanimation par le genre Candida (68% des patients sont colonisés). La colonisation porte essentiellement sur les sites buccaux, nasaux et urinaires.

Nous avons mis en évidence 7 espèces différentes de Candida (Candida albicans, Candida tropicalis, Candida glabrata, Candida krusei, Candida famata, Candida parapsilosis, Candida guilliermondi). La littérature [70] fait état de la prédominance dans les services de réanimation de Candida albicans mais avec un recul au cours de ces dernières années en faveur de Candida non albicans.

Dans notre travail, Candida albicans est prédominant par rapport aux autres espèces, avec un pourcentage de 35% dans les cultures monomorphes et de 80% dans les cultures polymorphes. Par ailleurs nous avons noté l’émergence

74 de nouvelles espèces comme le Candida tropicalis avec respectivement 23,6% et 61,8%, Candida glabrata avec respectivement 16% et 47,2%, ainsi que d’autres espèces (Candida krusei, Candida famata, Candida parapsilosis, Candida guilliermondi) qui présentent cependant des fréquences nettement moindres.

Nous avons trouvé également des associations d’espèces surtout au niveau buccal, nasal, et urinaire, les plus fréquentes sont :

C. albicans + C. tropicalis 38,2%

C. albicans + C. glabrata 21,8%

C. glabrata + C. tropicalis 11%

L’association de 3 espèces (C. albicans + C. glabrata + C. tropicalis) est présente avec une fréquence de 9%

La présence de ces associations montre tout l’intérêt de l’utilisation des milieux chromogéniques comme le Candiselect 4® utilisés dans notre étude et qui permettent de déceler les associations grâce aux couleurs différentes pour chaque espèce, ce qui n’est pas le cas du milieu Sabouraud utilisé habituellement où toutes les espèces ont le même aspect macroscopique.

An niveau des hémocultures, 4 espèces de Candida ont été retrouvées : C. albicans avec 3 cas sur 7 hémocultures positives à Candida, C. tropicalis avec 2 cas sur 7, C. glabrata et C. famata avec un seul cas pour chaque espèce.

7 cas de candidose ont été confirmés par hémoculture, alors qu’un cas a pu être confirmé par la présence de C. albicans au niveau du LCR.

75  Intérêt du calcul de l’index de colonisation

Nous avons vu que plusieurs équipes font appel au calcul de l’index de colonisation [31]. Ce calcul a été mis en place dans notre étude. Cependant, un certain nombre de points sont à discuter. Le nombre de sites prélevés, l’origine précise des échantillons et la fréquence des prélèvements.

La fréquence des prélèvements (2 fois par semaine) apparaît insuffisante. Pittet [74] recommande, pour le calcul de l’index de colonisation et son suivi, plusieurs jours de prélèvements par semaine, cependant, cette recommandation semble irréaliste compte tenu de la charge de travail.

Dans notre travail, nous avons observé que 68% des patients étaient modérément ou fortement colonisés par Candida dans le groupe d’étude.

Sur l’ensemble des 8 patients ayant développé une candidose prouvée, 100% étaient effectivement colonisés par la levure responsable (IC ≥ 0,5).

En effet, la colonisation à Candida est une première étape essentielle dans la pathogénie de la candidose systémique, il est donc indispensable d’instaurer le dépistage et la surveillance d’une colonisation chez des patients présentant par ailleurs d’autre facteur de risque.

La figure 20 illustre le degré de colonisation maximal mesuré dans notre groupe de patients de réanimation suivis prospectivement et ayant développé ou non une infection sévère à Candida durant notre étude.

76

Figure 27 : Comparaison des index de colonisation par levures du genre Candida chez deux groupes de patients ayant (symboles rouges) ou non (symboles bleus) développé une infection sévère à Candida.

On remarque que les 8 patients ayant développé une candidose avaient un IC ≥ 0,5.

Par contre d’autres patients avaient un IC ≥ 0,5 mais n’ont pas développé de candidose prouvée.

On peut conclure que l’index de colonisation a l’avantage de fournir une donnée quantifiée de la situation du patient par rapport à la colonisation. Il résume en une seule information la proportion des sites colonisés et l’intensité de la colonisation. Il permet un suivi plus aisé et fait parti des critères entrant en jeu pour la décision thérapeutique. Toutefois, il ne peut constituer à lui seul une indication de traitement. 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Index de colonisation jours en réanimation

77  Niveau de preuve de la candidose

Une définition des infections fongiques profondes a été proposée par l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) [74] incluant des critères clinico-biologiques, elle définit :

 Les infections fongiques invasives prouvées : examen histo-cytologique avec présence de levures dans une biopsie ou dans un prélèvement obtenu par ponction/aspiration à l’aiguille à l’exception des prélèvements muqueux ou si une culture positive est obtenue à partir d’un site normalement stérile, et anomalies cliniques ou radiologiques évoquent une infection (excepté les urines et les muqueuses).

 Les infections fongiques invasives probables : s’il y’a un facteur lié à l’hôte, un critère microbiologique et un critère clinique majeur (ou 2 mineurs).

 Les infections fongiques possibles : s’il y’a un facteur lié a l’hôte et un facteur microbiologique ou un critère clinique majeur (ou 2 mineurs).

78

Tableau XII : Critères de définition des infections fongiques de l’EORTC [74]

Critère liés à l’hôte

 Neutropénie (>10 jours et <500/mm3)

 Fièvre >96h, persistante sous traitement ATB à large spectre appropriée chez un patient à risque élevé

 température>38°C ou <36°C et 1 élément suivent :

 neutropénie prolongée (>10 j) dans les 60 j précédents.

 Utilisation actuelle ou dans les 30 j précédents d’immunosuppresseurs  Mycose invasive prouvée ou probable dans une période de neutropénie

antérieure.

 SIDA symptomatique.

 GVH (≥ grade 2) ou GVH chronique extensive.  Corticoïde (> 3 semaines) dans les 60 j précédents

Critères microbiologiques

Cultures positives à Candida sp : 2 uro-cultures positives en l’absence de sonde urinaire

Examen direct positif à candida sp : présence de Candida sp à l’examen direct des urines en l’absence de sonde urinaire

Critères cliniques

Doivent être en rapport avec le site du prélèvement positif et l’épisode en cours

 Lésion nodulaire sans autre explication

 Choriorétinite ou endophtalmie

79 Les données de la littérature [7] font état du faible nombre de candidoses systémiques prouvées y compris dans les unités à risque telles que les services de réanimation. Des résultats d’autopsie suggèrent que le nombre de candidoses systémiques est sans doute sous-estimé.

Dans notre cas, 8 candidoses systémiques ont été diagnostiquées de manière certaine (7 par hémocultures positives et une par présence de Candida dans le LCR) soit un taux de 9,5%. Ce taux est conforme à celui trouvé dans les séries concernant les services de réanimation 10% [25].

80

Corrélation Index de Colonisation-Niveau de preuve

Les 8 patients qui ont développé une candidose prouvée avaient un IC ≥ 0,5 21 patients sur les 41 qui on une candidose probable ont un IC ≥ 0,5

La figure nous donne la moyenne des index de colonisation pour chaque niveau de preuve.

Candidose prouvée (IC-1) candidose probable (IC-2) candidose possible (IC-3)

Figure 28 : la moyenne de l’Index de colonisation par niveau de preuve

Box plots 0,000 1,000 0,200 0,313 0,500 0,800 0,650 0,663 0,100 0,800 0,500 0,405 0,000 1,000 0,000 0,142 IC - total IC - 1 IC - 2 IC - 3 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2

81 Dans notre travail l’IC est bien corrélé, statistiquement, au niveau de preuve (p<0,05).

L’importance du degré de colonisation dans le risque de développer une infection secondaire est reconnue dans plusieurs études [25,27].

Dans notre étude, l’index de colonisation était significativement plus élevé chez les patients ayant développé une candidose prouvé (en moyenne 0,66), et les patients ayant une candidose probable(en moyenne 0,40) comparé à l’ensemble des patients inclus dans l’étude (en moyenne 0,31)

La sensibilité de cet index, qui est utilisé par de nombreux réanimateurs, était de 100% d’après plusieurs études [25,55].

82

Conclusion générale

Malgré les progrès réalisés dans la compréhension de la physiopathologie des infections à Candida, et le développement de nouvelles méthodes, le diagnostic se fait généralement d’une façon tardive aggravant le pronostic de la maladie qui est déjà sombre. L’hémoculture reste l’examen de référence, malgré sa faible sensibilité et son résultat le plus souvent tardif.

La survenue d’une infection sévère à levure du genre Candida est une complication hospitalière redoutable. Une bonne connaissance de leur pathogénie doit permettre au clinicien de détecter précocement les facteurs de risque qui prédisposent à leur développement. À cet égard, le degré de colonisation représente un élément crucial dont la valeur prédictive est établie.

Documents relatifs