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Frédérique Martz Co-fondatrice et

Dans le document Enfants exposés aux violences conjugales (Page 109-112)

directrice générale de Women Safe & Children

Women Safe & Children. basée en région parisienne et comptant un nombre croissant d’antennes en France (Corse, Haute-Savoie et bientôt davantage), propose un accompagnement gratuit et innovant à des femmes et à des mineurs victimes de violences. L’approche de WS&C est unique car elle est axée sur la pluridisciplinarité, ce qui signifie que différentes professionnelles (psychologues, infirmières, médecins, juristes, avocates, masseuses, ostéopathes, art-thérapeutes etc) s’entretiennent avec les bénéficiaires pour apporter une réponse coordonnée et globale aux problématiques rencontrées par ces personnes fragilisées.

L’approche de WS&C se veut également systémique, en incluant dans un même lieu les femmes et les mineurs. Cette méthode d’analyse et d’appréhension permet une approche globale afin d’apprendre le fonctionnement d’un contexte intrafamilial qui pourrait impacter directement le mineur : ce dernier sera pris en considération dès l’évocation des violences vécues au sein de la cellule familiale.

Unique par sa vision de prévention et protection du mineur, elle l’est à tel point qu’elle se développe actuellement sur le territoire (métropole et outre-mer) afin d’offrir à chaque département son antenne Women Safe & Children et les bienfaits associés.

En 2014, alors que la vocation initiale de l’association était de recevoir les femmes, leur libération de la parole nous a permis de constater que 70% d’entre elles avaient été victimes de violences pendant l’enfance. Et puis ces femmes venaient avec leurs enfants. S’est posée la question de la place du mineur et comment ce mineur allait pouvoir bénéficier d’une prise en charge immédiate, qui allait également le protéger. En 2016, nous avons ouvert dans le même lieu, le pôle Mineurs, qui nous a permis de recevoir les femmes et leurs enfants, parce qu’à l’extérieur les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (CMPP) étaient déjà saturés.

Les professionnels sont confrontés sur le terrain à de nombreuses difficultés : impossibilité à la victime de déposer plainte, décrédibilisations, plainte classée sans suite… mineurs non considérés systématiquement lors d’une déclaration de violences conjugales….

L’autorité parentale demeure un frein pour la prise en charge des mineurs victimes/témoins, surtout parce que l’un des adultes, auteur de violences, pourrait malheureusement s’y opposer.

Seule, l’évocation du constat réel de la souffrance des enfants pourrait s’opposer voire remettre en question le refus du parent « auteur ».

Nous contournons cette autorité parentale de l’un des deux parents, dans la mesure où aujourd’hui le bénéfice pour les mineurs est évident. On sait que la violence qu’ils subissent est quotidienne et permanente, « c’est comme un accident de voiture tous les jours » comme le dit le docteur Alvarez.

Ces mineurs vivent des événements insupportables : s’ajoutent la temporalité de la justice et la réponse judiciaire qui suivent. De plus, les auditions des mineurs restent encore souvent

inadaptées : il nous paraît nécessaire de les préparer au contexte dans lequel ils seront reçus. D’où l’importance de notre dispositif qui accueille ces mineurs en leur permettant de rencontrer un juriste qui va les aider à décrypter les mots utilisés dans un contexte juridique.

Les juristes expliquent aux enfants leurs droits, et essaient de donner le sens de la sémantique utilisée dans ce « monde » étranger pour eux. Souvent, ils en ont des interprétations qui les mettent dans des situations de stress, car ils ne comprennent pas ce qu’est un dépôt de plainte ou une audition, une ordonnance de protection, par exemple.

Concernant l’autorité parentale, nous vivons des situations profondément injustes. C’est le cas d’une enfant victime de féminicide qui nous a été confiée, et un père qui en a encore l’autorité parentale, parce que considéré par la justice comme irresponsable. Le placement en hôpital psychiatrique sera la réponse de la justice. Vous imaginez la difficulté de cette enfant à trouver sa voie pour se (re)construire, et nous permettre de traiter en priorité le psycho-trauma.

Trop souvent, la psychiatrie considèrera que son objectif est de traiter la personne qui lui est confiée, et non d’inclure dans sa pratique le contexte systémique, qui l’amènerait à considérer en priorité la reconstruction psychique de l’enfant témoin.

La prise en charge des enfants qui nous sont confiés par l’ASE est tout à fait particulière. Ce sont souvent des enfants confrontés à de multiples professionnels dans le cadre de leur placement, ce qui représente une quasi-impossibilité pour les enfants de trouver une situation stable, ils montrent souvent une difficulté d’adaptation au sein du lieu dans lequel ils sont placés (famille d’accueil ou foyer). Leur devenir est statué régulièrement, tiraillés entre une vision de l’éducateur, du référent, de la justice, … notamment dans le cadre du retour au domicile, au non-retour au domicile... etc. S’ajoute à ce constat, une non prise en charge spécifique des adultes maltraitants, qui n’ont souvent pas d’obligation de soins, ou, s’il y a obligation de soin des parents, le contrôle devrait être systématique, confié aux professionnels de la santé et de la justice On renvoie ces enfants dans un soi-disant « cocon familial », parce que les enfants expriment maladroitement une envie de retourner au domicile, au sein duquel, pourtant, les parents n’auront pas du tout été pris en charge pendant la période de leur placement.

Pour finir, la particularité de la prise en charge des traumatismes est une véritable spécialisation : il est essentiel de comprendre le mécanisme du psycho-traumatisme. Nos professionnels sont tous formés au psycho-traumatisme, de l’infirmière en passant par le médecin, par les juristes. C’est une formation indispensable pour comprendre dès la libération de la parole, l’impact du psycho-traumatisme dans l’élaboration des faits. En comprendre le mécanisme, c’est mieux respecté la parole libérée, et agir dans la temporalité de la victime. L’EMDR est souvent utilisé pour passer ensuite à une thérapie de plus ou moins long terme.

En conclusion, les témoignages des dysfonctionnements tels que relatées par de nombreuses femmes, pourraient amener à revoir les process d’une prise en charge globale et systémique de la femme victime, du mineur témoin/victime et de l’auteur des violences. Chacun y trouverait un espace déterminant pour éviter la reproduction.

. Impossibles soins, impossible reconstruction

La persistance de la violence empêche  le travail de reconstruction. 

Et le maintien de l’autorité parentale et de son exercice permet bien souvent une continuation de la violence et de la stratégie d’emprise par d’autres moyens.

Le travail de soin est particulièrement bien souvent empêché par ce maintien de l’autorité parentale et de son exercice : elle permet d’empêcher certains actes nécessaires mais requérant l’autorisation des deux parents. S’ajoute à cela le manque de formation de certains praticiens au contexte des violences conjugales, ne permettant pas une prise en charge adaptée et entraînant bien souvent une réitération de la parole de l’enfant qui ne fait que lui faire revivre le trauma.

Immédiatement, le père

Dans le document Enfants exposés aux violences conjugales (Page 109-112)