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CHAPITRE 2. NEUROIMAGERIE DU FER

2.1. Fer non héminique cérébral

2.1.1. Les différentes formes de fer non héminiques dans le cerveau

Le fer non-héminique peut être présent sous deux formes dans l’organisme, soit sous forme d’ions ferriques (Fe3+) soit sous forme d’ions ferreux (Fe2+), le premier de ces deux ions est peu réactif tandis que le deuxième, l’ion ferreux est très réactif, et est à la base de réactions d’oxydo-réductions. Le rôle du fer dans la création de stress oxydatif provient du fait qu’il peut aisément changer d’état oxydatif en donnant ou en recevant un électron. Cette capacité d’oxydo-réduction permet au fer de servir de catalyseur qui va grandement augmenter l’activité des espèces réactives de l’oxygène, et en particulier augmenter la concentration des radicaux libres hydroxyles, qui sont très réactifs (Schenck and Zimmerman 2004). Les réactions se produisant dans les tissus sont complexes et peu connues, mais elles peuvent être résumées par un processus en deux étapes connues sous le nom de réaction de Haber-Weiss :

𝐹𝑒

3+

+ 𝑂

2∙−

→ 𝐹𝑒

2+

+ 𝑂

2 (2.1)

𝐹𝑒

2+

+ 𝐻

2

𝑂

2

→ 𝑂𝐻

+ 𝑂𝐻

+ 𝐹𝑒

3+ (2.2)

Ces deux réactions peuvent être résumées selon :

𝐻

2

𝑂

2

+ 𝑂

2∙−

→ 𝑂𝐻

+ 𝑂𝐻

+ 𝑂

2 (2.3)

L’ion ferrique retourne donc à son état initial à la fin de la réaction et peut donc continuer à réagir avec son environnement. Cependant 𝑂2∙− qui est un radical relativement peu réactif, a

finalement été remplacé par 𝑂𝐻∙ qui lui, est un radical hydroxyle hautement réactif et toxique pour l’organisme et cause des dommages cellulaires. Selon certaines hypothèses, le fer pourrait jouer un rôle majeur dans la mort cellulaire dans la maladie d’Alzheimer et certaines autres maladies neurodégénératives par l’intermédiaire du stress oxydatif causé par la production de radicaux libres (Fahn and Cohen 1992; Jomova et al. 2010).

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2.1.1.1. Ferritine

La majorité du fer non-héminique intracérébral est présent sous forme d’une protéine de stockage appelé ferritine. Les premières études de Hallgren et Sourander en 1958 faisaient état d’une proportion de 30% de ferritine par rapport au total de fer présent, mais de plus récentes études (Bizzi et al. 1990; Morris et al. 1992) démontrent que jusqu’à 90% du fer présent dans le cerveau se trouverait sous forme de ferritine. La ferritine est composée d’un cœur minéral de 8nm de diamètre qui est généralement un unique nanocristal avec une structure ressemblant à celle de la ferrihydrite. La composition précise du noyau n’est pas connue avec précision mais elle est souvent approximée par : 5𝐹𝑒2𝑂39(𝐻2𝑂) ou 𝐹𝑒5𝐻𝑂84(𝐻2𝑂), mais le cristal peut aussi contenir des

hématites ou magnétites (Chasteen and Harrison 1999; Quintana, Cowley, and Marhic 2004). Ce cœur, qui peut être composé de jusqu’à 4500 atomes de fer est entouré par une enveloppe de protéines de 12nm de diamètre (Collingwood and Dobson 2007) (Figure 6).

Figure 6 : Schéma de la ferritine. Le coeur minéral de 8nm peut être composé par jusqu'à 4500 atomes de fer. Il est protégé par une enveloppe de protéines de 12nm de diamètre.

La ferritine est un hétéropolymère composé de deux chaînes, la chaîne de ferritine dite « lourde » qui va permettre la transformation des ions ferreux en ions ferriques, tandis que la seconde chaîne dite « légère », ne prend pas part à la transformation des ions ferreux, mais joue un rôle important dans la nucléation du cœur de fer à l’intérieur de la protéine (Ward et al. 2014).

8 nm

12 nm

Enveloppe de protéine

Cœur de ferrihydrite

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2.1.1.2. Hémosidérine

Un autre complexe protéine-fer, qui contient aussi une grande partie du fer intracérébral est l’hémosidérine. L’hémosidérine est souvent associée aux pathologies pour lesquelles il existe un dépôt excessif de fer et est généralement décrit comme étant une forme intracellulaire agglomérée et dégradée de la ferritine qui pourrait avoir été endommagée par les lysosomes. Le fer contenu en son cœur pourrait être relâché plus facilement que celui de la ferritine. Certaines hypothèses suggèrent que la majorité du fer dans les cerveaux de sujets sains, ainsi que dans les sujets atteints de maladies neurodégénératives seraient sous la forme d’agrégats d’hémosidérine plutôt que sous forme de molécules de ferritine isolées (Schenck and Zimmerman 2004).

Le cerveau à un besoin continu de fer comme composant du transport mitochondrique d’électrons ou comme site actif de plusieurs enzymes cruciales comme la tyrosine hydroxylase, ou pour la formation de myéline (Connor et al. 1995). Cependant, il semblerait que le stock en fer du cerveau soit très supérieur à ce qui serait nécessaire pour maintenir ces fonctions (Youdim 1988). Il a été reporté que le fer pouvait provenir aussi bien de l’hémosidérine que de la ferritine, ouvrant ainsi la possibilité à l’hémosidérine de participer directement à des processus qui sont encore peu connus (Iancu 1992).

2.1.1.3. Transferrine

La transferrine est une protéine de transport du fer. Elle va lier deux atomes ferriques ensembles puis les transporter par le sérum, le système lymphatique, et le liquide cérébro-spinal, et va les délivrer aux cellules. Il a été démontré que la concentration de cette protéine était diminuée dans la maladie d’Alzheimer, à la différence d’une augmentation de la ferritine et du fer dans certaines régions (Connor et al. 1992).

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2.1.1.4. Oxydes de fer magnétiques

La magnétite a été associée aux régions du cerveau qui présentent un haut taux de fer, comme par exemple l’hippocampe (Schultheiss-Grassi, Wessiken, and Dobson 1999), et fait donc l’objet d’étude pour évaluer son rôle dans les maladies neurodégénératives. Elle a une structure ferromagnétique et sa formule chimique est 𝐹𝑒3𝑂4. Il semblerait que la concentration en magnétite

augmente avec l’âge, mais uniquement pour une population masculine (Dobson 2002) ce qui semble intéressant sachant que certaines maladies neurodégénératives présentent une prévalence plus importante chez les hommes que chez les femmes, comme par exemple la maladie d’Alzheimer pour qui la maladie se développe à un âge moins avancé que chez les femmes.

2.1.1.5. Neuromélanine

Le pigment de neuromélanine est capable d’accumuler différents métaux, et principalement le fer. La neuromélanine semble être le système le plus efficace pour piéger le fer, ce qui résulte en une immobilisation du fer dans les neurones pour une longue durée. Les neurones « pigmentés » de la substance noire et du locus coeruleus ont le plus haut taux de neuromélanine dans le cerveau. Le fer dans la neuromélanine est sous forme de fer 𝐹𝑒3+ et représente 10 à 20% du fer de la substance noire (L. Zecca et al. 2001). Il a été démontré que la neuromélanine avait des propriétés équivalentes à celle de la ferritine (Gerlach et al. 1995).