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CHAPITRE 2. NEUROIMAGERIE DU FER

2.1. Fer non héminique cérébral

2.1.3. Dépôts de fer et maladies neurodégénératives

Comme énoncé précédemment, les dépôts de fer anormaux sont un facteur favorisant le stress oxydatif, et de nombreuses études ont démontré l’importance de son rôle dans plusieurs maladies neurodégénératives. En effet de très hautes concentrations de fer sont des caractéristiques majeures de certains troubles génétiques récessifs tels que l’acéruloplasminémie, et la neurodégénérescence avec accumulation de fer (NBIA pour neurodégénération with brain iron accumulation). L’implication pathologique d’une augmentation de la concentration en fer a aussi été reportée à de nombreuses reprises pour des maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la maladie de Hungtinton, la sclérose en plaques, la démence à corps de Lewy, neuroferritinopathy ainsi que dans d’autres maladies. Nous présentons ici le rôle du fer dans la maladie d’Alzheimer puis dans les autres maladies neurodégénératives.

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2.1.3.1. Maladie d’Alzheimer et fer

La maladie d’Alzheimer est la cause la plus commune de démence chez la personne âgée. Cette maladie est caractérisée par la présence de plaques séniles et d’enchevêtrements neurofibrillaires, qui sont des agrégats intracellulaires de protéine tau hyper-phosphorylées et sont connus comme étant les premiers marqueurs de la maladie d’Alzheimer (Connor et al. 1992), dans les régions corticales du cerveau (Braak, Braak, and Bohl 1993). Comme nous l’avons vu précédemment les métaux, sources de réactions d’oxydo-réductions, jouent un rôle très important dans l’apparition de stress oxydatif. Il existe une très forte relation entre les dépôts de fer et la maladie d’Alzheimer. De nombreuses études post-mortem ont en effet montré une augmentation de la concentration en fer chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et notamment au sein des hippocampes, des lobes corticaux ou des ganglions de la base, en comparaison avec des sujets sains (Connor et al. 1992; Dedman et al. 1992; Loeffler et al. 1995; Cornett, Markesbery, and Ehmann 1998). Il y a de plus en plus d’études démontrant que le stress oxydatif est un des évènements apparaissant le plus tôt dans la maladie d’Alzheimer, ainsi les dépôts anormaux de fer pourrait être un des précurseurs de cette maladie. Cette augmentation de la concentration en fer au sein de certaines structures du cerveau dans la maladie d’Alzheimer serait probablement causée par un dérèglement du système de régulation du fer. En effet plusieurs études ont montré la perturbation de l’expression de certaines protéines liées à la régulation de ce fer dans cette maladie. Il a été démontré que les sites d’une augmentation anormale de la concentration en ferritine étaient colocalisés avec les plaques séniles et les enchevêtrements neurofibrillaires. La concentration de transferrine est quant à elle anormalement élevée dans le cortex frontal (Loeffler et al. 1995).

Bien que des études post-mortem démontrent une corrélation entre augmentation de la concentration en fer et augmentation de la concentration en ferritine dans certaines régions du cerveau (Dedman et al. 1992; Connor et al. 1992), d’autres études in-vivo montrent que l’augmentation globale en fer n’est pas corrélée à une augmentation de la concentration en ferritine (G Bartzokis et al. 2000). Cependant d’autres études ont trouvé des corrélations avec la concentration d’autres forme de fer, notamment de magnétite dans le gyrus temporal supérieur (Hautot et al. 2003; Pankhurst et al. 2008). Toutes les formes de fer peuvent donc avoir un rôle important dans la pathogénèse de la maladie d’Alzheimer. De plus le fer n’est pas le seul métal dont un lien avec la maladie d’Alzheimer a été démontré. En effet les métaux tels que le zinc (𝑍𝑛2+), le cuivre (𝐶𝑢2+), et l’aluminium (𝐴𝑙3+), sont aussi liés au phénomène de neurodégénérescence (Rodella et al. 2008; Thinnes 2010; Savelieff et al. 2013; Watt, Villemagne, and Barnham 2013).

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Il semblerait que certains facteurs génétiques puissent augmenter la susceptibilité aux dépôts de fer anormaux lors du vieillissement (van Rensburg et al. 1993; Namekata et al. 1997; Van Landeghem et al. 1998; Sampietro et al. 2001; Pulliam et al. 2003; Blázquez et al. 2007; Bertram and Tanzi 2008; Schjeide et al. 2009; Kauwe et al. 2010; George Bartzokis et al. 2011). Mais cette hypothèse fait encore l’objet de nombreux débats à l’heure actuelle (Hollingworth et al. 2011; Naj et al. 2014).

Les dépôts de fer dans la maladie d’Alzheimer ont fait l’objet de nombreuses études IRM. La majorité de ces études se sont concentrées sur les structures sous-corticales. Une étude récente conduite par Moon et son équipe sur le pulvinar de sujets atteints de la maladie d’Alzheimer, a montré que les valeurs de T2* au sein de ce noyau étaient significativement plus faibles chez les patients que chez les sujets contrôles. Cette baisse du taux de relaxation serait associée avec une augmentation de la concentration en fer (Moon et al. 2012). La sensibilité au fer augmentant linéairement avec la puissance du champ utilisé (Luccichenti et al. 2010), De Reuck et collègues ont pu montrer en 2014 une augmentation significative des valeurs de T2* au sein du noyau caudé avec un aimant de 7 T (De Reuck et al. 2014). En 2009, Zhu et collègues ont utilisé de l’imagerie de phase à 1,5 T et ont démontré que les patients Alzheimer présentaient un taux de fer significativement plus élevé dans le noyau dentelé, le noyau caudé, le putamen, le cortex pariétal, et l’hippocampe de manière bilatérale (Zhu et al. 2009). En utilisant aussi l’imagerie de phase mais cette fois à 3T, d’autres études ont observé des concentrations en fer accrues au sein du putamen, du noyau caudé, de l’amygdale et du pallidum (Acosta-Cabronero et al. 2013; D. Wang et al. 2014). Enfin, une étude conduite avec un IRM de 14 Tesla sur des tissus hippocampiques de patients atteints de la maladie d’Alzheimer a conclu que la variance dans la distribution des valeurs de R2* au sein de l’hippocampe est significativement différente entre patients et sujets sains (Antharam et al. 2012). Une conclusion intéressante de cette étude post-mortem, est que l’augmentation du dépôt de fer intracérébral semblerait apparaitre avant les premiers signes d’atrophie.

Très peu d’études se sont intéressées aux dépôts de fer au sein du cortex. Cependant récemment, des études utilisant des acquisitions pondérées en T2* haute résolution à très haut champ ont été utilisées pour évaluer ces dépôts (Nakada et al. 2008; van Rooden et al. 2014; van Rooden et al. 2015). En 2015 Van Rooden et son équipe ont pu observer en utilisant les images de phase, que les sujets présentant une maladie d’Alzheimer précoce, présentaient des accumulations de fer très localisées au sein du cortex, probablement causées par les dépôts amyloïdes, comparativement aux sujets Alzheimer normaux.

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2.1.3.2. Le fer dans les autres maladies neurodégénératives

De nombreuses autres maladies neurodégénératives présentent aussi une augmentation de la concentration en fer au sein de certaines régions sous-corticales. Par exemple dans la maladie de Parkinson il a été observé par l’utilisation de différentes techniques IRM, une élévation des dépôts en fer dans la substance noire et dans le putamen principalement (Wallis et al. 2008; Brar et al. 2009; Péran et al. 2010; Nestrasil et al. 2010; Rossi et al. 2013). De manière similaire, des dépôts en fer ont été trouvés au sein de plusieurs structures sous-corticales dans la Sclérose en Plaque (Modica et al. 2015), ainsi que pour les maladies de Wilson (Skowrońska et al. 2013), Hallevorden-Spatz (Sethi et al. 1988; Szumowski et al. 2010), et Huntington (Sánchez-Castañeda et al. 2015).