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Matériels et méthodes

III. PROFIL CLINIQUE :

4. Formes cliniques :

a- En fonction de l’évolution [45] : a-1) La phase de début :

 Début brutal :

Il se caractérise par un syndrome infectieux manifeste avec une ascension thermique brutale pouvant dépasser 39°, l’altération rapide de l’état général, la prise de l’articulation par des phénomènes inflammatoires entraînant une impotence fonctionnelle.

 Début subaigüe :

En quelque semaines, se constitue un tableau fait de douleurs d’abord passagères puis permanentes avec une recrudescence nocturne évoluant vers l’impotence fonctionnelle progressive qui ne tarde pas à se compléter, il y’a une altération de l’état général qui évolue parallèlement et la fièvre oscille entre 37° et 38° degrés.

 Début insidieux :

Ce mode de début est le plus répandu, il est caractérisé par une conservation relative de l’état général, il y’a une souffrance au niveau de l’articulation. Dans le cas d’atteinte du genou chez un grand enfant, on note :

 Au début: L’enfant se penche du côté sain.

 A la marche: Il boite en esquivant l’appui sur le membre atteint.

 En position couché: On note une légère flexion du genou et l’augmentation du volume par rapport au côté opposé, il y’a une légère augmentation de la chaleur locale du genou, il existe aussi un empâtement du cul de sac sous quadricipital et latéro-rotulien, plus rarement perçu au niveau du creux poplité. L’amyotrophie du quadriceps est encore muette et sera mise en évidence par les mensurations. L’étude des mouvements passifs montre la disparition de l’extension complète, la flexion est un peu limitée et douloureuse si l’on force.

a-2) La phase d’état :

A ce stade, l’atteinte de l’articulation est parfaitement distinguée, cette phase indique en général plusieurs mois, voire plusieurs années d’évolution.

-Signes généraux :

Ils ont un caractère variable :

 Tantôt modérés, ils ne sont guère soulignés par les parents.

 D’autres fois, ils sont plus marqués, en cas de dissémination bacillaire évidente, ou des terrains défaillants.

 Signes fonctionnels :  La douleur :

C’est le signe le plus constant, Cette douleur est d’expression variable : - Souvent il s’agit d’une douleur très intense de type inflammatoire,

qui peut être soit permanente à paroxysmes nocturnes soit intermittente.

- Ailleurs, cette douleur n’apparaît qu’à la mobilisation de l’articulation, elle est de type mécanique.

 La mobilité articulaire :

La diminution de l’amplitude articulaire est due à la douleur, à la contraction musculaire réflexe et aux altérations articulaires. Tous les degrés sont retrouvés, depuis la limitation partielle des mouvements jusqu’au blocage articulaire complet avec une impotence fonctionnelle totale.

 Troubles de la marche :

La boiterie est présente chez presque tous les malades à des degrés variables dans les atteintes du membre inférieur.

 Les signes physiques :

 Articulation globuleuse (genou, coude, cheville) :

Sillonnée de veinosité bleuâtre, l’articulation volumineuse contraste avec une amyotrophie musculaire et parfois des muscles de la jambe donnant l’aspect classique du « tumeur blanche du genou »

Généralement, on retrouve les articulations en attitude vicieuse et ce pour retrouver une attitude antalgique.

 A la palpation :

- Une augmentation de la chaleur locale.

- -Tous les mouvements de l’articulation sont limités  Les abcès :

Les abcès froids sont très fréquents dans la TOA, conséquence de l’exsudation et de la liquéfaction. Un abcès froid est composé de sérum, de leucocytes, de matériel caséeux, de débris osseux et de BK. Les abcès traversent le périoste et les ligaments, et migrent dans des directions variées, en suivant les plans des fascias et les gaines des nerfs et des vaisseaux.

Un abcès superficiel peut se fistuliser ou former un ulcère, ce qui peut entraîner une surinfection à germe banal de l’abcès et/ou de la fistule. La taille de l’abcès est sans rapport avec l’importance de la destruction causée par la lésion initiale (figure 31).

Quand il s’agit de genou, l’abcès est recherché entre les faces latérales des condyles fémoraux et dans les tubérosités tibiales sous le quadriceps en avant, devant la tête du péroné, et en arrière dans le creux poplité.

Figure 25 : Abcès du coude (A) et du poignet (B) chez un enfant de sept ans atteint d’une

tuberculose multifocale [52].

 Les fistules :

Elles apparaissent pour évacuer le contenu des abcès, il y’a écoulement d’un pus jaune brunâtre, grumeleux et sanguinolent. Ces fistules ouvrent la porte aux pyogènes banaux qui infectent souvent l’abcès, on assiste alors à une recrudescence thermique.

a-3 ) Phase des séquelles :

Ces séquelles constituent les principales complications de la tuberculose ostéoarticulaire, le diagnostique peut n’être fait qu’à ce stade.

 Raideur:

Elle est d’importance variable et peut aller jusqu'à l’ankylose complète sous différentes positions avec un flexum ou un récurvatum.

 Désaxation du membre atteint :

On distingue des déformations dans le plan frontal sous forme de varus ou de valgus. Ces déformations sont dues principalement à la destruction des structures ligamentaires qui ont un rôle fondamental dans la statique de l’articulation.

 Raccourcissement de la longueur du membre: Il peut être noté si l’épiphyse est soudée précocement.

b- Formes topographiques : b- 1) Ostéite tuberculeuse :

La tuberculose réalise plus rarement une ostéite qu’une ostéoarthrite. L’ostéite tuberculeuse est habituellement une ostéite chronique avec un long délai diagnostique [4]. Elle se manifeste par des douleurs et/ou une tuméfaction évoluant lentement vers l’aggravation [10].

Non diagnostiquée, elle se complique d’abcès des parties molles et de fistulisation, parfois se compliquant de fracture pathologique [16].

En dehors du rachis, l'atteinte osseuse se localise surtout au niveau des os des extrémités et elle est plus fréquente au niveau du fémur, tibia et les petits os de la main et du pied.

Cela concorde avec les résultats de Teklali [11] ou seulement 16% des cas avaient une ostéite tuberculeuse isolée. Le membre inférieur était le plus touché (60 %), avec 5 localisations tibiales. D’autres localisations rares ont été recensées : astragale, calcanéum, cubitus.

Dans la série de Rafiqi [31], pour 83 %, il s’agissait d’une ostéite tuberculeuse sans atteinte articulaire associée, les localisations recensées étaient : le calcanéus (deux cas), l’ulna (deux cas), l’os iliaque (deux cas), le col fémoral (un cas), le cunéiforme latéral (un cas), le grand trochanter (un cas), le radius (un cas), le talus (un cas), le tibia (un cas) et la quatrième côte (un cas). Aghoutane [5] décrit assez récemment une ostéite tuberculeuse localisée au niveau de l’extrémité inférieure du péroné chez un nourrisson de 15 mois.

La localisation claviculaire est exceptionnelle chez le nourrisson [51]. D’après une étude récente faite en Côte d’Ivoire, une association exceptionnelle de la tuberculose claviculaire et métacarpienne a était rapportée chez un nourrisson de 2 ans sur un terrain drépanocytaire.

b- 2) Ostéoarthrite tuberculeuse :

La TOA constitue la forme la plus fréquente. Les signes cliniques sont pauvres et le tableau infectieux est peu marqué [14]. Le diagnostic se fonde sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et radiologiques. La symptomatologie est typiquement chronique, insidieuse et monoarticulaire. Des signes comme une douleur à la mobilisation, une diminution de la mobilité spontanée, une attitude vicieuse ou une tuméfaction sont décrits par plusieurs études [9, 11, 31, 32].

D’après l’étude de Teklali [11], Sur les 106 cas, 89 présentaient des ostéoarthrites (84 %), 77 intéressaient le membre inférieur (72 %) et 12 le membre supérieur, avec un maximum de localisations à la hanche (49 cas), au genou (18 cas), au coude (10 cas), à la cheville (10 cas), à l’épaule (1 cas) et au poignet (1 cas).

Rafiqi [31] en rapporte 17% des cas et ayant intéressé l’articulation de la cheville.

La TOA a touché dans la série de Holland [32], la hanche dans deux cas, la cheville dans un cas et l’articulation sacro-iliaque dans un seul cas.

D’après une étude indienne assez récente portant sur la TOA [52], dix enfants avaient une tuberculose localisée au niveau du coude, associée à une atteinte du poignet et de la main chez deux patients.

Pour nos 3 patients, les cas n 1 et 3 présentaient un tableau d'osteoarthrite (genou et poignet) tandis que le cas n 2 a présenté un tableau d'ostéite.

b- 3) Arthrite tuberculeuse :

L’arthrite tuberculeuse est rare même dans les pays à forte endémie tuberculeuse [53]. Elle est typiquement monoarticulaire. Elle touche préférentiellement les grosses articulations portantes comme la hanche et le genou.

L’atteinte peut se voir également au niveau des sacro iliaques, de l’épaule, du coude, de la cheville et des articulations du carpe et du tarse [54, 55].

L’arthrite tuberculeuse se caractérise par une évolution insidieuse, une pauvreté des signes cliniques un tableau infectieux peu marqué, ce qui constitue des éléments d’orientation diagnostique [56, 57, 58]. Il s’agit le plus souvent de douleur à la mobilisation, une diminution de la mobilité spontanée, une attitude vicieuse ou une tuméfaction.

c- Selon la localisation : c- 1) Hanche :

La tuberculose de la hanche ou coxalgie occupe le 2éme rang après l’atteinte vertébrale, il s’agit le plus souvent d’une coxite non spécifique au début, évoluant vers la destruction ostéo-articulaire ultérieurement [59]. Rarement l’atteinte de la hanche peut se manifester par une luxation. Celle-ci vient le plus souvent compliquer les troubles de croissance secondaires à l’infection tuberculeuse [60].

Les formes cliniques fréquemment décrites sont essentiellement des formes anatomiques : la forme juxta articulaire avec ses deux variétés (ostéite du col et trochantérite) et la forme abcédée qui est une conséquence classique des coxalgies évoluées. Dans cette forme, l’abcès peut se développer dans quatre directions possibles : antérieure, postérieure, interne et intra pelvienne [61, 62].

La luxation de la hanche au cours de la tuberculose est décrite dans les séquelles évolutives des coxalgies. En effet, il n’est pas rare d’observer chez l’enfant une hypertrophie des noyaux d’ossification céphalique et sous trochantérien. Cette hypertrophie est responsable de défaut de congruence coxo-fémorale. Les conséquences sont immédiatement la tendance aux subluxations et luxations et tardivement une évolution plus précoce vers la coxarthrose [63, 64]. L’atteinte ténosynoviale et la laxité capsulaire s’observent au stade de début de l’atteinte tuberculeuse de la hanche alors que l’atteinte osseuse reste absente ou discrète à ce moment. Ceci explique la possibilité de luxation en dehors de toute atteinte osseuse [65,66]. L’évolution spontanée, s’accompagne obligatoirement, d’une part, par l’apparition de la nécrose de la tête fémorale secondaire à la luxation, et d’autre part, par l’apparition de l’ostéite tuberculeuse. Le diagnostic radiologique est alors plus facile à ce stade.

c- 2) Genou :

Le genou constitue la troisième localisation ostéoarticulaire après le rachis et la hanche [49, 67, 68]. L’atteinte du genou est favorisée par les traumatismes.

Au départ, les lésions sont essentiellement synoviales et ce n’est que secondairement que le cartilage et l’os sous chondral sont atteints. L’induction expérimentale de tuberculose au niveau du genou a montré une diffusion des lésions à partir de l’articulation à la région suprapatellaire, les régions

Les signes cliniques sont pauvres et le tableau infectieux est peu marqué. Ils constituent de ce fait un élément d'orientation et doivent faire évoquer le diagnostic et rechercher systématiquement le BK. Il s'agit le plus souvent d'une douleur à la mobilisation, une diminution de la mobilité spontanée, une attitude vicieuse ou une tuméfaction d’évolution souvent insidieuse [9].

c- 3) Cheville :

La tuberculose osseuse de la cheville reste très rare. Le talus et le calcanéus restent les os les plus touchés [69, 70]. L’absence d’expérience des praticiens avec ces localisations ostéo-articulaires rares même dans un pays endémique comme le Maroc et les manifestations cliniques atypiques expliquent le retard diagnostique pouvant aller de quelques semaines à plusieurs mois [69, 70]. L’atteinte de la cheville se manifeste par la douleur, le gonflement et l’impotence fonctionnelle. À un stade tardif, une fistulisation à la peau peut être présente [70]. Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques et radiologiques. Devant des manifestations chroniques de type douleur et gonflement spontanés de la cheville où le diagnostic reste non précisé et dont la réponse aux anti-inflammatoires reste faible, il faut évoquer le diagnostic de tuberculose [71].

c-4) Le membre supérieur [28] :  Tuberculose de l’épaule :

La tuberculose de l’épaule n’est pas fréquente. Dans la majorité des cas, la lésion primitive est osseuse, située particulièrement à la jonction tête humérale et trochiter, avec atteinte articulaire secondaire. Le diagnostic peut se poser au stade d’arthrite chronique non destructrice avec douleur, raideur et déminéralisation osseuse. Il peut y avoir à ce stade un pincement modéré de

l’interligne et une encoche peu spécifique de la partie supéroexterne de la tête humérale, là où se réfléchit la synoviale. Mais il est fréquent que le diagnostic soit fait à un stade tardif avec douleur, raideur, impotence fonctionnelle, tuméfaction et amyotrophie. Les abcès froids et les fistules seraient moins rares qu’il ne serait classiquement dit. L’IRM est très utile au bilan et peut montrer une bursite sous-acromiodeltoïdienne communiquant avec une lésion osseuse du trochiter.

 Tuberculose du coude :

La tuberculose du coude peut être la conséquence d’une atteinte primitive de la synoviale ou de l’os. Dans ce cas, c’est l’ostéite de l’olécrâne qui est la plus fréquemment en cause. On dispose de la série ancienne de Wilson ou trente et un cas de TOA du coude ont été rapportés et les formes pédiatriques en présente douze cas. Dans l’étude d’Aggarwal et Dhammi, portant sur quarante-sept patients, vingt-deux enfants avaient une TOA du coude [52]. Selon une expérience indienne de quatre ans faite en 2010, dix enfants avaient une TOA du coude et associée à une atteinte du poignet et de la main chez deux patients [52]. Le diagnostic de la tuberculose osseuse et articulaire des membres peut être fait à un stade plus ou moins évolué. Cliniquement, la tuméfaction est le principal signe, suivie de la raideur, la douleur est loin d’être constante. La mobilité articulaire est corrélée au stade radiologique.

Une fistule est présente dans 20 à 69 % des cas et elle est souvent surinfectée. Une atteinte déficitaire du nerf cubital est possible et semble en rapport avec un kyste synovial de siège antérolatéral sous le col du radius.

 Tuberculose du poignet et de la main :

La tuberculose du poignet est une localisation rare. Elle succède généralement à une ostéite du radius, du scaphoïde ou du semi-lunaire. Elle peut être secondaire à une ténosynovite des fléchisseurs qui se fistulise dans l’articulation. Récemment, Toure a rapporté dans son étude une association exceptionnelle de la tuberculose claviculaire et métacarpienne chez un nourrisson de deux ans [51]. Le tableau clinique est très progressif, marqué pendant des mois par des douleurs aux mouvements du poignet, puis par l’apparition d’une tuméfaction dorsale. Il peut y avoir un syndrome du canal carpien. En l’absence de diagnostic et de traitement, les lésions progressent avec cliniquement une tuméfaction, un enraidissement, une impotence fonctionnelle majeure de toute la main, une déformation du poignet, des fistules le plus souvent dorsales.

c- 5) Tuberculose sacro-iliaque [28] :

La tuberculose sacro-iliaque succède en règle générale à une ostéite du sacrum qui envahit secondairement l’articulation. Elle est souvent associée à d’autres localisations tuberculeuses et elle peut être la conséquence de la propagation du BK à partir d’une tuberculose vertébrale, par l’intermédiaire d’un abcès du psoas.

La sacro-iliite tuberculeuse est habituellement unilatérale et d’évolution en général subaiguë. Il existe aussi des formes aiguës, plus rares.

Le délai diagnostique moyen est de 4 mois. Le principal symptôme est une douleur sacro-iliaque, parfois sciatique.

D’après l’analyse du profil clinique, La TOA chez le nourrisson est une pathologie insidieuse et chronique qui entraîne donc un retard diagnostic et des séquelles ostéoarticulaires parfois sévères. Des signes cliniques comme la douleur et la tuméfaction du membre atteint sont presque toujours présents mais non spécifiques et n’évoquant pas la tuberculose en premier lieu. En absence de traitement, l’évolution se fait lentement vers l’abcédation et la fistulisation allant parfois jusqu’à la raideur et la désaxation du membre atteint et le diagnostic peut n’être fait qu’à ce stade. Pour éviter ces séquelles graves qu’elle peut laisser chez le nourrisson, il faut toujours penser au diagnostic devant une monoarthrite chronique non étiquetée et rebelle au traitement habituel, et compléter par des examens biologiques et radiologiques allant en cas de doute à une biopsie afin d’augmenter les chances de diagnostic précoce.

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