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Chapitre 4. Présentation du terrain

3. Les formations DELF de Pôle Emploi

Les formations DELF sont offertes par Pôle Emploi (PE) aux candidats inscrits auprès de leurs services. Ces sessions d’apprentissage du français ont pour objectifs de doter les demandeurs d’emploi de formations certificatives. Elles sont de nature intensive (31,5 heures par semaine) et se déroulent sur une période de neuf semaines et demie.

3.1. Quel objet didactique ?

L’ensemble de l’équipe pédagogique d’Alynéa semble s’entendre sur le fait que si les formations DELF s’inscrivent naturellement dans le cadre de l’insertion professionnelle de par leur prescripteur (PE), elles représenteraient plutôt une étape vers cette dernière en « créant des conditions favorables » (Entretien E. Laurent) grâce à la progression des stagiaires en français. Il s’agit ainsi résolument de FLmig baignant dans un univers d’insertion professionnelle où les enseignants sont des formateurs et les apprenants des stagiaires. Il est en revanche important de noter que l’obligation d’une certification à l’issue de la formation, à savoir le DELF, s’ajoute à la formule. Ceci implique donc pour les formatrices d’engager une véritable préparation à l’examen et d’orienter leurs objectifs pédagogiques de manières à ce que leurs stagiaires puissent exécuter les tâches du DELF.

3.2. Organisation des formations

Fruit de la coopération entre les agences locales de Pôle Emploi et l’organisme de formation sélectionné, ces formations réunissent les équipes autour de quatre moments clé lorsque les conditions géographiques et d’emploi du temps le permettent : l’ICOP (Information Collective d’Orientation et de Positionnement), l’entrée en formation, les bilans intermédiaires et finaux en groupe (assortis d’un questionnaire de satisfaction). Plusieurs outils de contrôle sont également mis en place afin que les organismes de formation puissent apporter la preuve de leur travail dans le respect du cahier des charges.

3.2.1. Le recrutement des stagiaires

Organisée une semaine avant le début de la formation, l’ICOP est un temps essentiel qui permet de positionner et recruter les stagiaires. Au gré de mes discussions avec les équipes, j’ai décelé deux critères de sélection incontournables :

Tout d’abord la disponibilité de la personne pour le temps complet de la formation est cruciale. En effet, pour toute absence, PE ne rémunèrera ni le stagiaire, ni l’organisme de formation. Il est donc indispensable pour Alynéa, comme pour les autres organismes, de se garantir la présence des stagiaires pour rester serein en terme de budget de formation.

Ensuite, un niveau de français suffisant est également indispensable pour pouvoir mener le stagiaire au niveau A1 du DELF au minimum en 10 semaines de travail. On cherche alors à déceler les personnes analphabètes ou illettrées qui ne pourront être rentrées suffisamment dans l’écrit pour passer l’examen. Un niveau d’entrée A1.1 semble être le minimum mais les critères restent souples car les centres de formation ont pour obligation

de former des groupes avec un nombre minimum de stagiaires (12 ou 16 par exemple) et la formation n’ouvrira pas si les effectifs ne sont pas réunis. Cette « course à l’effectif » peut entraîner le recrutement de stagiaires dont le profil initial n’est pas toujours adapté au type de formation proposé.

3.2.2. Cadre administratif, pédagogique et temps de formation

Être formateur référent dans les formations DELF de PE implique un temps de travail administratif plutôt conséquent pendant et en dehors des heures effectives de formation. À mon échelle, il n’est pas aisé de déterminer quelles exigences sont établies par le cahier des charges fonctionnel et technique de PE ou par l’organisme de formation qui essaie de s’assurer qu’il pourra toujours apporter une réponse adaptée en cas d’ « enquête » de la part du commanditaire. Une estimation personnelle m’a permis de constater que sur 295 heures de formation, j’ai passé une cinquantaine d’heures à régler les obligations administratives avec les stagiaires soit 17% de mon temps pédagogique auxquelles s’ajoutent 33 heures en dehors des heures de formation. Il est également à noter que beaucoup de ces tâches administratives à effectuer avec les stagiaires se basent sur des documents non adaptés à un public d’apprenant du français et entraînent des moments de confusion et d’hésitation durant lesquels les stagiaires sont amené à signer des contrats, formulaires ou règlements qu’ils ne comprennent pas forcément.

L’organisation pédagogique est entièrement laissée à l’appréciation des formatrices qui créent leurs programmes et fixent les objectifs d’apprentissage du groupe. Un système de contrôle est par ailleurs mis en place et des fiches d’intervention doivent être complétées chaque jour et accompagnées de tout le matériel pédagogique utilisé en formation. De même, elles sont en charge de créer toutes leurs évaluations et d’en rendre compte à Pôle Emploi dans le carnet de bord des stagiaires.

Enfin, au gré de mes conversations avec des collègues travaillant depuis plusieurs années dans le cadre de ces formations, j’ai compris que les temps de formation sont constamment réduits et s’accompagnent d’un sentiment d’effort administratif à fournir grandissant.

3.2.3. Le public des formations

Les stagiaires bénéficiant de ces formations sont inscrits auprès des services de Pôle Emploi et c’est leur conseiller d’insertion qui les dirige vers la formation DELF. Ce statut de demandeur d’emploi n’est pas anodin et sous-entend que tous les stagiaires sont présents

sur le territoire de manière légale et en possession d’une carte de séjour s’ils ne sont pas européens. Ils ont passé les premières étapes de l’immigration en France et même si leur situation est souvent bien précaire, ils sont généralement suivis par une assistante sociale et sont installés - jusqu’à ce jour, je n’ai pas rencontré de stagiaire sans domicile fixe. Pour le reste, « il n’y a pas de groupe typique » (Entretien Juliette) et l’hétérogénéité caractérise les groupes en présence. En effet, les niveaux de compétences en français sont entre A1.1 et B2, les parcours scolaires sont très variés et dans tous les groupes que j’ai eus à ma charge, le niveau de scolarisation s’étendait du niveau primaire (jusqu’à 7 ans par exemple) à des études dans le supérieur. Les classes d’âges sont également très variées (18 ans - 55 ans) ainsi que les langues à l’actif des stagiaires, les parcours de vie professionnelle, les croyances religieuses ou la culture par exemple.

L’ensemble de l’équipe pédagogique semble par contre unanime quant à la motivation des stagiaires qui est immense et facilement constatable dans une très grande majorité des cas. Nous travaillons généralement avec un public volontaire et assidu, avec tout de même une ombre majeure au tableau : des stagiaires pas toujours bien sélectionnés avec un profil d’apprenant qui n’est pas adapté aux attentes de ce type de formation comme nous l’avons vu.

3.2. Des formations à grand potentiel mais pas toujours adaptées

Les formations DELF de PE sont selon moi une belle opportunité pour les adultes migrants de se former en langue française de manière intensive, avec une certification à la clé et ce, tout en étant rémunérés. Gratifiantes, elles constituent également des périodes clé en terme de vivre ensemble, socialisation et découverte, reprise ou maintien d’un rythme de vie professionnelle. L’obtention du DELF en fin de formation me paraît être une véritable source de motivation mais également bien souvent de grand stress causé par la peur de l’échec et de « décevoir » PE et les formateurs. Cet objectif DELF a également une influence sur le travail du formateur et prend beaucoup de place : pour rejoindre les propos de E. Mercier (cf. : 32) il conduit bien souvent à la mise en place d’activités pédagogiques pas forcément en lien avec les besoins réels des stagiaires.