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Nous avons vu dans la section pr´ec´edente que les noyaux com´etaires ´etaient des corps compos´es essentiellement de glaces et de poussi`eres, et qu’ils se trouvent en majorit´e sur des orbites tr`es excentriques. Nous allons maintenant passer en revue les hypoth`eses concernant leur formation.

Depuis quelques ann´ees, les observations de disques proto-plan´etaires se multiplient. Ces disques sont compos´es de gaz et de grains de poussi`eres. En leur sein, des plan´eto¨ıdes se forment par accr´etion des poussi`eres. Il s’agit donc de syst`emes plan´etaires en formation, `a un stade pr´ecoce de leur ´evolution.

Le premier disque observ´e fut celui entourant l’´etoile β-Pictoris (voir figure 1.5). Des mesures spectroscopiques, et des comparaisons entre les raies CaII, AlIII et MgII, ont ´egalement sugg´er´e que des com`etes pouvaient converger vers le centre du disque et finalement s’abattre sur l’´etoile ([Beust et al.(1990)], [Feldman et al.(1993)]). R´ecemment, des observations ont mis en ´evidence un gauchissement du disque. Cette d´eformation a ´et´e attribu´ee `a la pr´esence de plan`etes, ou du moins de proto-plan`etes, dans le disque ([Mouillet et al.(1997)]).

Il est aujourd’hui admis que notre Syst`eme Solaire s’est form´e de mani`ere similaire. Dans ce contexte, les noyaux com´etaires seraient les objets les plus anciens, et les moins ´evolu´es du Syst`eme Solaire.

d’esti-Fig. 1.5 – Image de β-Pictoris, prise avec le t´elescope de 3,6 m de l’ESO (La Silla), dans la bande J. Le champ mesure environ 250× 250 UA ([Mouillet et al.(1997)]).

mer la taille moyenne des grains les constituant. Cette taille moyenne est inf´erieure `a 1 µm ([Greenberg et Hage(1990)]). Leur ´etude est bas´ee sur des mesures spectroscopiques, et sur l’as-pect de la raie `a 10 µm des silicates. Selon [Greenberg(1996)], ces grains seraient constitu´es d’un noyau silicat´e, recouvert d’un manteau essentiellement compos´e de glace d’eau, de compos´es organiques, et de mati`eres volatiles.

Deux voies peuvent ˆetre envisag´ees pour d´ecrire les processus d’accr´etion. [Goldreich et Ward(1973)] ont propos´e que les plan´et´esimaux se sont directement constitu´es par accr´etion des grains. Un tel processus est qualifi´e de BPCA (Balistic Particles Cluster Aggregation). Il conduit `a la formation d’un agglom´erat constitu´e d’une matrice poreuse ([Donn et Rahe(1982)]). [Weidenschilling(1977)] a object´e que ce processus ´etait rendu impossible par le gaz n´ebulaire, dont la vitesse orbitale est l´eg`erement inf´erieure `a la vitesse k´epl´erienne locale, `a cause de l’existence d’un gradient de pression radial. A pr´esent, l’id´ee g´en´erale est que l’accr´etion s’est d´eroul´ee en deux ´e tapes. Dans un premier temps, les grains de poussi`eres situ´es dans la n´ebuleuse se sont accr´et´es, suite `a leurs collisions mutuelles, conduisant `a la formation d’agr´egats poreux (voir figure 1.6). Cette id´ee est confort´ee par l’observation des particules de poussi`eres interplan´etaires collect´ees dans la haute atmosph`ere terrestre ([Brownlee et al.(1980)], [Brownlee(1985)]). Certaines de ces poussi`eres, recueillies sur des plaques d’a´erogel, sont des agr´egats constitu´es de particules plus petites : de l’ordre de 0,1 µm, alors que les agr´egats ont typiquement des tailles de l’ordre de 10 µm. L’ori-gine extra-terrestre de ces grains est d´emontr´ee par les abondances cosmiques des ´el´ements qui s’y trouvent. Par la suite, ces agr´egats se seraient accr´et´es pour former des corps plus massifs ([Weidenschilling(1994)]). Un tel m´ecanisme est dit BCCA (Balistic Cluster Cluster Aggrega-tion). Les processus BPCA conduisent `a la formation d’agr´egats de dimension fractale proche de 3, alors que les agr´egats form´es par BCCA seraient plutˆot caract´eris´es par des dimensions fractales proches de 2. Les noyaux com´etaires, ainsi form´es, sont donc tr`es probablement des

objets poreux.

Il est admis que la formation des noyaux com´etaires a eu lieu entre 25 et 100 UA du Soleil, soit `a des distances telles que le mat´eriau qui les compose n’a pas pu connaˆıtre d’´evolution physico-chimique notable. Par la suite, les perturbations gravitationnelles dues principalement `a Uranus et Neptune ont nettoy´e la zone de formation des noyaux com´etaires, en les rejetant `a de plus grandes distances h´eliocentriques, de l’ordre de 104 UA, et constituant ainsi une v´eritable r´eserve de noyaux : le nuage de Oort ([Oort(1950)]). Par la suite, des perturbations gravitation-nelles dues au passage d’´etoiles proches ou `a des effets de mar´ee galactique les ont inject´es `a nouveau vers le Syst`eme Solaire interne. Ce sont alors des com`etes `a longue p´eriode, car leur aph´elie est situ´ee extrˆemement loin du Soleil. Ces com`etes peuvent subir par la suite d’autres perturbations gravitationnelles dues cette fois aux plan`etes g´eantes (Jupiter, essentiellement), qui vont les confiner sur des orbites `a courte p´eriode. N´eanmoins, pour expliquer la distribu-tion des valeurs des demi grands-axes de ces orbites, [Edgeworth(1949)] et [Kuiper(1951)] ont ´et´e amen´es `a supposer l’existence d’une seconde source de noyaux com´etaires, situ´ee au-del`a de l’orbite de Neptune. Cette source fut par la suite baptis´ee ceinture d’Edgeworth-Kuiper. Ces hypoth`eses ont ´et´e confort´ees par de nombreuses ´etudes statistiques, ([Everhart(1982)], [Weissman(1982)]). L’existence de la ceinture d’Edgeworth-Kuiper a ´et´e brillamment valid´ee en 1992, avec la d´ecouverte du premier objet trans-neptunien par [Jewitt et Luu(1992)].

Fig. 1.6 – Gauche : poussi`ere interplan´etaire, mesurant 10 µm, collect´ee par un avion dans la stratosph`ere (document NASA). Droite : repr´esentation d’un agr´egat de cent grains de mati`ere interstellaire. Selon le mod`ele de [Greenberg(1996)], chaque grain serait constitu´e d’un noyau de silicates, enrob´e d’une couche de glace d’eau, et de mati`eres volatiles en phase glac´ee. La taille typique d’un tel agr´egat est de 3 µm.

Ainsi, les noyaux com´etaires sont aujourd’hui consid´er´es comme des vestiges de la formation du Syst`eme Solaire. La mati`ere qui les constitue n’a pas pu connaˆıtre d’´evolution

physico-chimique notable, comme ce fut le cas pour les autres corps, et en particulier pour les plan`etes. Leur ´etude revˆet donc un caract`ere fondamental pour la compr´ehension de la formation du Syst`eme Solaire.