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III.1 Suppression du confinement et formation d’un jet composé

III.1.2 Formation d’un jet composé

Grâce au dispositif que nous venons de décrire, il est maintenant possible de produire une jet composé de deux liquides.

Ceux-ci sont injectés et mis en contact au sein de l’injecteur et s’écoulent de façon concentrique sous confinement. Il s’agit alors d’un co-écoulement similaire à celui que nous avons étudié dans le chapitre précédent. La partie convergente présente à l’extré-mité du capillaire constitue toutefois une différence. Alors que nous avons étudié le co-écoulement sous confinement dans le cas d’un conduit cylindrique de diamètre constant, le diamètre du conduit est ici constant (et égal au conduit du dispositif utilisé chapitre II) seulement sur une certaine longueur puis diminue jusqu’à un diamètre noté φ de l’ordre de la centaine de microns. La présence de ce convergent entraîne une accélération des fluides qui s’accompagne de fait d’une augmentation du Re et d’une modification de la position de l’interface ˜rintquand nous utiliserons des fluides non newtoniens1. Il faudra donc tenir compte de ces deux paramètres quand nous utiliserons les observations et conclusions du chapitre précédent.

En sortie d’injecteur, le confinement est supprimé et le co-écoulement donne lieu à

1. Nous avons vu section II.1.3 que dans le cas de fluides non newtoniens, ˜rintdépend non seulement du rapport des débits rq— comme pour des fluides newtoniens — mais aussi du Re et des propriétés rhéologiques des fluides.

un jet composé de deux liquides s’écoulant toujours de façon concentrique. FigureIII.3

on peut voir la transition entre le co-écoulement sous confinement et la formation du jet. Le fluide de cœur est une solution de glycérol alors que le fluide de coque est de l’eau. La différence d’indice optique entre les deux fluides permet de visualiser leur interface. On peut voir que l’écoulement s’effectue toujours de façon concentrique même une fois le confinement supprimé. Les deux clichés correspondent à deux valeurs différentes du rapport des débits rq: on observe bien une modification de la position de l’interface.

(a) (b)

FIGUREIII.3 –Transition entre le co-écoulement sous confinement et la formation du jet. Cœur : solution de glycérol à 78 %m ; Coque : eau. Qtot“ 105 mL.h´1. La barre d’échelle représente 200 µm. (a)rq “ 0, 1(b)rq “ 0, 3

Au chapitre précédent, nous avons établi les équations (II.11) et (A.4) qui nous per-mettent de calculer la position de l’interface dans le cas de fluides newtoniens et non newtoniens. Toutefois, ces équations ne sont valables que dans le cadre du co-écoulement sous confinement. Au sein du jet, la situation est différente et ces deux équations ne sont plus valables.

La suppression du confinement entraine une modification des conditions aux limites du co-écoulement : il passe d’une condition de vitesse nulle à r “ R à une condition de contrainte de cisaillement nulle à r “ Rjet, avec Rjet le rayon du jet. La suppression du confinement entraine en effet la disparition de la condition de non glissement aux parois et la viscosité de l’air, qui constitue le milieu extérieur, est négligeable devant la viscosité des fluides utilisés, même pour l’eau qui est le fluide le moins visqueux que nous utiliserons :

ηeau„ 50.ηair ñ Bv jet z Br |r“Rjet ηair ηeau ¨ Bvzair Br |r“Rjet „ 0

Nous avons pris ici le cas extrême de l’eau, mais presque toutes les expériences décrites par la suite seront réalisées avec une solution d’alginate ou de glycérol concentrée comme fluide externe. Dans ce cas le rapport de la viscosité de l’air et du fluide de coque est encore plus faible : ηair

ηcoque P r10´5´ 2.10´4s et l’approximation précédente est d’autant plus justifiée. Cette modification des conditions aux limites s’accompagne d’une relaxation du profil de vitesse qui passe du raccordement de deux profils de Poiseuille cylindrique à un profil

bouchon. Au sein du jet, une fois le profil bouchon établi, les deux fluides ont ainsi la même

vitesse et le régime devient stationnaire. Ceci est vrai s’il est possible de négliger la gravité qui peut accélérer le fluide (entrainant une diminution du diamètre du jet) et empêcher le

III.1. Suppression du confinement et formation d’un jet composé

jet d’atteindre un régime stationnaire. Mais nous nous placerons toujours dans des cas où le nombre de Froude est supérieur 1 et l’effet de la gravité peut alors être négligé.2Nous noterons ainsi vconvla vitesse du profil bouchon, avec :

vconv “ Qcoeur` Qcoque π ¨ R2jet

Qtot

π ¨ R2jet (III.1)

L’établissement du profil bouchon nécessite cependant un certain temps, noté tb, qui dépend de la viscosité des fluides. On peut évaluer ce temps à partir de l’évolution de l’épaisseur de la couche limite δ :

δ „?ν ¨ t

avec ν “ ηρ la viscosité cinématique. Le temps tb correspond ainsi à la durée nécessaire pour que la quantité de mouvement diffuse sur toute la section du jet, c.-à-d. δ “ Rjet. Pendant ce temps toutefois, le fluide est toujours en mouvement avec t „ z

vconv. À partir de ces relations nous pouvons maintenant évaluer la distance nécessaire à l’établissement du profil bouchon, notée Lb, en fonction du rayon du jet, des débits et de la viscosité du fluide considéré :

Lb„ vconv¨ R2jet

ν (III.2)

En prenant un rayon de jet typique de 75 µm et un débit typique de 100 mL.h´1, c.-à-d. vconv „ 1, 6 m.s´1, on obtient : Lb„ 9 mm pour un jet d’eau et Lb ą 5 µm pour un jet réalisé à partir d’une solution d’alginate à 1,7 %m (la valeur de 5 µm est obtenue en prenant la viscosité à cisaillement nul). Dans le cas d’un jet composé la situation est différente puisque le cœur et la coque n’occupent pas toute la section du jet : la diffusion de la quantité de mouvement ne doit donc s’effectuer que sur leur épaisseur respective. Ces deux valeurs donnent toutefois un ordre de grandeur et on constate la différence importante entre la valeur obtenue pour l’alginate et celle obtenue pour l’eau. Ceci nous montre que le profil bouchon sera établi très vite en sortie d’injecteur dans la couche d’alginate alors que le jet pourra parfois se fragmenter avant même que le profil bouchon n’ait pu s’établir dans le cœur composé d’eau. Nous verrons en effet dans le chapitre suivant que les longueurs de fragmentation typiques sont de l’ordre de la dizaine de millimètres avec nos conditions expérimentales.

En supposant que le profil bouchon est établi dans tout le jet, il nous est maintenant possible d’établir les nouvelles équations donnant la position de l’interface au sein du jet composé. Notons rila position de cette interface et ˜ri “ ri

Rjet sa valeur adimentionnée par le rayon du jet. Avec les notations définies figureIII.4, par conservation de la masse, nous obtenons : Qcoeur “ π ¨ ri2¨ vconv Qcoque “ π ¨`R2 jet´ r2i˘¨ vconv ñ rq “ r2i R2 jet´ r2i

2. Le nombre de Froude : F r :“ v ¨ pgLq´12 compare l’énergie cinétique et le potentiel gravitationnel. Dans nos expériences : v ą 1, 6 m.s´1et L „ 1 cm on a donc F r ą 5.

FIGUREIII.4 –Définition des axes au sein du jet composé Finalement : ˜ ri “ c rq 1 ` rq (III.3) et ˜h “ Rjet´ri

Rjet l’épaisseur de fluide de coque adimentionnée vaut : ˜

h “ 1 ´ c rq

1 ` rq (III.4)

Contrairement au cas sous confinement, la position de l’interface au sein du jet ne dépend que du rapport des débits, quelle que soit la nature des fluides considérés.

Si on considère à nouveau la figureIII.3et que l’on mesure la position de l’interface, l’équation (III.3) fournit de bons résultats (même si comme nous l’avons vu plus haut le profil bouchon n’est sans doute pas encore établi dans tout le jet et qu’il existe une distorsion optique due à la forme cylindrique du jet). Pour l’image(a)on mesure ˜ri “ 0, 32 ˘ 0, 1 et (III.3) donne ˜ri “ 0, 3 ; pour l’image(b)on mesure ˜ri“ 0, 54 ˘ 0, 1 et l’équation (III.3) donne ˜

ri “ 0, 49.

Comme nous l’avons fait dans le cas du co-écoulement sous confinement, il est intéres-sant de discuter de l’importance de la diffusion moléculaire au sein de cet écoulement de fluides miscibles. Nous souhaitons en effet utiliser ce dispositif pour encapsuler le fluide de cœur par l’alginate contenue dans le fluide de coque (cf. le schéma de principe de l’encapsulation figureI.6). Il faut donc limiter le mélange des deux fluides : une diffusion trop importante serait critique pour le procédé.

Nous allons donc à nouveau évaluer le nombre de Peclet, c.-à-d. P e “ R

2 jetvconv

DL . Au chapitre précédent, en utilisant la relation de Stokes-Einstein (II.30) et en assimilant le rayon de giration de l’alginate à son rayon hydrodynamique, nous avons obtenu un coefficient de diffusion de l’alginate dans l’eau à 25˚C de 2, 4.10´12m2.s´1. En prenant Qtot „ 100 mL.h´1, Rjet „ 75 µm et L „ 1, 5 cm, ce qui correspond à des valeurs typiques dans nos expérience, nous obtenons ainsi :