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Effet des propriétés des liquides sur la courbe de dispersion

IV.2 Étude expérimentale de la fragmentation d’un jet composé

IV.2.3 Effet des propriétés des liquides sur la courbe de dispersion

R2jet¨vonde f ¯1 3 . À vitesse fixée, le rayon des gouttes diminue donc quand la fréquence augmente. Dans l’encart de la figure, nous pouvons d’ailleurs vérifier que le rayon des gouttes dépend bien linéairement de f´13 (sauf pour le dernier point).

Ceci nous montre qu’il sera possible de moduler la taille des bigouttes formées, et donc in fine des capsules, en jouant uniquement sur la fréquence d’excitation. Dans cette expérience nous pouvons ainsi moduler cette taille sur un intervalle de 50 µm pour des bigouttes d’environ 200 µm de rayon.

IV.2.3 Effet des propriétés des liquides sur la courbe de dispersion

La courbe de dispersion d’une instabilité donne son taux de croissance en fonction de la fréquence ou du nombre d’onde, selon que l’étude est réalisée en spatial ou en temporel. Comme nous l’avons vu au début de ce chapitre, dans le cas de l’instabilité de Rayleigh-Plateau la courbe de dispersion dépend des propriétés des fluides utilisés : ρ, γ, η ainsi que du rayon Rjetdu jet. Dans notre cas, la situation est un peu particulière puisque le jet n’est

(a) (b)

FIGUREIV.19 –Évolution de la longueur d’onde moyenne avant fragmentation et du rayon des bigouttes formées en fonction de la fréquence d’excitation. Cœur : solution de de HEC à 0,5 %m ; Coque : solution d’alginate à 1,7 %m. (QtotpmL.h´1q, rq, Rjetpµmq, VpppV q, vconvm.s´1)=(140, 3, 93, 1, 1, 43).(a)Évolution de la longueur d’onde moyenne avant fragmentation en fonction de f . Dans l’encart est représentée la longueur d’onde moyenne en fonction de f´1. La droite bleue correspond à la régression linéaire d’équation :y “ 0, 208 ` 924, 1x avec R “ 0, 995.(b)Évolution des bigouttes formées en fonction de f . Dans l’encart le rayon des bigouttes est tracé en fonction de f´13. La droite bleue correspond à la régression linéaire d’équation :y “ 48, 3 ` 1674x avec R “ 0, 995.

pas composé d’un seul fluide mais de deux. Si les valeurs de ρ et γ sont similaires pour les deux fluides, leurs viscosités sont en revanche différentes. À notre connaissance, il n’a jamais été établi de courbe de dispersion expérimentale de l’instabilité de Rayleigh-Plateau pour un jet composé. Dans cette section, nous allons voir comment une telle courbe peut être établie, puis nous étudierons l’influence de la présence des deux fluides sur celle-ci.

Pour établir la courbe de dispersion, il faut pouvoir mesurer le taux de croissance associé aux perturbations de différents nombres d’onde, ou de différentes fréquences. Expérimentalement, il est donc nécessaire d’imposer une perturbation à une fréquence donnée et de mesurer ensuite le taux de croissance associé. En faisant varier la fréquence de la perturbation, on parvient finalement à obtenir la courbe de dispersion.

Différentes méthodes expérimentales permettent de mesurer le taux de croissance. Les trois principales, qui sont notamment utilisées et détaillées par González and García [62], consistent à mesurer à une fréquence donnée :

— la longueur de fragmentation du jet, — le temps de brisure du jet,

— ou l’amplitude de la perturbation de la surface du jet, c.-à-d. α, en fonction de z.

Outre la difficulté expérimentale associée à cette entreprise, l’interprétation des données obtenues et leur comparaison avec la théorie présente de nombreuses difficultés et sources d’erreur [62], [83]. Parmi celles-ci nous pouvons citer l’effet du fluide extérieur sur la vitesse du jet, la croissance non linéaire de l’instabilité (surtout proche de la fragmentation), la relaxation du profil de vitesse au sein du jet, le gonflement ou la contraction du jet, les non linéarités de l’excitation et enfin, l’absence d’équivalence entre les approches temporelles

IV.2. Étude expérimentale de la fragmentation d’un jet composé

et spatiales. Dans les sections précédentes, nous avons pu relever un certain nombre de ces biais, comme l’évolution de la vitesse au sein du jet ou son gonflement. En outre, comme nous l’avons relevé plus haut, les valeurs de W e dans nos expériences sont faibles (1 ă W e ă 10) : l’utilisation des relations (IV.9) pour passer de l’approche spatiale à l’approche temporelle sera donc entachée d’erreur (cf. figureIV.4).

Notre objectif ici est davantage de discuter l’effet du caractère composé du jet sur la courbe de dispersion que d’obtenir une courbe de dispersion avec le moins d’erreur possible. Conscients des erreurs que nous faisons, nous allons donc toutefois utiliser les relations (IV.6) et considérer que l’instabilité croit linéairement jusqu’à la fragmentation. Le rayon du jet Rjetque nous considèrerons sera le rayon du jet après éventuels gonflement ou contraction. Même si la vitesse du jet ne cesse d’évoluer avec z, nous considèrerons vconv “ πRQtot2

jet

comme la vitesse au sein du jet. Avec ces hypothèses et approximations, nous allons maintenant établir la courbe de dispersion d’un jet composé en utilisant la mesure de la longueur de fragmentation comme méthode de mesure du taux de croissance.

Comment utiliser la mesure de Lf ragpour déterminer le taux de croissance ?

Avec les équations (IV.10) et (IV.11), nous avons établi l’évolution du diamètre du jet et de l’amplitude de la perturbation en fonction de t et de z. À une certaine distance de l’injecteur, que nous avons notée Lf rag, le jet se fragmente. Cette fragmentation a lieu lorsque l’amplitude de la perturbation est égale au rayon du jet, c.-à-d. pour :

A0.eσf¨Lf rag “ Rjet (IV.16) et le jet se fragmente périodiquement7à la fréquence f . La longueur de fragmentation du jet est donc directement reliée au taux de croissance de l’instabilité par la relation suivante :

σf “ ln ´ Rjet A0 ¯ Lf rag (IV.17)

Le taux de croissance est inversement proportionnel à la longueur de fragmentation. Plus σf est élevé, plus l’instabilité se développe vite et le jet se fragmente tôt, c.-à-d. Lf ragest faible.

Nous avons en outre établi avec l’équation (IV.12) la relation liant l’amplitude initiale de la perturbation, A0, à la différence de potentiel imposée à l’actuateur piézoélectrique, Vpp: A0 “ β ¨ Vppχ, avec χ “ 0, 7 pour Vpp ď 10 V . En injectant cette relation dans l’équation (IV.17), on obtient une relation entre la longueur de fragmentation et Vpp:

Lf rag “ lnpRjetq ´ lnpβq

σf ´

χ

σf ¨ lnpVppq (IV.18)

La longueur de fragmentation évolue donc linéairement avec lnpVppq.

Afin de le vérifier, nous avons mesuré la longueur de fragmentation d’un jet en fonc-tion de Vppà fréquence constante. Les résultats obtenus avec un cœur constitué d’une solution de glycérol concentrée à 80 %m et une coque constituée d’une solution d’alginate concentrée à 1,7 %m sont présentés sur la figureIV.20.

Jusqu’à Vpp “ 10 V on observe bien une décroissance linéaire de la longueur de frag-mentation avec lnpVppq. Au delà de 10 V cette relation n’est en revanche plus valable, la

7. DpLf rag, tq “ 2Rjet` A0.eσf¨Lf rag

FIGURE IV.20 – Cœur : solution de glycérol à 80 %m ; Coque : solution d’alginate à 1,7 %m. (Qcoeur pmL.h´1q, Qcoque pmL.h´1q, f pHzq) = (105, 35, 700). Rjet “ 110 µm. La courbe d’ajuste-ment linéaire du premier régime de fragd’ajuste-mentation a pour équation : Lf rag “ 8, 48 ´ 1, 66lnpVppq ; R “ 0, 998. Sur les illustrations des deux régimes, un photo montage a été effectué pour représenter le capillaire. La barre d’échelle représente 1 mm.(a)Formation d’un jet.(b)Il n’y a plus véritable-ment de jet formé : des gouttes de liquide sont éjectées de l’injecteur. De haut en bas le temps entre deux images est de 0,42 ms

longueur de fragmentation évoluant beaucoup moins vite. Sur la figureIV.13, nous avions déjà observé un changement de comportement au delà de 10 V . Ceci s’explique par un changement de régime de fragmentation pour des amplitudes d’excitation trop impor-tantes. Comme représenté sur la figureIV.20, en dessous de 10 V , la fragmentation est le résultat de l’instabilité de Rayleigh-Plateau qui croit linéairement à la surface du jet (sous figure(a)). En revanche, pour des amplitudes d’excitation supérieures, la fragmentation devient essentiellement non linéaire : le fluide est éjecté à grande vitesse du capillaire et une bigoutte de fluide se forme dès la sortie de l’injecteur (sous figure(b)). Ce type frag-mentation correspond à ce qui est utilisé par exemple dans les imprimantes à jet d’encre. Nous n’allons ici considérer que des cas où l’instabilité est essentiellement linéaire, nous ne travaillerons donc qu’à des valeurs de Vppinférieures à 10 V.

IV.2. Étude expérimentale de la fragmentation d’un jet composé

En utilisant l’ajustement linéaire de Lf rag en fonction de lnpVppq tracé en bleu sur la figureIV.20et l’équation (IV.18), nous pouvons déterminer la valeur du taux de croissance associé à la fréquence d’excitation, mais aussi la valeur de β, le préfacteur dans l’expression de A0en fonction de Vpp. Nous obtenons :

β “ 3, 1.10´6m.V´χ (IV.19)

σf “ 439 m´1

Mesure de Lf raget établissement des courbes de dispersion

Nous mesurons maintenant la longueur de fragmentation en fonction de la fréquence d’excitation pour un même jet composé (cœur : solution de glycérol à 80 %m ; coque : solution d’alginate à 1,7 %m) pour trois valeurs de rq différentes : 1, 3 et 8. Les valeurs associées de l’épaisseur de la coque d’alginate adimensionnée par Rjet, ˜h, sont données dans le tableauIV.1. Pour une fréquence donnée, nous mesurons la valeur moyenne de Lf ragsur 20 fragmentations. Les résultats obtenus pour rq“ 3 sont représentés sur la figure

IV.21(a).

(a) (b)

FIGURE IV.21 –Cœur : solution de glycérol à 80 %m ; Coque : solution d’alginate à 1,7 %m.(a) Lf ragen fonction de la fréquence d’excitation pour rq“ 3.(b)Courbes de dispersion temporelles, obtenues à partir de la mesure de Lf ragen utilisant les équations (IV.17) et (IV.9)

Comme nous l’avons établi avec l’équation (IV.17) : Lf rag „ σ1

f. On obtient ainsi un maximum du taux de croissance (et donc un minimum pour la longueur de fragmentation) pour une fréquence de l’ordre de 600 Hz. L’écart-type pour chaque mesure de Lf rag est représenté sur la figureIV.21à l’aide des barres d’erreur. À mesure que la fréquence d’exci-tation s’écarte de la fréquence optimale, la détermination de Lf ragdevient moins précise : Lf rag fluctue de plus en plus. Cette fluctuation peut s’expliquer par la superposition au mode excité d’autres modes associés à des fréquences proches de la fréquence optimale (cf. la discussion figureIV.11). Nous perdons donc en précision quand la fréquence est éloignée de la fréquence optimale.

À partir des mesures de Lf rageffectuées aux trois valeurs de rqet des équations (IV.17) et (IV.9) que nous avons établies plus haut, il est enfin possible d’établir les courbes de

dis-persion temporelles associées. Les résultats obtenus sont donnés figureIV.21(b). Quand rq augmente, la part de solution d’alginate dans le jet diminue (cf. équation (III.3)). La solution d’alginate étant plus visqueuse que la solution de glycérol (m „ 40), une augmentation de rqs’accompagne donc d’une diminution de la viscosité moyenne du jet composé.

L’évolution des courbes de dispersion avec rqsuit donc ce que nous pouvions attendre intuitivement. Quand rq augmente — et donc que la viscosité moyenne au sein du jet diminue — l’amplitude des taux de croissance et le nombre d’onde optimal augmentent.

On peut maintenant essayer de comparer ces courbes de dispersion avec celles qui auraient été obtenues pour un jet composé d’un seul fluide. Il faut cependant établir la viscosité de ce fluide modèle du jet composé. Une idée peut être de prendre la viscosité moyenne du jet composé en tenant compte de la proportion respective de chacun des fluides. Dans ce cas on peut écrire cette viscosité moyenne du jet composé, notée ¯η, comme :

¯

η “ ηgly` ˜h ¨ pηalg´ ηglyq (IV.20)

avec ηgly la viscosité de la solution de glycérol (“ 50, 9 mP a.s), ηalgla viscosité de la so-lution d’alginate à cisaillement nul (“ 1, 82 P a.s) et ˜hl’épaisseur de la couche de coque, adimensionnée par Rjet, définie équation (III.3) et qui ne dépend que de rq. L’utilisation de l’équation (IV.20) fournit les viscosités ¯ηindiquées dans le tableauIV.1.

rq ˜h η¯(Pa.s) η˚(Pa.s)

1 0,29 0,56 0,309

3 0,13 0,29 0,231

8 0,06 0,15 0,172

Tableau IV.1

Les courbes de dispersion avec ces viscosités ont été calculées à partir de la relation de dispersion (IV.6) et les résultats obtenus sont présentés sur la figureIV.22(a).

On voit que la correspondance n’est pas bonne, mis à part pour rq “ 8 où les points expérimentaux et la courbe théorique présentent une certaine proximité. Pour rq“ 1 et 3 en revanche, les viscosités moyennes ¯ηprédites sont trop élevées et le calcul donne des taux de croissance et des nombres d’onde optimaux trop faibles. L’utilisation d’une viscosité moyenne évaluée à partir des proportions de chacun des fluides n’est donc pas bonne : cette méthode semble entrainer une surévaluation de la viscosité moyenne du jet composé. À partir de la relation de dispersion (IV.6), il est possible de déterminer le taux de croissance maximal associé au nombre d’onde optimal pour un jet simple [56] :

M AXIm τcap“ 1

2?2 ` 6Oh (IV.21)

Pour chaque valeur de rq, nous avons déterminé le taux de croissance maximal obtenu expérimentalement. Puis avec l’équation (IV.21), nous avons calculé la viscosité permettant d’obtenir ce taux de croissance maximal pour un jet simple, dans le cadre du calcul de l’instabilité linéaire temporelle. Les viscosités obtenues, notées η˚, sont données dans le tableauIV.1. Les courbes de dispersion obtenues avec ces viscosité sont représentés sur la figureIV.22(b).

La correspondance entre les points expérimentaux et les courbes théoriques est meilleure. Toutefois, les courbes de dispersion obtenues à partir de (IV.6) pour un jet simple de visco-sité η˚ne parviennent pas bien a modéliser l’évolution du taux de croissance avec KR pour le jet composé.