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FORMATION DU CAPITAL SOCIAL

Dans le document THÉORIE DE LA PROPRIÉTÉ (Page 181-185)

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   l’institution nouvelle, à savoir l’identité des com-manditaires et des clients, une fois admis, avec la ferme volonté de le respecter, toute difficulté, relativement à la formation du capital social, aux opérations de la Société, à son administration, à son extension, etc., disparaît.

Comment, dira-t-on, à une entreprise d’intérêt public, agissant exclu-sivement pour le compte de cet intérêt et sans arrière-pensée d’égoïsme, intéresser le public, alors qu’il se compose d’individualités que le motif seul du lucre ou de l’intérêt privé détermine ?

Comment trouver à une pareille société des bailleurs de fonds, des actionnaires ?

D’abord le public, celui des producteurs, auquel on prétend surtout s’adresser, a peu ou point d’argent ; s’il en possède, c’est pour s’en servir, non pour le prêter ; il est avare de ses capitaux, il n’aime point à s’en dessaisir.

Théorie de la propriété Chapitre III

Puis, il n’est pas dans le cœur humain de placer de l’argent sur des spéculations de cette espèce. L’intérêt de tout le monde n’est celui de per-sonne. On a de l’argent pour son ambition, pour ses passions, pour ses jouissances ; on n’en a pas pour une œuvre de philanthropie. On achète un billet de loterie, des actions de jouissance ; on joue sur les plus mau-vaises valeurs, parce que si la chance du succès est petite, le bénéfice, en cas de réussite, est énorme. Mais on n’achète pas, en général, des garan-ties.Un fabricant, trouvant un beau coup à faire, mettra 100,000 francs à des matières premières ; il ne donnera pas un sou pour s’assurer le débou-ché. Peu de gens, par un sacrifice médiocre, s’assurent contre le chômage, la surproduction, la banqueroute, la mort !…

Comment donc, encore une fois, triompher ici de cette première diffi-culté, écueil ordinaire de toutes les commandites : la formation du capital ? Au chapitre précédent, en traitant de la formation de la Société, nous avons pris comme principe de droit ou base juridique, l’appel des clients de la compagnie à titre de commanditaires.

Partons de là, et posons de nouveau, comme principe d’économie, ou base scientifique, cet aphorisme si connu :Les produits s’échangent contre les produits.Principe incontestable, mais jusqu’à ce jour demeuré stérile aux mains des économistes, qui se sont contentés de le constater, sans essayer d’en faire la moindre application.

Puisque la commandite se compose deproducteurs,et que le but de la société est, avant tout, l’écoulement ou la vente desproduits,il n’y a nul inconvénient, il y a tout avantage à recevoir les souscriptions, non plus seulement en espèces, mais en nature ; c’est-à-dire, pour une forte partie, soit les neuf dixièmes, en PRODUITS.

Ces produits seront vendus par la compagnie qui, pour cette vente, aura déjà à percevoir une commission ; le produit des ventes, encaissé, sera porté au crédit du compte des actionnaires, qui se trouveront ainsi, presque sans bourse délier, avoir versé le montant de leurs actions.

Les titres d’actions seront de 100 francs et au porteur ;

L’intérêt fixé à 4 p. 100, garanti par l’État, qui, de plus, à titre d’ini-tiateur et pour donner l’impulsion à la Société, fera, pour trois années, l’avance gratuite du Palais de l’Industrie.

Qui ne voit que, dans ces conditions, la prise d’actions devient, pour

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chaque souscripteur, une véritable vente de ses produits, à trois ou six mois au plus de terme ; puisque, l’intérêt de l’action étant garanti, l’action devient une véritable monnaie, égale aux bons du Trésor et aux billets de banque ?

Dans cette combinaison, en effet, l’action n’est plus une valeur aléa-toire, susceptible de hausse et de baisse : c’est un titre de rente qui ne peut perdre que par la destruction du gage, c’est-à-dire par la banque-route de la Compagnie ou l’incendie de ses magasins : deux hypothèses que la constitution de la Société saura sans doute conjurer.

Mais, bien loin que la valeur de l’action puisse perdre par la destruc-tion du gage, il est évident au contraire que ce gage ne peut que s’accroître par le trafic et les opérations de la Compagnie ; puisque ces opérations, se résolvant toutes en ventes ou échanges, n’ont rien en elles-mêmes d’aléa-toire, qu’elles sont aussi sûres, plus sûres même que le trafic des chemins de fer.

Non-seulement donc la constitution du capital social, 25, 50, 100 mil-lions, est assurée : mais on peut dire qu’alors même que la Société ne ferait pas d’autres opérations, et qu’elle se bornerait à recevoir des souscriptions d’actions, versables en produits, elle en aurait autant qu’elle en voudrait ; puisque, la perception des actions se réduisant à convertir, par la vente, des marchandises en numéraire, puis à convertir ce numéraire en titres de rentes portant intérêt à 4 p. 100 ; c’est comme si la Banque de France offrait aux industriels de la capitale de leur prendre toutes leurs marchan-dises à prix débattu, en échange de ses billets de banque, plus l’intérêt à 4 p. 100, que ne produisent pas aujourd’hui lesdits billets.

Ici, nous ne doutons pas que l’on ne se demande : Comment une idée si simple n’a-t-elle jamais été réalisée ?

Et nous répondrons : Par une raison encore plus simple : c’est que pour former une pareille commandite et déterminer le versement des actions, marchandises ou produits, il fallait un concours de volontés qui, dans l’état actuel de la Société, ne peut avoir lieu qu’à l’appel et sous la ga-rantie de l’État, et que l’État, dans ses préoccupations aristocratiques et ses préjugés traditionnels, l’État, plus soucieux de la fortune des privilé-giés que du bien du pays et de l’utilité publique, ne pouvait concevoir une pareille idée.

Théorie de la propriété Chapitre III

Or, bien que le système de formation du capital que nous proposons pour la Société du Palais de l’Industrie soit depuis plusieurs années entré dans le domaine public ; bien que nous le retrouvions dans presque toutes les Sociétés d’échange dont nous avons précédemment parlé ; bien qu’il ait reçu de la polémique des derniers temps un certain éclat, et qu’on le retrouve jusque dans la pratique des établissements qui semblent le moins l’admettre, tels que le Crédit mobilier, le Comptoir national et la Banque de France ; en fait, cependant, il n’a jamais été réalisé dans sa simplicité puissante, et nous doutons qu’en dehors de l’initiative de l’État, la force de l’opinion suffise, de longtemps encore, à lui donner cette réalisation.

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CHAPITRE IV

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