• Aucun résultat trouvé

Forces visqueuses : viscosité, turbulence et cisaillement

Chapitre I De l’ingénierie à la simulation d’une interaction arc-matériau

I.2. Aspect physique de l’interaction arc-matériau

I.2.2. Les forces mises en jeu

I.2.2.2. Forces visqueuses : viscosité, turbulence et cisaillement

La viscosité, la turbulence et le cisaillement sont trois notions liées les unes aux autres qui ont leur origine dans les frottements des particules d’un fluide en mouvement entre elles et avec les surfaces voisines du fluide. La viscosité caractérise la résistance à l’écoulement d’un fluide. La force dite de viscosité est donc une force volumique qui s’oppose à la mise en mouvement du fluide. Elle est présente dans le plasma et dans le bain métallique. La nature du gaz ou celle du métal influe sur les vitesses maximales que l’on peut obtenir.

Dans cette section, nous définissons la turbulence et présentons quelques travaux sur son rôle dans le plasma et dans le bain métallique. Nous détaillons ensuite les forces visqueuses de cisaillement aux interfaces.

Turbulence : définition et rôle

Lorsque la force de viscosité est grande devant la force d’inertie, on qualifie l’écoulement de laminaire. Le mouvement dans le fluide est régulier, les couches du fluide glissent les unes par rapport aux autres sans échange de particules. A l’inverse, la turbulence caractérise l’état d’un fluide où la force d’inertie est importante devant la force de viscosité. L’écoulement présente de nombreux tourbillons et donne un aspect désordonné. Il faut cependant noter que des tourbillons peuvent être présents dans un régime laminaire. Ils ne sont donc pas spécifiques à un régime turbulent.

Le nombre de Reynolds, défini comme le rapport adimensionnel du produit de la vitesse et de la longueur caractéristique de l’écoulement sur la viscosité dynamique, est un indicateur de l’état de l’écoulement. La valeur limite caractérisant le passage d’un écoulement laminaire à turbulent n’est pas précise et dépend des milieux étudiés. Elle vaut environ 2300 pour le gaz

I.2. Aspect physique de l’interaction arc-matériau

non ionisé et le liquide de la zone fondue [Duc96, Zha09]. Pour le plasma et sa frontière, la valeur critique peut varier de 10 à 2000 [Duc96, Fre02].

La turbulence est un effet non négligeable dans de nombreuses applications faisant intervenir un arc électrique. Par exemple, D. Randrianarivao [Ran12] a montré numériquement l’importance de la turbulence (et du type de modèle associé) pour décrire correctement l’écoulement tourbillonnaire dans la chambre d’expansion d’un disjoncteur haute-tension. Pour un arc non transféré d’une torche de découpe, P. Freton [Fre02] a modélisé l’écoulement du plasma en sortie de la tuyère. Il note que la turbulence a tendance à atténuer les ondes de chocs et diminue les vitesses en sortie de la torche. Pour des arcs transférés, R. Ducharme et al [Duc96] ont étudié le comportement turbulent du plasma en fonction de la pression. Selon les auteurs, un arc de 5 mm et 200 A est stable jusqu’à 5 bars. À l’inverse, pour un arc avec d=10 mm et I=100 A, des mouvements turbulents peuvent être à l’origine d’instabilités.

Pour les arcs de soudure étudiés dans la suite du document, nous considérerons que l’écoulement du plasma est laminaire.

La nature de l’écoulement dans la zone fondue a également fait l’objet de plusieurs études. R. Choo et J. Szekely [Cho94] ont modélisé la pièce métallique en prenant en compte la turbulence (soit par un modèle de viscosité effective soit par un modèle k-ε) pour des intensités de soudage de 50 A et 150 A. Dans leurs travaux, la simulation avec la prise en compte des phénomènes de turbulence permet une meilleure comparaison avec les résultats expérimentaux. Ils prédisent des zones de turbulence caractérisées par un nombre de Reynolds de 4700.

K. Hong et al [Hon03] ont également mis en place un modèle de bain métallique. Pour une soudure d’aluminium à 120 A, la largeur de la zone fondue vaut 6,76 mm pour un modèle laminaire et 6,78 mm pour un modèle de turbulence (k-ε). La profondeur passe elle de 2,31 mm à 1,61 mm. Dans leur modèle, la turbulence modifie donc essentiellement la profondeur. Les auteurs concluent que le régime de turbulence n’est pas important mais que les effets sur la forme du bain ne peuvent pas être négligés.

Dans leurs travaux expérimentaux, C. Zhao et al [Zha09] ont mesuré les vitesses à la surface du bain pour une application de soudage TIG avec des intensités de 80 A et 120 A et un déplacement de la torche de 4 mm.s-1. La vitesse mesurée en surface du bain est de l’ordre de 0,1 m.s-1. Le nombre de Reynolds associé vaut 400 ce qui correspond à un écoulement laminaire.

Par ailleurs, plusieurs études numériques ne prennent pas en compte la turbulence et arrivent à reproduire les dimensions de la soudure [Tan10, Tra11a, Lu06, Fan01] pour des intensités plus élevées (jusqu’à 200 A).

En conclusion, la nature de l’écoulement de la zone fondue n’est pas clairement identifiée dans la littérature scientifique. Dans notre cas, l’écoulement du métal dans la zone fondue sera considéré laminaire.

Forces visqueuses aux interfaces

Quel que soit le type d’écoulement, la zone de transition entre deux milieux fait l’objet de phénomènes particuliers. Les forces visqueuses surfaciques spécifiques aux interfaces entre deux milieux correspondent aux forces de cisaillement. Seules les forces de cisaillement plasma-liquide et d’extinction liquide-solide sont présentées ici.

La force de cisaillement plasma-liquide est la composante tangentielle de l’échange de quantité de mouvement entre le plasma et la zone liquide. Elle correspond globalement à la mise en mouvement du fluide à la surface du bain par le jet du plasma. Les atomes du plasma sont animés d’une quantité de mouvement qu’ils transmettent aux atomes de la zone fondue en fonction de la valeur de la viscosité de chaque milieu.

Cette force est représentée par la divergence du tenseur des contraintes exercés par le plasma sur le liquide (et inversement). Elle dépend du gradient des vitesses et de la viscosité. La figure I.2.5 illustre l’effet de la force de cisaillement sur la zone fondue (à droite) et une représentation classique du tenseur des contraintes associée à cette force (à gauche). Pour un arc symétrique, la force induit toujours une convection en surface du centre vers la périphérie. M. Tanaka et J. Lowke [Tan07a] ont calculé la valeur de ce tenseur des contraintes pour une configuration d’arc transféré avec I=150 A et d=5 mm. Pour un plasma d’argon en interaction avec du cuivre, la valeur est proche de 38 N.m-2 tandis que pour l’hélium elle est proche de 8 N.m-2. Pour une anode d’acier 304 LS, les auteurs montrent que cette force est à l’origine d’une vitesse de 47 cm.s-1

pour l’argon et seulement 11 cm.s-1 pour l’hélium.

La force d’extinction liquide-solide induit la diminution rapide de la vitesse dans la zone pâteuse. Cette force relève en réalité d’une augmentation brusque de la viscosité dans la zone poreuse due au changement de phase liquide-solide. M. Brochard [Bro09] a implémenté cette force dans son modèle de couplage plasma-électrodes. Pour un plasma d’argon avec I=150 A et d=5 mm, la puissance associée à cette force est de plusieurs ordres de grandeurs inférieure à la puissance des autres forces.

Figure I.2.5 Évolution radiale du tenseur des contraintes du plasma sur la surface du métal (à gauche)

I.2. Aspect physique de l’interaction arc-matériau

Dans notre modèle, la viscosité du métal est fonction de la température (voir l’annexe A). Entre la zone solide et la zone liquide, une forte viscosité est donc présente. Seule la force de cisaillement plasma-liquide est donc prise en compte.