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PARTIE 3 : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

1. ANALYSE DES RÉSULTATS

2.2 La force du contrat didactique

La plupart des élèves, en entretien d’autoconfrontation, ont évoqué la maitresse de manière directe ou indirecte : ​“maitresse elle avait dit comme ça”, “maitresse me l’avait

présenté”, “il faut faire comme ça”​. Cela laisse à penser qu’ils ont le souci de faire comme l’enseignante leur avait présenté, ce qui peut parfois amener à des préoccupations davantage centrées sur la manière d’organiser le matériel que sur l’objectif didactique de l’activité. Nous attribuons cela à la force du contrat didactique, qui se prolonge même lorsque l’élève travaille en autonomie, et qui témoigne d’une relation privilégiée entre l’enseignante et chaque élève.

2.2.1 Un prolongement du contrat didactique au travail autonome

Dans la classe, l’enseignante s’attend à ce que les élèves choisissent une activité ou acceptent de l’aide pour en choisir une, rangent le matériel après utilisation et circulent en respectant le calme de la classe. Les élèves, eux, s’attendent à ce que la maitresse leur propose des présentations et les aide à choisir une activité lorsqu’ils ne savent pas quoi faire. Ce sont là les termes du contrat didactique global à la classe.

Lorsque l’enseignante fait une présentation à un élève, elle s’attend à ce que l’élève soit attentif, qu’il réponde à ses sollicitations et qu’il fasse l’activité suite à la présentation. L’élève participant à une présentation s’attend à ce que l’enseignante verbalise l’objectif de l’activité et lui montre comment se servir du matériel. Ce sont là les termes du contrat didactique lors d’une présentation.

Nous avons pu constater en observant et en discutant avec les élèves que ce contrat didactique ne s’arrête pas et ne s’atténue pas non plus lorsque les élèves travaillent seuls ou de manière autonome. Leurs actions et leurs propos sont en effet organisés autour de deux préoccupations saillantes.

Répondre à la consigne​ :

Cette préoccupation était particulièrement importante chez D., qui voulait une confirmation de la consigne pour l’activité que l’enseignante lui avait proposée (p. 75). Lors des présentations, on peut également s’attendre à ce que l’élève ait la préoccupation de répondre aux sollicitations de la maitresse, ce qui a été largement le cas avec É. lorsqu’elle participait à sa deuxième présentation pour l’écriture additive (p. 79). Pour les élèves, répondre à la consigne peut signifier placer son attention sur les aspects didactiques de

l’activité, mais peut aussi se manifester par des préoccupations plus matérielles que nous pourrions qualifier de scolastiques, comme l’organisation du matériel sur l’espace de travail.

Organiser le matériel​ :

La préoccupation du placement du matériel sur le tapis en cours d’activité est apparue régulièrement. En particulier, l’activité réalisée en binôme par K. et D. avec les barres rouges et bleues était centrée sur cette préoccupation d’alignement des barres sur les coutures du tapis (pp. 68-69). Cela correspondait au modèle donné par l’enseignante en cours de présentation, et cette habitude de placer les barres ainsi se justifie par la nécessité de garder un espace pour placer l’étiquette nombre de chaque barre dans l’activité d’association quantités et symboles. De même, l’activité réalisée par D. avec les jetons laissait apparaitre la préoccupation de placer les étiquettes des nombres et les jetons avec le bon écartement. Cependant, l’organisation du matériel sur le tapis ne constitue pas la préoccupation de tous les élèves : Cl., par exemple, s’est largement affranchie de cela lors de la réalisation de son activité (p. 72). Lors des présentations, cette organisation du matériel constitue un cadre modélisant que les élèves peuvent reprendre ensuite pour structurer leur activité autonome, alors influencée par ce prolongement du contrat didactique. Ce cadre modélisant est supposé contribuer à donner du sens à l’activité des élèves, en lien avec les objectifs d’apprentissage. Cependant, nous avons vu avec Cl. que la non application de cette méthodologie n’empêche pas d’atteindre l’objectif d’apprentissage souhaité.

Le rangement du matériel fait partie des préoccupations de tous les élèves en fin d’activité : en effet, cet élément non négociable du contrat didactique fait partie des règles de vie permettant à chacun d’évoluer dans la classe, d’utiliser le matériel et de réaliser leurs apprentissages dans les meilleures conditions possibles.

2.2.2 Une relation privilégiée favorable aux apprentissages

Cette extension du contrat didactique à l’activité autonome (qui n’est donc pas forcément suivie par l’enseignante) témoigne de la volonté des élèves de faire comme la maitresse leur a montré, même si cette dernière n’est pas à côté de l’élève durant l’activité et n’en verra peut-être aucune trace. Nous interprétons ce souci de “bien faire” comme un témoignage de la relation privilégiée et de confiance qui s’instaure entre la maitresse et les élèves, instauration facilitée par le format la plupart du temps individuel des présentations. D’autre part, le fait que les élèves réalisent leur activité en cherchant à reproduire ce qui leur a

été présenté témoigne d’un certain engagement de leur part vis-à-vis des apprentissages. Nous pouvons donc amener l’idée que c’est l’instauration d’une relation privilégiée entre l’enseignante et chaque élève qui favoriserait la construction de l’autonomie vis-à-vis des apprentissages et, par extension, favoriserait les apprentissages eux-mêmes. Cela rejoint les apports des neurosciences, qui insistent sur l’importance de l’environnement pour favoriser l’apprentissage, et en particulier l’environnement social et les rapports humains . 108 En effet, les émotions positives liées à des relations humaines harmonieuses servent les apprentissages et favorisent la confiance en soi. C’est dans un contexte de bienveillance éducative que l’élève peut pleinement profiter des émotions positives apportées par les apprentissages qu’il effectue, goûter au plaisir d’apprendre et donc s’engager vers plus de prises de risques dans ce qu’il ne sait pas encore. Les pratiques de bienveillance éducative, prenant en compte toute la personnalité de l’élève, tiennent donc un rôle important et semblent ici être favorisées par les situations de présentations individuelles.

2.2.3 Un exemple de rupture du contrat didactique

Nous avons évoqué le fait que, lors d’une présentation, l’élève s’attend à ce que l’enseignante lui montre comment se servir du matériel, en lien avec l’objectif verbalisé. Les présentations étant très structurées, cela peut créer des attentes particulières chez les élèves, attentes qui s’inscrivent dans le contrat didactique. Cela était le cas avec S. qui s’attendait à ce que la maitresse lui demande de lui montrer l’une des deux barres qu’elle venait de lui présenter (p. 65). Or, l’enseignante, dans son souci de revenir sur la difficulté précédente afin de vérifier les acquisitions de l’élève, a rompu ce contrat didactique. Cette rupture a provoqué une situation inconfortable pour l’élève, qui a nécessité un fort étayage de l’enseignante pour la poursuite de l’activité.

Il est important de noter que malgré cette rupture, les conceptions de l’élève ont évolué durant l’activité et qu’à la séance suivante, l’enseignante a pu constater que les apprentissages attendus avaient été réalisés. Il est même possible que la rupture de contrat didactique ait constitué un avantage pour les apprentissages de cette élève, en la détachant des aspects scolastiques de la présentation pour la focaliser sur les concepts numériques en jeu, favorisant ainsi les futurs apprentissages numériques et le développement de l’autonomie de cette élève.

108OCDE / CERI. (2007), ​op.cit​.