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2.2.1 Quasars

Dans les années 1950, l’avènement des radio télescopes permet aux astronomes de voir le rayonnement radio de sources lumineuses (galaxies, étoiles ...) précédemment observées avec des télescopes optiques. Ils découvrent alors un type d’objet très particulier : son émission radio, très étendue, montre qu’il s’agit d’une source très énergétique, mais la contrepartie optique cor-respond à des objets de très petite taille, à peine celle d’une étoile (Shields 1999). On leur donne alors le nom de Quasi Stellar Objets, plus tard raccourci en quasars. Une décennie plus tard,

Schmidt(1963) observe pour la première fois le spectre optique d’un quasar. Grâce à l’étude des raies d’émission, il en déduit que cet objet est très lointain et donc extrêmement lumineux. À cette époque, les astronomes sont surpris par la gigantesque densité des quasars mais ne savent pas comment l’expliquer.

Aujourd’hui, on pense que les quasars sont créés par un trou noir super-massif au centre d’une galaxie (Shields 1999). Le trou noir accrète la matière environnante dont les particules sont ac-célérées par la chute dans le potentiel gravitationnel. Les particules relativistes sont ensuite canalisées par le champ magnétique pour former des jets extrêmement lumineux en direction des pôles du trou noir (voir figure2.5).

Les quasars sont parmi les objets les plus lumineux de l’univers et permettent donc de tracer la matière à très haut redshift. Ils peuvent être ainsi utilisés de deux façons :

• directement, à la manière des galaxies, comme traceur discret de la matière, • indirectement, en étudiant les raies d’absorption visibles sur leurs spectres.

C’est cette deuxième méthode que je mets en oeuvre dans cette thèse, à travers l’étude des régions d’absorption Lyα des spectres des quasars.

2.2.2 L’idée de Gunn-Peterson

Le flux émis par une source lumineuse à haut redshift est en partie absorbé par la matière présente sur sa ligne de visée. Ainsi, l’étude des séries d’absorption visibles sur les spectres des quasars donne des indications sur la physique et la composition chimique du milieu interga-lactique. Cet outil est précieux car c’est la seule méthode connue pour tracer le gaz du milieu intergalactique, qui compose la grande majorité de la matière baryonique de l’univers (Murdin 2001).

À cause de l’expansion de l’univers, l’absorption de la longueur d’onde λabs par un nuage au

redshift zabs, est vue sur le spectre à la longueur d’onde (1 + zabs) × λabs. Puisque l’hydrogène est le composant principal du gaz du milieu intergalactique et que la transition Lyman-α (notée Lyα dans la suite du manuscrit) est la transition de l’hydrogène avec la plus grande section

2.2 Les forêts Lyman-α

Figure 2.5: Vue d’artiste d’un quasar. Au centre, un trou noir accrète la matière environnante et une partie de l’énergie potentielle est convertie et libérée sous la forme de deux jets extrêmement

lumineux dirigés vers les pôles magnétiques du trou noir. Source :https://www.jpl.nasa.gov/

spaceimages/details.php?id=PIA16114

efficace, on s’attend à voir beaucoup plus d’absorption pour les longueurs d’onde inférieures à (1 + zq) × λLyα, où zq est le redshift du quasar. Cet phénomène, connu sous le nom d’effet

Gunn-Peterson, a été prédit puis observé pour la première fois parGunn & Peterson (1965). Cet effet est visible sur la figure2.6, qui représente le spectre d’un quasar au redshift 2.77. On voit, autour de 460 nm, la raie d’émission Lyα, qui est créée par la désexcitation de l’hydrogène au voisinage du quasar. On remarque que l’amplitude et la fréquence des absorptions à gauche de la raie d’émission Lyα sont beaucoup plus grandes qu’à droite. La région du spectre à gauche de la raie d’émission Lyα (coloriée en gris) est appelée forêt Lyα à cause de l’aspect que lui donnent les séries d’absorption par le gaz du milieu intergalactique. Dans le référentiel au repos des nuages absorbants, les absorptions ont lieu dans l’UV lointain à 121.6 nm mais, à cause du

redshift, elles sont décalées jusque dans le spectre visible.

Considérons le flux incident F qui traverse un nuage d’hydrogène de densité nH et de largeur

dl. Le flux dF absorbé en Lyα par le nuage s’écrit :

dF = −nHσαF dl, (2.20)

où σα désigne la section efficace de la transition Lyα. En intégrant,

F= exp

Z

Fonction de corrélation de la matière et forêts Lyα

Figure 2.6: Spectre d’un quasar du relevé eBOSS-SDSS IV. Les raies d’émissions Lyα (en rouge), Lyβ (en bleu) et Lyγ (en vert) sont représentées par les traits pleins. Les raies d’émis-sion Lyβ et Lyγ ne sont pas visibles sur le spectre car le nombre de photons correspondants émis au voisinage du quasar est trop faible. La région spectrale à gauche de la raie d’émission Lyα (coloriée en gris) est appelée forêt Lyα. Sa forme particulière de "forêt" lui est donnée par les séries d’absorption Lyα par la matière présente sous forme de gaz le long de la ligne de visée du quasar. On peut définir des régions spécifiques de la forêt Lyα en fonction des transitions atomiques qui y ont lieu. Par exemple, la région Lyα (hachurée en rouge) ne contient que des absorptions Lyα, alors que la région Lyβ (hachurée en bleu) contient à la fois des absorptions Lyα et Lyβ.

2.2 Les forêts Lyman-α en étudiant la physique du milieu intergalactique, on peut montrer2 que la profondeur optique

τ peut s’écrire en fonction du contraste de densité de l’hydrogène neutre δH :

τ = a1(1 + δH)a2. (2.22)

Typiquement, a1[0.15,0.6] et a2'1.6 (Seljak 2012).

Les équations2.21et2.22montrent que les variations de densité de l’hydrogène neutre sont amplifiées exponentiellement dans le flux.

Finalement, l’utilisation des absorptions Lyα comme traceur de la matière présente quatre avantages principaux :

• Les absorptions Lyα suivent la densité d’hydrogène neutre du gaz du milieu intergalactique, qui représente la majorité de la matière baryonique présente dans l’univers.

• Les variations de la densité d’hydrogène neutre sont facilement détectables car elle sont amplifiées exponentiellement dans le flux.

• Puisque les quasars sont parmi les objets les plus lumineux de l’univers, ils peuvent éclairer le milieu intergalactique à très haut redshift.

• Un spectre de quasar donne accès à plusieurs centaines d’absorbants.

2.2.3 Régions Lyman-α et Lyman-β

On a vu que toutes les absorptions de type Lyα étaient situées à gauche de la raie d’émis-sion Lyα sur le spectre (en rouge sur la figure2.6). De même, les absorptions Lyβ sont situées à gauche de la raie d’émission Lyβ3(en bleu). Ainsi, entre les raies d’émission Lyα et Lyβ, la seule transition de l’hydrogène neutre observée est la transition Lyα. Cette région spectrale (hachurée en rouge) est appellée région Lyα. Le domaine de définition exact de la région Lyα sera explicité au chapitre4.

On peut également définir la région Lyβ (hachuréee en bleu), entre les raies d’émission Lyβ et Lyγ. Dans cette région, il n’est pas possible de distinguer une absorption Lyα d’une absorption Lyβ. Néanmoins, puique la section efficace de Lyβ est cinq fois plus faible que celle de Lyα, le nombre d’absorption Lyβ est cinq fois plus faible que le nombre d’absorption Lyα (Seljak 2012).

On verra au chapitre 5 que la contamination par les absorptions Lyβ n’est pas problématique

pour le calcul de la fonction de corrélation des absorptions Lyα. Pour la première fois, je calculerai la fonction de corrélation Lyα à deux points en utilisant les absorptions de la région Lyβ. La motivation principale à la prise en compte de cette région est l’augmentation du nombre de données. En effet, en ajoutant la région Lyβ, on accroît de 30% environ la taille du domaine spectral étudié.

2

https://home.strw.leidenuniv.nl/~jarle/Teaching/GalaxyFormation/lecture14.html

3

La raie d’émission Lyβ n’est pas visible sur le spectre car le nombre de photons correspondants émis à proximité du quasar est trop faible.

Fonction de corrélation de la matière et forêts Lyα