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Forçages météorologiques pour la modélisation hydrologique

Nous donnons ici une description des différentes manières de fournir des

don-nées météorologiques à un modèle hydrologique, sur la base des concepts

d’obser-vations, de réanalyses et de prévision déjà introduits dans ce document. Rappelons

par ailleurs que le terme "forçage" également déjà introduit indique que les

don-nées météorologiques sont dondon-nées au modèle hydrologique sans que celui-ci ait

de rétroaction sur celles-ci. Rappelons aussi que deux catégories de situations sont

possibles : 1) les données sont constituées à partir d’observations et 2) les données

sont issues d’un modèle de prévision. En situation d’exploitation opérationnelle, des

données de prévision météorologique correspondent naturellement à une période

temporelle future, ce qui est appelé "prévision en temps réel". Néanmoins, il est

cou-rant de générer des prévisions météorologiques correspondant à une période passée,

afin de pouvoir les comparer aux observations réalisées sur cette même période et

d’évaluer ainsi le système de prévision utilisé. Cela s’appelle la prévision en temps

différé.

Dans le cas de l’utilisation de données constituées à partir d’observations, le

dis-positif fournissant des données météorologiques peut consister en deux choses. Il

peut s’agir tout d’abord de l’application directe (ou quasi-directe, par l’intermédiaire

d’un outil simple d’interpolation spatiale ou temporelle) des données d’observation

au modèle. Ce mode de fonctionnement nécessitant la présence d’un réseau

d’ob-servation météorologique suffisamment dense, il est peu utilisé lors de la mise en

3.2. Forçages météorologiques pour la modélisation hydrologique 59

oeuvre de modèles hydrologiques ayant une résolution spatiale élevée.

Afin de faire correspondre le format et la densité des données météorologiques à

ce qui est rendu nécessaire par le modèle hydrologique lorsque la densité du réseau

d’observation ne le permet pas directement, il est courant d’assimiler les données

d’observations dans un système de réanalyse météorologique. Un exemple de

mé-thode de réanalyse de données météorologiques consiste en l’utilisation de

l’inter-polation optimale (GANDIN, 1965) pour corriger, sur la base des observations, les

données météorologiques issues d’un modèle de prévision numérique du temps.

C’est ce qui est fait dans le système de réanalyse SAFRAN dont le fonctionnement

sur le bassin versant de l’Arve a été décrit au chapitre2. Rappelons que ce système

fournit des données météorologiques en fonction de l’altitude, de la pente et de

l’ex-position. Ces données sont basées sur les sorties d’un modèle de circulation générale

(ARPEGE à partir de 2002, ERA-40 pour les données antérieures) corrigées par les

données issues du réseau d’observation de Météo-France. La prise en compte de la

pente est réalisée à l’aide d’un post-traitement permettant d’ajuster l’intensité du

rayonnement incident.

Une description générale du concept de prévision numérique du temps, ainsi que

des concepts connexes, est donnée par BOUGEAULT, (2018). Il y est notamment

indi-qué qu’une prévision de l’évolution de l’état de l’atmosphère s’obtient à l’aide d’un

modèle de prévision numérique du temps. Le fonctionnement d’un tel modèle se

décompose en deux étapes : 1) l’initialisation du modèle, et 2) le lancement du

mo-dèle. L’initialisation du modèle vise à fournir au modèle de prévision numérique du

temps un état initial le plus proche possible de l’état réel de l’atmosphère au

mo-ment de cette initialisation. Cela se réalise à partir des données d’observation

mé-téorologiques disponibles récemment recueillies. La construction d’un état initial du

modèle de prévision à partir de ces données est réalisée par un processus

d’assimi-lation, auquel une introduction est donnée par DESROZIERS, (2018). Le lacement du

modèle consiste à estimer, à partir de l’état initial fourni et des processus d’évolution

de l’atmosphère décrit dans le modèle, de quelle manière l’état de l’atmosphère va

évoluer dans les heures et jours à venir. Il s’agit de la prévision proprement dite.

Les modèles de prévision numérique du temps existent à de nombreuses échelles

spatiales et temporelles. Le modèle ARPEGE précédemment évoqué est un exemple

de modèle de prévision numérique du temps à large échelle. Il est décrit dans

COUR-TIER et al., (1991) et réalise des prévisions de quatre jours d’échéance sur la base

de simulations de l’atmosphère réalisées sur l’ensemble du globe avec une

résolu-tion horizontale de 15 km. Il est utilisé pour les prévisions opérarésolu-tionnelles réalisées

par Météo-France. Des modèles ayant une résolution plus fine existent également,

comme le modèle AROME (d’une résolution d’1.3 km) également utilisé pour les

prévisions opérationnelles de Météo-France. À propos des modèles de prévision

nu-mérique du temps, rappelons que si les données météorologiques qu’ils donnent

ne sont pas considérées comme des données d’observation, il y a lieu de garder à

l’esprit que l’initialisation du modèle est faite, quant à elle, à partir de données

mé-téorologiques observées.

Les données météorologiques, même directement issues d’observations, sont

sys-tématiquement entachées d’une incertitude. Ces incertitudes sont d’autant plus

ma-nifestes dans le cas des données de prévision météorologique, en raison de la

diver-gence croissante entre l’état réel de l’atmosphère et celui qui est prévu par le modèle

60 Chapitre 3. Modélisation hydrologique : généralités et application au contexte

nivo-glaciaire

au fur et à mesure que croît l’échéance de prévision. Parmi les nombreuses sources

d’incertitude, trois catégories sont identifiables : 1) l’incertitude liée à l’initialisation

du modèle (qu’on doit, entre autres, à l’incertitude qui entache les données

d’obser-vation météorologique à partir desquelles cette initialisation est faite), 2) l’incertitude

liée à la physique du modèle (équations utilisées, phénomènes représentés, valeur

des paramètres) et 3) l’incertitude liée à la structure du modèle (par exemple :

dé-coupage spatial, méthodes numériques utilisées).

Une manière de traiter le problème de l’incertitude de la prévision météorologique

est de quantifier cette incertitude et de déterminer ainsi le niveau de fiabilité de la

prévision émise. Une méthode généralement utilisée pour cela est la prévision

d’en-semble, dont une description synthétique est donnée par BOUTTIER, (2018). Il y est

notamment dit que cette méthode consiste à exécuter un certain nombre de fois (en

général plusieurs dizaines) le même modèle numérique de prévision numérique du

temps, sur la même période d’échéance, avec à chaque fois une perturbation des

données d’entrée ou de la configuration de ce modèle, l’ensemble de ces

perturba-tions se voulant représenter les diverses sources d’incertitude de la prévision

météo-rologique. Cela conduit à générer un nombre égal de scénarios d’évolution de l’état

de l’atmosphère, et donc de prévisions météorologiques différentes. Le traitement

statistique des différents membres de prévision obtenus permet de quantifier

l’incer-titude de la prévision météorologique (DESCAMPSet al.,2015). De manière générale,

une forte tendance de ces scénarios à se disperser rapidement est le signe d’une forte

incertitude de la prévision météorologique générée. Le concept de prévision

météo-rologique d’ensemble entraine l’apparition du concept de prévision hydmétéo-rologique

d’ensemble : l’utilisation d’un ensemble de scénarios d’évolution de l’état de

l’atmo-sphère pour alimenter un modèle hydrologique permet de générer un ensemble de

scénarios hydrologiques. Un exemple d’application de la prévision d’ensemble à la

prévision hydrologique est donné par RANDRIANASOLOet al., (2010).

Il existe plusieurs méthodes (qui sont couramment utilisées simultanément) pour

perturber les données d’entrée ou la configuration du modèle numérique de

pré-vision du temps afin de générer différents scénarios d’évolution de l’état de

l’at-mosphère. D’après les explications de BOUTTIER, (2018), les perturbations peuvent

être appliquées à quatre niveaux : 1) l’état initial de la prévision, 2) les équations

du modèle numérique de prévision, 3) les conditions de surface et 4) les couplages

de grande échelle. La perturbation de l’état initial de la prévision permet de

quan-tifier l’incertitude entrainée par l’initialisation du modèle au démarrage de la

pré-vision. La perturbation des équations du modèle peut consister en la perturbation

des valeurs des paramètres de ces équations, ou à l’utilisation d’autres équations.

La perturbation des conditions de surface permet de représenter l’incertitude

répu-tée très importante de l’interaction entre l’atmosphère et les divers types de

sur-faces terrestres (végétation, océans, cryosphère par exemple) ainsi que la variabilité

spatiale et temporelle de cette interaction. Enfin, la perturbation des couplages de

grande échelle permet de représenter l’incertitude entrainée par l’utilisation de

don-nées d’un modèle à grande échelle pour fournir des conditions de bord à un modèle

à plus petite échelle.

Le concept de prévision d’ensemble est expliqué en détail dans MOLTENI et al.,

(1996) sur la base du système utilisé pour la prévision opérationnelle au Centre

Eu-ropéen de Prévision Météorologique à Moyenne Échelle. Cette explication est reprise

3.3. Modélisation hydrologique nivo-glaciaire 61