• Aucun résultat trouvé

4. CHANGEMENT DE COMPORTEMENTS

4.3 Modèles de campagnes

4.3.2 Food: Too Good To Waste

La campagne Food : Too Good To Waste (FTGTW) est un collectif de campagnes de marketing sociocommunautaire à travers les États-Unis qui visait à réduire le gaspillage alimentaire des consommateurs à domicile. La conception de la campagne, de la boîte à outils au plan d’implantation, a été développéeconjointement par l’EPA et le West Coast Climate and Materials Management Forum. Ce gabarit de campagne a été mis à la disposition des communautés qui voulaient participer au projet pilote à compter de 2012. Le West Coast Climate and Materials Management Forum offrait un accompagnement aux communautés pendant la planification et l’implantation de leur campagne. Une phase pilote pour tester les campagnes de marketing sociocommunautaire à petite échelle a débuté en octobre 2012 dans 17 communautés à travers 10 états américains et s’est conclue en décembre 2014. Un rapport sur cette phase pilote a évalué l’efficacité de la campagne à faire adopter les comportements

désirés et à réduire le volume de gaspillage alimentaire, en plus d’évaluer les coûts d’implantation et le retour sur l’investissement (EPA, 2016).

C’est en lisant A background research report for the West Coast Climate and Materials Management Forum (EPA, 2012a) qu’on peut constater que le pilote de cette campagne appliquait à la lettre les principes du marketing sociocommunautaire préconisés par Mackezie-Mohr (2010). Comme démontré à l’annexe 2, l’EPA a fait une analyse multicritère très détaillée de 42 comportements qui évitent le gaspillage alimentaire. En évaluant, pour chaque comportement identifié, le niveau d’adoption actuel, la probabilité de changer le comportement, les bénéfices et les barrières, l’EPA a sélectionné cinq comportements spécifiques qui offraient la meilleure combinaison des trois. Ce choix final est présenté au tableau 4.1.

Tableau 4.1 Comportements sélectionnés pour la campagne FTGTW (tiré d’EPA, 2012a)

Une fois les comportements sélectionnés, l’EPA a développé les stratégies d’intervention et les outils qui réduiraient les barrières. Ils ont créé un guide d’implantation qui expliquait comment créer une campagne à l’échelle de la collectivité et ont invité les collectivités intéressées à participer au pilote, à s’approprier le matériel et à concevoir leur propre campagne selon leurs objectifs et les besoins de leur communauté (EPA, 2012b). L’EPA et le West Coast Climate and Materials Management Forum ont soutenu, en tant qu’experts-conseils, chaque collectivité dans son implantation. Les communautés rurales et urbaines étaient très variées en taille, allant de petites municipalités de 2 000 résidents, à de grandes villes avec plus d’un million de résidents (EPA, 2016). Les campagnes visaient à motiver les participants à modifier les cinq comportements détaillés au tableau 4.1. Le promoteur de la campagne était généralement une autorité locale, soit une municipalité ou un organisme parapublic, qui avait la responsabilité de la gestion

des matières résiduelles. L’activité principale de ces campagnes a été de recruter et de faire participer des citoyens à un « défi de réduction » du gaspillage d’une durée de 4 à 6 semaines. Cette activité ciblait principalement les familles avec enfants, qui est le segment qui gaspille le plus en volume total par ménage. Les stratégies pour recruter les participants variaient selon les moyens et les objectifs de chaque communauté; parfois par de simples kiosques dans les marchés publics ou par l’entremise de réseaux sociaux. Dans certaines communautés, des employés étaient embauchés, dans d’autres, des organismes bénévoles s’impliquaient au recrutement. Lors des activités de recrutement en kiosque, on en profitait pour faire de la sensibilisation générale et si les passants ne voulaient pas participer au défi, on les invitait à choisir un comportement qu’ils allaient adopter, à l’écrire sur l’ardoise et à prendre une photo qui serait affichée sur les réseaux sociaux de la campagne (figure 4.6). On privilégiait une stratégie de l’obtention de l’engagement public.

Figure 4.6 Exemples d’engagement public durant la campagne FTGTW (tiré d’EPA, 2016)

Pour ceux qui décidaient de participer au défi, les participants calculaient le poids ou le volume du gaspillage de leur ménage durant les 2 premières semaines. Cette première étape permettait de bien les sensibiliser à l’enjeu. Ensuite, les animateurs de la campagne enseignaient les cinq comportements de réduction à faire adopter. Pour faciliter l’adoption des comportements, FTGTW avait aussi recours à des rappels pour enlever les barrières de l’oubli. Entre autres, l’aide-mémoire de conservation (figure 4.7) ou l’affichette « Manger en premier » présentée précédemment.

Figure 4.7 Aide-mémoire de conservation des fruits et légumes, campagne FTGTW (tiré d’EPA, 2016)

Durant les quatre dernières semaines, les participants appliquaient les cinq comportements recommandés tout en continuant de mesurer le poids ou le volume de leur gaspillage pour voir l’impact suite à l’adoption des nouveaux comportements. Afin de s’assurer une participation de six semaines, les participants étaient inscrits à un concours pour gagner une bourse d’épicerie offerte par un épicier partenaire de la campagne. Ce défi utilisait plusieurs stratégies d’intervention. D’abord, elle misait sur l’obtention d’un engagement de participer au défi et d’appliquer des mesures de réduction. Ensuite, par le fait de mesurer son niveau, on utilisait la rétroaction pour entretenir la motivation des participants. Le recours à l’incitatif contribuait aussi à maintenir la motivation des participants.

Les approches de recrutement, d’engagement et de rétention des participants au défi variaient beaucoup d’une campagne à l’autre. Les résultats de réduction variaient également. Le grand avantage de cette approche par collectivité aura été de pouvoir tester 17 versions différentes d’un gabarit de campagne, ce qui a permis de cerner les meilleures pratiques en vue d’un déploiement à grande échelle. Dans les campagnes ayant le mieux réussi à recruter des participants et maintenir leur participation sur six semaines, ceux-ci ont réduit, en moyenne, de 50 % leur gaspillage alimentaire, ce qui constitue donc une stratégie très efficace. Cependant, le rapport du pilote n’a pas évalué si les comportements étaient maintenus à long terme. De plus, ces stratégies qui visaient de petits échantillons de quelques centaines de personnes ont eu des taux de participation variant entre 25 et 100 personnes, et des taux de rétention pour la durée totale du défi avoisinant les 50 % (EPA, 2016). L’impact sur le volume de gaspillage total de la collectivité était donc négligeable puisqu’il représentait un très petit pourcentage de la population globale. On peut conclure que l’approche était efficace à réduire les barrières et à faire adopter les bons comportements, mais qu’elle fut peu efficiente. Pour avoir un impact sur le volume total d’une collectivité, il aurait fallu déployer des efforts considérables avec des budgets prohibitifs pour recruter massivement des participants et soutenir leur adhésion, et étendre le projet à l’ensemble de la population.