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Après avoir utilisé principalement des caractères gothiques au début de sa carrière145, Sébastien Gryphe acquit des caractères romains et italiques dès 1528. Il

composa alors de plus en plus de ses livres au moyens de ces fontes et, notamment, commença à utiliser l'italique pour imprimer le corps de texte de ses livres.

Il n'est pas facile de déterminer avec précision combien de fontes différentes de caractères italiques Sébastien Gryphe a utilisé et laquelle a servi à l'impression des œuvres des Scriptores rei rusticae. De plus, les différentes sources ne s'accordent pas

145 Il s'agit de casses locales, probablement fournies par la Compagnie des libraires, à l'origine de l'installation à Lyon de

Sébastien Gryphe.

toujours. Seule une étude détaillée de la production de l'imprimeur-libraire permettrait de répondre à cette question de façon définitive.

Cependant, il semble que Gryphe ait utilisé trois ou quatre fontes italiques différentes.

Deux, voire trois, des types italiques qu'il a utilisés présentent des capitales inclinées. Il semble avoir eu recours à un ou deux de ces types à partir de 1537. Harry Carter146 considère que Gryphe adopta pour la première fois, pour une édition des Odae

de Salmonius Macrinus, en 1537, un italique aux capitales inclinées inspiré de l'italique Gros-romain qu'utilisait Simon de Colines, à Paris, un an auparavant. Pour A. F. Johnson147, en revanche, Gryphe aurait utilisé pour la première fois un type au capitales

penchées en 1537 pour les Epigrammata de Claudius Rosselettus. Toujours selon cet auteur, ce type serait originaire de Bâle. Qu'il soit d'origine parisienne ou bâloise, les deux auteurs situent l'apparition d'un type aux capitales inclinées la même année. On peut supposer qu'il s'agit des mêmes caractères. Le deuxième ou troisième type utilisé par Gryphe et présentant des capitales inclinées est celui que lui aurait fournit, ainsi qu'à Jean de Tournes, Robert Granjon en 1547. Ces deux ou trois types aux capitales penchées ne correspondent cependant pas aux caractères utilisés pour l'impression, de 1535 à 1549, des Libri de re rustica et de leurs commentaires.

Tout d'abord, la date d'édition de ces livres en témoigne, Gryphe utilise abondamment l'italique avant 1537. Les bibliographies de H. Baudrier et S. von Gültlingen attestent quant à elles l'utilisation de l'italique dès 1528.

De plus, les capitales du type utilisé dans les éditions qui nous intéressent ne sont pas inclinées mais, au contraire, bien droites et se rapprochent ainsi des capitales romaines. Gryphe a donc peut-être utilisé deux fontes d'italique à partir de 1537, l'une aux capitales penchées, l'autre aux capitales droites.

Du fait de la présence de capitales romaines dans le texte en italique, on peut dire que les caractères italiques utilisés par Gryphe pour les Libri de re rustica sont du type aldin, du nom du célèbre imprimeur vénitien Alde Manuce. Ce dernier, fut le premier imprimeur à populariser l'italique. Il fit graver au bolonais Francesco Griffo une fonte italique aux capitales droites et, en 1501, il imprima son premier ouvrage avec ces caractères : des Opera de Virgile. Dès lors, Manuce utilisa ce nouveau type pour imprimer le corps de texte de sa collection de classiques en format réduit.

146 CARTER, Harry, A view of early typography up to about 1600, 2e éd., London, Hyphen press, 2002, p. 122. 147 JOHNSON, Alfred Forbes, Type designs, their history and development, London, Grafton & co, 1959, p. 109.

Description physique des éditions des Libri de re rustica imprimées par Sébastien Gryphe La renommée de l'imprimeur vénitien et le succès de ses éditions incita très tôt d'autres imprimeurs et graveurs à copier les nouveaux caractères, malgré le privilège qui les protégeait. Ce fut le cas des imprimeurs Giunti de Venise qui copièrent l'italique aldin dès 1503. En France, l'italique de Manuce fut reproduit, à Lyon, par Balthazar da Gabiano et Barthélemy Trot dès 1502 pour la réalisation de contrefaçons aldines. Cependant, en dehors de l'Italie ce sont véritablement les copies allemandes qui popularisèrent le type aldin. Selon Harry Carter148, c'est cet italique qui est utilisé pour la

première fois à Bâle par J. Froben en 1519, puis à Paris en 1529 chez Christian Wechel, avant qu'il n'arrive à Lyon en 1528 chez S. Gryphe.

Après avoir amassé un pécule suffisant, Gryphe fit l'acquisition en 1528 de caractères italiques et romains de qualité, puis de types grecs et hébreux. Il semble que ces types soient des fontes bâloises. C'est avec eux qu'il réalise ses premières impressions en italique, parmi lesquelles on compte les éditions des Libri de re rustica et de leurs commentaires. Comme l'ont remarqué Raphaëlle Bats, Coralie Miachon, Marie-Laure Montlahuc et Roseline Schmauch-Bleny149, Gryphe a pu acquérir cette

fonte grâce à l'implantation à Lyon d'imprimeurs étrangers qui permettait la circulation des fontes, notamment italiennes et allemandes. Gryphe est d'ailleurs lui-même fortement lié à ces deux régions puisqu'il est issu d'une famille d'imprimeurs allemands et qu'il débuta sa carrière en Italie. Le fait qu'il ait pu avoir des contacts avec Bâle ou des imprimeurs et graveurs italiens n'est donc pas surprenant. D'autre part, Raphaëlle Bats, Coralie Miachon, Marie-Laure Montlahuc et Roseline Schmauch-Bleny ont également émis l'hypothèse que les fontes de J. Froben aient pu être vendues après son décès survenu en 1527, un an avant que Gryphe produise ses premières impressions en