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1. LES ASSUREURS MALADIE

1.2. La redéfinition du rôle des assureurs maladie

1.2.1. Le fonds de compensation des risques

Selon la LAMal, la compensation des risques devait être abandonnée dix ans après l’entrée en vigueur de la loi. L'on supposait que la structure des risques aurait été égalisée, rendant le système de compensation superflu, ce qui n’était pas encore le cas lors de la troisième réforme partielle.23 L’ordonnance en la matière a été prolongée pour cinq ans en 2004 et une nouvelle fois en 2009.24

Le fonds est un instrument censé compenser les risques résultant du sexe et de l’âge en introduisant une solidarité horizontale. En égalisant la structure des risques, il représente en même temps une incitation à un fonctionnement concurrentiel et favorise le choix de modèles alternatifs d’assurance en atténuant le caractère dirigiste de la prime unique.25 En réduisant le risque, le fonds est un instrument devant faciliter l’accès et le choix de la couverture assurantielle et devant en même temps permettre un fonctionnement efficace du marché assurantiel.26

23 Rapport de l’OCDE & OMS, Examens de l’OCDE des systèmes de santé : Suisse, p. 155.

24 Ordonnance sur la compensation des risques dans l’assurance maladie (OCoR) du 12 avril 1995.

25 Message du Conseil fédéraln° 04.031, loc. cit., p. 4026.

26 Pour une réflexion sur le rôle de l’Etat dans la gestion des risques, voir par exemple EWALD F., KESSLER D., "Les Noces du risque et de la politique", in Le

Avec ce système, les assureurs connaissant une structure de risques positive (mesurée par l’âge et le sexe) doivent verser un montant dans un fonds commun permettant d'offrir une compensation aux assureurs disposant d'une structure de risques moins favorable. Le fonds fournit par ailleurs une base de transfert de canton à canton, reflétant ainsi les différences de coûts entre les régions.27 Il crée un équilibre artificiel des portfolios entre les assureurs, en termes de probabilité d’occurrence des risques. «Les assureurs-maladie qui ont une structure d'âge et de sexe ne correspondant pas vraiment à celle de la population en général (soit en ayant une prédominance de jeunes hommes) doivent contribuer à un fonds d'égalisation des risques (contribution de compensation), de sorte que ceux ayant à ce titre un désavantage concurrentiel reçoivent un subside de ce fonds».28

Le fonds de compensation des risques, de façon similaire aux primes d’assurance-maladie, est basé exclusivement sur trois critères : le sexe, l’âge et le canton de résidence. Ce nombre de critères a été jugé insuffisant pour compenser les risques de façon adéquate, ce qui favorise l’exercice de la sélection des risques, car comme certains auteurs l’ont remarqué, «ce système reste profitable pour les caisses-maladie en raison de mécanismes

27 LEU E. R., BECK K., Risikoselektion und Risikostrukturausgleich in der Schweiz, Gutachten zuhanden der Techniker Krankenkasse Hamburg, Bern, Universität Bern, 2006.

28 «Insurers having an age and sex structure that compares favourably with that of the general population [i.e. predominantly young men] must contribute to a risk equalization fund ["contribution compensation"], while those showing a competitive disadvantage in this regard will receive a subsidy from it», in BECK K., «Growing Importance of Capitation in Switzerland», in Health Care Management Science, n° 3, 200, p. 112, voir également FREI W., loc. cit., pp. 83-94.

d’ajustement incomplets des risques».29 C’est la raison pour laquelle le projet de troisième réforme soulevait la question de la nécessité de prendre en compte d’autres indicateurs.30 Ces critères devaient être basés sur les conditions de santé de l’assuré et le risque de mortalité (calculés d’après le nombre de jours d’hospitalisation ou de séjours dans un établissement médico-social pendant l’année précédente), ainsi que sur les diagnostics (d’après les prescriptions de médicaments).31 À l’époque, on parlait même d’un fonds de compensation pour les hauts risques.

En 2007, le Parlement a décidé d’adapter les critères de compensation des risques pour mieux prendre en considération le risque maladie des assurés, par la prise en compte, comme facteur supplémentaire de compensation, des séjours dans un hôpital ou un établissement médico- social (EMS) l’année précédente.32

La reforme prévoyait par ailleurs un calcul prospectif du fonds, en tant qu’incitation à une gestion des assurances-maladie plus efficiente. Ces propositions ont toutefois rencontré un intérêt mitigé en raison de l’impact limité de redistribution entre les assureurs-maladie. En 2008, le volume de

29 «…is still profitable for sickness funds because of incomplete risk adjustment mechanisms», in VAN DE VEN, W. P. M. M., BECK K. et. al., "Risk adjustment and risk selection on the sickness fund insurance market in five European countries", in Health Policy, Vol. 65, n° 1 cité par GRESS S., loc. cit., p. 42.

30 SPYCHER S., La Compensation des risques dans le cadre de la 3ème révision partielle de la loi fédérale sur l’assurance-maladie, loc. cit.

31 BECK K., SPYCHER S., HOLLY A., GARDIOL L., "Risk Adjustment in Switzerland", loc. cit., pp. 63-74 ; SPYCHER S., "Compensation des risques dans la LAMal – et la suite ?", loc. cit., pp. 109-112 ; FREI W., "Assureurs-maladie", loc.

cit., pp. 83-94.

32 INSTITUTION COMMUNE DE LA LAMAL, Rapport sur la gestion de la

compensation des risques en 2009, Soleure, Institution commune LAMal, 2010, p. 2.

compensation des risques représentait 5.62 milliards de CHF (un quart du volume total des primes de santé), mais seuls 1.4 milliards de CHF ont été transférés entre les assureurs-maladie33, le reste ayant été directement compensé au sein des assureurs eux-mêmes.

Ce qui précède signifie que la plus grande redistribution des risques s’exerce à l’intérieur des assureurs-maladie eux-mêmes et moins entre eux, par le biais du fonds. Cette situation permet de réévaluer les objectifs d’amélioration des conditions de concurrence et d’équité du fonds de compensation des risques. Actuellement, la situation est en train de changer, ce qui tient également à l’intérêt grandissant pour les modèles de «managed care», lesquels favorisent une meilleure surveillance des risques.34