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Fondation suisse du Service social international, Genève, Suisse

Depuis les années 90, des avancées notables ont été réalisées pour ouvrir le système d’éducation et de formation à tout enfant, comme le postule la Convention des Nations Unies relative aux des droits de l’enfant (art 28 CDE). Toutefois, le manque d’accès à ces mesures pour des enfants en situations de clandestinité reste préoccupant.

Les enfants sans-papiers en Suisse: Qui sont-ils ?

Si le nombre d’enfants requérants d’asile est enregistré chaque année au niveau national, celui des enfants en situations de clandestinité garde par définition une part d’ombre. D’après une estimation de 20151, 9'000 à 10'000 enfants sans-papiers vivent

en Suisse, équivalent à 12% du total estimé de personnes sans statut légal. Selon cette étude également, la Suisse compterait plus de 8000 familles avec enfants et le nombre de naissances s’élèverait à 300 par année.

Il convient de distinguer deux catégories d’enfants et d'adolescents sans- papiers: d’une part les enfants accompagné-e-s, qui sont arrivé-e-s avec leurs parents, né-e-s en Suisse ou ont rejoint un parent en Suisse; d’autre part les enfants non accompagné-e-s, défini-e-s comme tel s’ils ou elles séjournent en Suisse sans leur représentant légal, même en présence d’autres membres de leur famille.

Concernant cette deuxième catégorie, une étude du Service social international sur les mineurs non accompagnés (MNA) sans-papiers dans le canton de Genève2

a contribué à définir quatre profils de ces jeunes encore peu connus:

- les MNA par intermittence (réuni-e-s avec leurs parents par périodes ou dont le parent est rentré dans le pays d’origine),

- les employé-e-s de maison (employé-e-s par des membres ou proches de leur famille ou par des personnes extérieures),

- les victimes de traite, et

- les jeunes „itinérants“ (vivant dans la rue et hors de tout système de protection sociale).

Droit à la formation: Entre avancées et réalité

Depuis les années 90, les enfants sans-papiers ont le droit d’être scolarisés comme tout enfant résidant en Suisse. Cependant, la question de la formation professionnelle reste problématique et fait l'objet d'un débat important au niveau

1 B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung, Swiss Forum Migration and Population Studies (SFM) et Université de Genève

(2015). Les sans-papiers en Suisse en 2015.

109 national. De nombreuses voix, sous la forme d’initiatives civiles3 et politiques4, se sont

élevées pour demander l'accès à l'apprentissage des jeunes sans-papiers. Depuis 2013, les jeunes sans-papiers peuvent ainsi effectuer un apprentissage professionnel sous certaines conditions cumulatives, telles que le suivi de la scolarité pendant au moins cinq ans, la déclaration d’engagement d’un employeur et la déclaration ouverte de l’identité du-de la jeune.5

Les constats sont toutefois consternants : après un an, sur 200 à 400 jeunes sans-papiers potentiellement concerné-e-s, seules deux demandes avaient été déposées.6 Il n'existe en effet aucune garantie de bénéficier d'une autorisation de

séjour même si toutes les conditions sont remplies. En révélant leur identité, les jeunes sans-papiers et leur famille peuvent aussi courir le risque d'expulsion, si la demande est rejetée.

Défis persistants et recommandations

Les défis actuels pour un accès renforcé des jeunes migrant-e-s à la formation professionnelle résident dans l’allègement des conditions d’accès, la mise en place de formations adaptées aux aptitudes des jeunes migrant-e-s et un accompagnement individualisé. Il convient en outre de considérer la situation spécifique des jeunes arrivé-e-s tardivement (15-17 ans) ainsi que des jeunes avec un faible bagage scolaire ou un parcours éducatif interrompu.

En 2015, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a adressé une série de recommandations à la Suisse7, dont des mesures de protection spéciales en faveur

des enfants requérants d’asile, réfugiés et sans-papiers. Il recommande notamment un accès effectif et non-discriminatoire à l‘éducation et à la formation professionnelle ainsi que des programmes pour prévenir l‘exclusion des enfants sans-papiers et assurer leur accès aux services et prestations de base.

Par ailleurs, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) a élaboré en 2016 des recommandations visant à harmoniser la prise en charge des MNA dans les cantons.8 Si ces recommandations ciblent les MNA

requérants d’asile, la CDAS stipule toutefois qu’«elles peuvent néanmoins présenter une certaine pertinence pour les questions liées aux enfants et aux jeunes sans autorisation de séjour qui n’ont pas accompli de procédure d’asile, notamment en ce qui concerne la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant». La formation est un thème central avec, notamment, la demande d’assurer un accès non discriminatoire

3 Campagne Aucun enfant n‘est illégal (2008) et mouvements syndicaux

4 Motion Barthassat 08.3616, 2008 et initiative de la Ville de Lausanne pour l’engagement d’apprentis sans-papiers (2010) 5 Ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA), modification de l’art. 30 a, entrée

en vigueur le 1er février 2013.

6 Plateforme d’information Humanrights.ch (2014). L'apprentissage pour les jeunes sans papiers n'est toujours pas une réalité. 7 Comité des droits de l’enfant (2015). Observations finales concernant les deuxième à quatrième rapports périodiques de la

Suisse (CRC/C/CHE/CO/2-4).

110 aux offres existantes et de développer des mesures pour les jeunes ayant migré tardivement.

Enfin, le manuel de prise en charge des MNA en Suisse développé par le SSI9

propose une méthodologie d’accompagnement en 9 étapes ayant pour but de définir avec chaque jeune migrant-e une solution durable adaptée à sa situation. L’une des étapes, ciblée sur les mesures d’intégration, promeut notamment l’accès à l’éducation et à la formation par le biais d’un accompagnement individuel et d’une orientation professionnelle renforcés.

En conclusion, un accès effectif à la formation appelle à un changement de paradigme. Ce changement devrait conduire à considérer les enfants migrants non plus uniquement dans la dimension de la protection (ici et maintenant) mais également dans celle des perspectives (et après?), que leur avenir se déroule en Suisse ou ailleurs. La formation apparaît ainsi comme la meilleure forme de prévention et de construction d’un futur digne. Des renforcements structurels sont nécessaires, mais il convient également d’accorder une place réelle à la participation des jeunes migrant- e-s dans notre société, comme le promeut notamment le projet Speak out! du Conseil suisse des activités de jeunesse (CSAJ) et son récent projet Speak out! Sans- Papiers.10

9 Service social international – Suisse (2017). Manuel de prise en charge des mineur-e-s non accompagné-e-s en Suisse.

Guide pratique à l’usage des professionnel-le-s.

10 Conseil suisse des activités de jeunesse (CSAJ), projet Speak out ! MNA et Speak out ! Sans-Papiers :

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Recommandations de la Conférence des directrices et directeurs