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Fonctions potentielles des autres interacteurs du miRISC

Chapitre 3. Discussion et Perspectives

3.2 Fonctions potentielles des autres interacteurs du miRISC

CEY-1-4, ZBP-1 (maintenant IMPH-1), DDX-17 et C28H8.3 sont des protéines que nous avons détectées dans nos analyses de spectrométrie de masse des complexes associés à miR-35, miR-241 et miR-228 (Figure 2.3). Il est intéressant de constater que leurs homologues sont des protéines liant l’ARN côtoyant la voie de l’ARNi à différents niveaux (Tableau 3.1).

Protéines Homologue Lien avec la voie de l’ARNi Références

ZBP-1 (IMPH-1)

IMP1

 Lie certains précurseurs de miARN

 Séquestre ses cibles et les

protège contre la dégradation par les miARN (Elcheva et al. 2009, Busch et al. 2016, Treiber et al. 2017) IMP2

 Lie certains précurseurs de miARN

 Lie les cibles de let-7 et

empêche la régulation par let-7

(Degrauwe et al. 2016, Treiber et al.

2017)

IMP3

 Lie certains précurseurs de miARN

 Séquestre ses cibles et les protège contre la répression par les miARN (Jonson et al. 2014, Deforzh et al. 2016, Ennajdaoui et al. 2016, Treiber et al. 2017)

CEY-1/2/3/4 YBX1  Biogénèse de miARN  Tri et transfert de miARN aux exosomes (Wu et al. 2015, Shurtleff et al. 2016, Shurtleff et al. 2017, Treiber et al. 2017) DDX-17 DDX17  Biogénèse de miARN (Dardenne et al. 2014, Moy et al. 2014, Remenyi et al. 2016, Lambert et al. 2018) C28H8.3 DDX60  Promeut la réponse antivirale ARNi de RIG-I ?

(Miyashita et al. 2011, Goubau et al.

2015, Oshiumi et al. 2015)

Tableau 3.1 – Protéines détectées par analyses de spectrométrie de masse des complexes associés à miR-35, miR-241 et miR-228, leurs orthologues et liens avec la voie de l’interférence à l’ARN.

ZBP-1 possède quatre isoformes, dont au moins trois peuvent être détectées par analyse de type western blot (Figure 3.3). Les isoformes plus courts manquent une partie en N terminal, région qui correspond aux domaines de liaison à l’ARN chez les IMP1/2/3 humaines. Cependant, aucun domaine de liaison à l’ARN n’est prédit dans cette région pour ZBP-1. Des isoformes de ZBP-1 sont détectés lors de co-immunoprécipitations avec ALG-2, et leur interaction est dépendante de l’ARN (Figure 3.4).

Figure 3.3 - ZBP-1 détecté par un immunobuvardage de type western.

ZBP-1 est détecté dans un extrait de nématodes de stades mixtes grâce à un anticorps anti-HA. Les tailles prédites des quatre isoformes sont de 78, 81, 92 et 95 kDa. La bande juste en dessous du marqueur à 75 kDa représente peut-être un produit de dégradation. Il est possible que la bande la plus forte inclue les isoformes à 92 et 95 kDa.

Figure 3.4 - Interaction physique entre ALG-2 et ZBP-1.

Gauche : Immunoprécipitation de FLAG::ALG-2 et détection d’une version de ZBP-

1 étiquetée en C-terminal. Les expériences sont réalisées avec des extraits de nématodes de stade jeune adulte. L’efficacité du traitement RNAse est visualisée sur gel par coloration des ARN ribosomaux au bromure d’éthidium. Droite : Niveau relatif de GLH-1::HA co-immunoprécipité, normalisé sur le niveau de FLAG ::ALG- 2 immunoprécipité, avec (+) ou sans (-) traitement RNAse. Le résultat est présenté comme une moyenne de trois expériences indépendantes. *P-value=0.005.

ZBP-1 a aussi été détecté par le groupe de Victor Ambros, par immunoprécipitation d’ALG-1 et analyses de spectrométrie de masse (Zinovyeva et al. 2015). IMP2 et AGO2 interagissent ensemble de façon ARN-dépendante (Degrauwe et al. 2016), et IMP1 et IMP3 interagissent avec AGO2 et AGO1, aussi de façon dépendante de l’ARN (Hock et al. 2007). De plus, des expériences de fractionnement par gradient de sucrose démontrent qu’AGO1 et AGO2 forment trois types de complexes de différentes tailles, et IMP1 et IMP3 se retrouvent aux tailles correspondant aux deux plus lourds, le plus lourd étant considéré comme le complexe actif contenant le miRISC avec ses cibles (Hock et al. 2007). Dans les cellules humaines, deux mécanismes sont proposés pour expliquer l’effet protecteur des IMP sur les cibles de miARN : IMP2 compétitionnerait directement avec les

complexes ribonucléoprotéiques ne contenant pas de miRISC (Degrauwe et al. 2016). Chez C. elegans, le lien fonctionnel entre ZBP-1 (ou des isoformes spécifiques de ZBP-1) et la voie des miARN reste à démontrer. Il est important de noter que ZBP-1 a aussi été détecté en association avec DCR-1 (Duchaine et al. 2006). Il sera donc essentiel de déterminer si ZBP-1 agit au niveau de la biogénèse des miARN, ou au niveau du miRISC actif.

Hock et collaborateurs ont détecté une interaction ARN-dépendante entre YBX1 et AGO1/2 (Hock et al. 2007). Les expériences de fractionnement décrites ci-haut ont aussi permis de détecter la présence de YBX1 aux mêmes tailles que le complexe AGO le plus lourd. YBX1 est une protéine de la famille cold shock domain (CSD) (Kohno et al. 2003) qui s’associe aux corps P (Yang and Bloch 2007) et aux granules de stress (Kedersha and Anderson 2007), mais qui possède aussi plusieurs autres rôles, incluant un rôle au niveau de la transcription (Ohga et al. 1998). YBX1 forme des complexes ribonucléoprotéiques (Skabkin et al. 2004), bloque directement la traduction et protège les ARNm en empêchant l’interaction entre eiF4E et la coiffe des ARNm (Evdokimova et al. 2001). YBX1 peut aussi activer la traduction de G3BP1, un facteur essentiel pour la nucléation et l’assemblage des granules de stress (Somasekharan et al. 2015). De plus, YBX1 est impliqué dans la biogénèse de miR-29b (Wu et al. 2015), et contrôle la sécrétion de miARN et d’autres courts ARN non-codants dans des exosomes (Shurtleff et al. 2016, Shurtleff et al. 2017). Chez C. elegans, les fonctions des CEY ne sont pas très bien connues. L’expression de CEY-2 et CEY-3 domine dans les cellules germinales, alors que CEY-1 et CEY-4 sont aussi présentes dans le soma (Arnold et al. 2014). Dans les deux tissus, la perte des CEY cause une diminution globale de l’abondance des ARNm. Bizarrement, la perte des CEY somatiques cause une réduction de la fraction de larges polysomes sans toutefois affecter les taux de traduction. Tout comme YBX1, les CEY lient l’ARN sans avoir de spécificité apparente. Elles interagissent avec des composantes connues des granules P telles que CGH-1, GLD-1, CAR-1, PAB-1 et IFET-1, et leur perte de fonction cause une malformation des granules CGH-1, CAR-1 et GLD-1. Notamment, ALG-1 et ALG-2 ne sont pas détectés parmi les interacteurs des CEY, ce qui suggère que nous les avons détectées en association avec les miARN à cause de leurs interactions communes avec l’ARN ou des composantes des granules P. Somme toute, la seule fonction commune

connue entre YBX1 et les CEY est la stabilisation des ARNm. L’implication des CEY dans la voie des miARN devrait être testée directement ce qui pourrait être fait avec nos rapporteurs de l’activité de miR-228.

Chez l’humain et la souris, DDX-17 promeut le clivage de certains miARN primaires, et est considéré, avec DDX5, comme un co-facteur du complexe Microprocesseur nucléaire Drosha-DGCR8 (Dardenne et al. 2014, Mori et al. 2014, Moy et al. 2014, Remenyi et al. 2016). Les orthologues de DDX17 et DDX5 chez C. elegans, DDX-17 et DDX-23, sont aussi impliqués dans la biogénèse des miARN primaires hétérochroniques pri-let-7, pri- miR-48, pri-miR-84, pri-miR-241 et pri-lin-4 (Chu et al. 2016). Maintenant, comment expliquer que DDX-17 soit détecté lors d’analyses par spectrométrie de masse des complexes associés à des miARN matures, et donc, cytoplasmiques (Figure 2.3) ? La localisation de DDX-17 dans la cellule est toujours inconnue chez C. elegans, mais cette protéine a été détectée lors d’immunoprécipitations d’ALG-1 (Zinovyeva et al. 2015). De façon intéressante, ALG-1, qui est considéré comme étant majoritairement cytplasmique, est aussi détecté dans des fractions nucléaires, ou le miRISC composé de let-7 mature et d’ALG-1 régule la biogénèse de pri-let-7 (Zisoulis et al. 2012). Ces résultats suggèrent qu’il pourrait exister du miRISC nucléaire, qui pourrait interagir avec DDX-17 nucléaire. L’inverse est aussi possible : malgré son implication dans la biogénèse des miARN, qui a lieu au noyau, il est possible qu’une fraction de DDX-17 se retrouve au cytoplasme. Chez l’humain, DDX17 peut localiser au cytoplasme lors de l’infection virale, mais ce n’est pas clair si les miARN (ou les siARN) sont impliqués dans la réponse antivirale puisque la perte de Drosha n’affecte pas le pourcentage de cellules infectées par le virus (Moy et al. 2014). L’hélicase DDX5, impliquée avec DDX17 dans le clivage nucléaire des pri-miARN, facilite aussi le chargement du miARN let-7 dans l’Agonaute en déroulant le duplexe formé par le clivage par Dicer, ce qui suggère que DDX5 est aussi présente au cytoplasme dans les cellules humaines (Salzman et al. 2007). Ainsi, une fonction de DDX-17 au niveau de la formation du miRISC somatique et/ou germinal est possible. De plus, ce ne serait pas la première fois qu’on verrait une protéine de la voie des miARN transiter entre le noyau et le cytoplasme : dans les cellules germinales de C. elegans, le ratio de DCR-1 localisé au noyau et au cytoplasme varie selon la région de la gonade et son état de phosphorylation

par ERK (Drake et al. 2014). Dans des fibroblastes embryonnaires de souris, Dicer se localise en partie au noyau et est phosphorylé lors de dommages à l’ADN (Burger and Gullerova 2018). Dans les cellules HEK293, Dicer nucléaire phosphorylé produit des ARN double-brin en réponse au dommage à l’ADN (Burger et al. 2017). Il semble donc que la localisation de DCR-1, et potentiellement de DDX-17, soit dynamique durant l’oogénèse du nématode, ce qui suggère que la biogénèse des miARN (et des siARN) est finement régulée durant ce processus. Finalement, l’implication de DDX-17 à différents niveaux de la voie des miARN, ainsi que sa localisation subcellulaire, devraient être clarifiés chez C. elegans.

DDX60 est une hélicase récemment identifiée qui, tout comme DDX17 (Moy et al. 2014), joue peut-être un rôle en amont de la réponse antivirale (Miyashita et al. 2011, Schoggins et al. 2011, Oshiumi et al. 2015). DDX60 augmente la reconnaissance des ARN double-brin par RIG-I lors de la réponse à l’interféron déclenchée par l’infection virale. Cependant, ces résultats ont été remis en question par un autre groupe démontrant que DDX60 n’est pas requise pour l’immunité contre une multitude de virus (Goubau et al. 2015). Son implication dans la voie des miARN ou des siARN n’a pas été démontrée directement. Cette hélicase fait partie du même groupe d’hélicases antivirales que Dicer, et est un membre de la famille des hélicases semblables à Ski2 (Goubau et al. 2015), un cofacteur du complexe exosome cytoplasmique chez la levure (Miyashita et al. 2011). L’exosome est un mécanisme conservé de dégradation générale 3’à5’ des ARN qui cible les ARN clivés endonucléolytiquement ou déadénylés (Anderson and Parker 1998). L’exosome pourrait en principe être impliqué et la dégradation 3’à5’ des cibles du RISC, mais son rôle a été peu étudié jusqu’à maintenant. Dans les cellules de drosophile, le complexe Ski2 est impliqué dans la dégradation des fragments 5’ résultants du clivage par AGO2 (les fragment 3’ étant dégradés par XRN1)(Orban and Izaurralde 2005). Chez la plante, l’une des étapes importantes de la réponse antivirale est la production de siARN par des ARN polymérases ARN-dépendantes (RdRP) (Garcia-Ruiz et al. 2010). Les transgènes, dont les ARNm sont détectés comme étant exogènes, sont aussi souvent réprimés par cette réponse ARNi. Cependant, les transcrits endogènes (Vaistij et al. 2002, Himber et al. 2003), et plus particulièrement les cibles de miARN (Howell et al. 2007), sont rarement réprimés par les

siARN. Plusieurs groupes se sont récemment intéressés au mécanisme protégeant les ARNm endogènes de la dégradation par les siARN chez la plante. Il a été démontré que SKI2 est requis pour la dégradation des fragments 5’ des ARNm clivés par le miRISC, ce qui empêche la production de siARN, et la répression des gènes endogènes (Branscheid et al. 2015). Cette voie, appelée voie des siARN agissant en trans (ta-siARN), s’apparente à la voie des piARN chez les animaux car elle implique une étape primaire de ciblage suivie d’une étape secondaire d’amplification dépendante d’ARN polymérase dépendante de l’ARN (RdRP) (Chen 2012). Certains liens ont aussi été tirés entre la voie des ta-siARN et celle des miARN. Chez C. elegans, un miARN, miR-243, est capable de déclencher la production de siARN secondaires via l’Argonaute RDE-1 lorsqu’il lie sa cible de façon parfaitement complémentaire (Correa et al. 2010). miR-243 est aussi détecté par séquençage des courts ARN associés à ALG-1 immunoprécipité (Brown et al. 2017), mais le mécanisme décrit ci-haut semble spécifique au miRISC miR-243-RDE-1, et n’a jamais été décrit pour les miARN associés à ALG-1 et ALG-2. Les fonctions de l’orthologue de DDX60 chez C. elegans, C28H8.3, ne sont pas connues, mais sa protéine a été détectée lors d’immunoprécipitations d’ALG-1 et lors de nos purifications de miARN matures (Figure 2.3) (Zinovyeva et al. 2015). Il serait intéressant de vérifier si C28H8.3 fait partie du complexe exosome du nématode, et si ce dernier contribue à la dégradation des cibles de miARN, ou empêche la production de siARN à partir des cibles du miRISC ALG-1/2. Étant donné que les miARN chez C. elegans ne clivent pas leurs cibles, mais induisent leur déadénylation, l’extrémité 3’ résultante pourrait en principe être ciblée par l’exosome cytoplasmique.

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