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Dans le récit, le « méchant » occupe principalement la fonction d’opposant. Toutefois, la représentation du personnage dans l’entièreté de l’œuvre permet de déceler différents rôles qu’il peut occuper. Dominique Sipière propose cinq fonctions inhérentes au personnage « méchant » dans les séries télévisées et au cinéma, soit narrative, morale, spéculative, pédagogique et référentielle10.

8 Linda Seger, Créer des personnages inoubliables, Paris, Éditions DIXIT, 2005, p.127 9 id.

10 Dominique Sipière, « À quoi servent les méchants ? », dans Karine Hildenbrand et Christian Glutenben, Le

méchant à l’écran : les paradoxes de l’indispensable figure du mal, Paris, L’Harmattan, (Collection Cycnos,

3.1 La fonction narrative

D’un point de vue narratif11, le méchant sert de moteur à l’intrigue qu’il engendre par les

actions qu’il entreprend pour atteindre son objectif. Linda Seger appuie ce propos parce qu’elle considère le rôle du « méchant » d’une importance capitale dans une série où l’intrigue et le suspense règnent, car il doit être un personnage actif, voire proactif, pour avoir sa place au sein de la série12. Pretty Little Liars, la série de I. Marlene King, est un exemple

de l’utilisation d’un méchant dans un but narratif. Les quatre héroïnes reçoivent les messages textes troublants de « A », personnage inconnu, qui force les quatre adolescentes à se placer dans des situations dangereuses afin d’éviter qu’il révèle leur secret. Au fil des sept saisons, elles agissent en détective pour rassembler des preuves afin de connaître l’identité de « A » et ainsi mettre un terme au chantage qu’elles subissent.

3.2 La fonction morale

La fonction morale13, pour sa part, implique l’idée que les personnages obtiennent une

sanction ou une récompense lorsqu’ils posent des actions. Au plus simple, les « méchants » sont punis par leur mauvais comportement alors que les « gentils » s’en sortent victorieux. Cette fonction se retrouve dans toutes les séries puisque chaque action entraîne une conséquence qu’elle soit positive ou négative pour le ou les personnages. Mais elle est davantage visible dans les séries fantastiques où le Bien et le Mal sont en constante opposition. Dans ces univers manichéens, à l’issue de l’ultime combat, un clan doit sortir

11 id.

vainqueur, et généralement le Bien triomphe. Que l’on prenne Buffy (Buffy The Vampire

Slayer) ou les sœurs Halliwell (Charmed), leurs efforts sont gagnants chaque saison où elles

réussissent à vaincre leur adversaire et terminent leur histoire par la destruction du Mal absolu pour ainsi vivre paisiblement. Les méchants sont punis par leur mort pour avoir agi de manière machiavélique alors que les gentils obtiennent leur récompense en ayant une vie tranquille.

3.3 La fonction spéculative

La fonction spéculative14, quant à elle, sert à semer un doute, un mystère ou un suspense dans

les séries par l’utilisation d’un « méchant » ambiguë où le téléspectateur se questionne sur les intentions du personnage. Le mystère qui l’entoure crée un engouement autour de la série et des autres protagonistes, car le public cherche les indices dans les épisodes qui pourraient leur fournir une réponse. Sur les réseaux sociaux de Twitter, Instagram et Facebook de Pretty

Little Liars, il est possible de constater, tout au long des sept saisons, un nombre important

de discussions, de spéculations et de théories qui entourent l’identité de « A » montrant l’attachement et l’investissement des téléspectateurs envers la série. Les nombreuses intrigues entremêlées et l’apparition de plusieurs personnages dont les actions frôlent l’illégalité confondent le public semaine après semaine afin de révéler au compte-goutte des informations pour découvrir qui se cache derrière « A. » La création de « méchants » complexes qui ne sont ni foncièrement mauvais ou bons participent à cette dualité par l’ambivalence de leurs émotions et de leurs actions. L’exemple de Cole Turner (Charmed), partagé entre le Bien et le Mal, illustre ce propos. D’un côté, il se dévoue corps et âme pour

protéger Phœbe, son amante, mais de l’autre concocte des plans machiavéliques pour lui dérober le pouvoir qu’elle partage avec ses sœurs.

3.4 La fonction pédagogique

Pour Dominique Sipière, l’utilisation d’un méchant permet de traiter de certaines atrocités qui se produisent dans le monde. Elle aurait donc, dans ce cas, une fonction pédagogique15.

Les séries 13 Reasons Why et Fugueuse, diffusées dans les dernières années, rendent compte des réalités du viol, du suicide et de l’exploitation sexuelle. Bryce (13 Reasons Why) et Damien (Fugueuse), personnages froids et antipathiques, violentent et abusent des personnages féminins. Sans aucune censure, la création de scènes violentes témoigne de cette réalité présente dans les sociétés et souvent peu dénoncée par les victimes. L’impact de ces personnages violents crée de vives discussions sur les réseaux sociaux, à la télévision dans des émissions de discussions et même dans les écoles. Dans le cas de ces séries, l’ajout de contenu d’informations et de références permet de sensibiliser les téléspectateurs sur le phénomène.

3.5 La fonction référentielle

Finalement, la fonction référentielle16 sert à la représentation de personnages marquants de

notre histoire. Selon les recherches effectuées, le scénariste développe le rôle de chacun des personnages selon la personnalité qu’il choisit de leur donner. De cette manière, il est alors possible de redorer une image ou, au contraire, de présenter une figure plus sombre d’une

même personne. La série The Reign (2013-2017), diffusée sur CW, romance l’histoire de Marie Stuart, reine d’Écosse, qui se marie à François, futur roi de France. À la suite des prophéties de Nostradamus, la reine Catherine de Médicis se met en quête de nuire à Marie pour empêcher cette union. Malgré le peu d’informations factuelles concernant le tempérament de Catherine de Médicis, plusieurs historiens la décrivent comme opportuniste, irascible et assoiffée de pouvoir alors que pour d’autres, elle est tout le contraire, en partie à cause de sa philosophie de tolérance civile en ce qui concerne la guerre entre les protestants et les catholiques. Bien que le scénario ne reflète pas totalement la réalité historique, les scénaristes se sont servis des traits difficiles de Catherine de Médicis pour créer l’antagoniste de Marie Stuart, et ce, durant les premières saisons. Cependant, l’arrivée d’un nouveau personnage, la reine Élisabeth 1re, modifie le rôle de Catherine de Médicis au sein de la série

devenant ainsi l’adjuvant de Marie Stuart, en guerre contre la reine d’Angleterre. De cette manière, les scénaristes ont pu montrer différents visages de cette figure historique du seizième siècle.

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