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INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

II.2. Les fonctions biologiques des protéoglycanes :

II.2.2. Fonctions des protéoglycanes dans les tissus conjonctifs :

II.2.2.1. Protéoglycanes membranaires portant des chaînes d’héparanes sulfates, les syndécans :

Les syndécans sont des PGs transmembranaires présents à la membrane plamique des cellules et jouant des rôles fonctionnels importants en raison de leur localisation à l’interface

cellule-matrice. Il s’agit d’une famille de PGs comptant quatre gènes distincts, SDC1 (Saunders

et al., 1989), SDC2 (Marynen et al., 1989; Pierce et al., 1992), SDC3 (Carey et al., 1992; Gould

et al., 1992) et SDC4 (David et al., 1992; Kojima et al., 1992), qui codent des protéines core

avec un seul domaine transmembranaire, un domaine N-terminal extracellulaire et un domaine C-terminal intracellulaire (Figure 6A) (Couchman, 2010).

Le domaine extracellulaire, ou ectodomaine, est un domaine à faible homologie de séquence au sein d’une même famille de syndécans (entre 10 et 20%), ce qui explique que les syndécans ont la propriété d’interagir avec une grande diversité de protéines effectrices ou de ligands (Figure 6B) (Choi et al., 2011). Les interactions des syndécans avec les protéines effectrices impliquent dans de nombreux cas les chaînes de HS du PG (entre 2 à 5 chaînes) et dans certains cas des chaînes de CS. Le domaine extracellulaire contient également un site spécifique de clivage protéolytique, permettant sa libération dans la matrice suite à l’action de différentes protéases. Dans la matrice, la forme soluble du PG joue un rôle régulateur important dans divers processus physiopathologiques, comme c’est le cas dans certains cancers. Par exemple, la présence de syndécan 1 soluble favorise la croissance tumorale du myélome (Yang et al., 2002). Dans ces cellules, le syndécan 1 soluble est capable d’interagir avec le VEGF par l’intermédiaire des chaînes de HS. Ce complexe est reconnu par l’intégrine αvβ3 (connue pour son rôle dans l’angiogenèse et l’activation endothéliale) et par le récepteur VEGFR2, favorisant la croissance tumorale (Purushothaman et al., 2010). Dans le cas du syndécan 2, la forme soluble du PG interagit avec le récepteur CD148 (un récepteur à activité tyrosine phosphatase) qui est responsable de la déphosphorylation de l’intégrine β1. L’enlèvement du groupement

Tableau 5 – Exemples de ligands et fonctions biologiques des syndécans.

Ligands Fonctions biologiques Références

Molécules matricielles

Fibronectine

Laminine-5

Vitronectine

Adhésion cellulaire

Adhésion et migration cellulaire

Adhésion cellulaire (Xian et al., 2010) (Klass et al., 2000) (Bachy et al., 2008) (Ogawa et al., 2007) (Wilkins-Port et al., 2003) Cytokines Ostéopontine IL-1

Prolifération des chondrocytes Arthrite inflammatoire (Shimo et al., 2004) (Wang et al., 2011) (Korb-Pap et al., 2012) Facteur de croissance FGF-2 TGF-β-1 Prolifération et cicatrisation

Cicatrisation, régénération tissulaire

(Clasper et al., 1999) (Mukhopadhyay et al., 2010) (Sebestyén et al., 2000) (Worapamorn et al., 2001)

42 phosphate provoque l’inactivation de l’intégrine β1 et induit l’inhibition de l’angiogenèse (Rossi et al., 2014). En revanche, le syndécan 2 membranaire favorise l’angiogenèse en jouant le rôle de corécepteur pour des facteurs de croissance comme le VEGF (Chen et al., 2004a). Le clivage du domaine extracellulaire de ce syndécan aurait donc un rôle régulateur dans le processus angiogénique.

Le domaine cytoplasmique du PG membranaire est composé de deux régions conservées (appelées C1 et C2) séparées par une séquence variable (notée V) qui est propre à chaque famille de syndécans (Figure 6) (Iozzo and Schaefer, 2015). Le domaine cytoplasmique comprend également une séquence tétrapeptidique, nommée EFYA

(Glutamate-Phenylalanine-Tyrosine-Alanine), qui peut fixer des protéines ayant un domaine PDZ (Post synaptic density

protein), comme la synténine-1 (Grootjans et al., 1997) ou la synectine (Tkachenko Eugene et al., 2006). Ces interactions, entre les syndécans et les protéines PDZ, vont intervenir dans les mécanismes d’adhésion et de migration cellulaire. Par exemple, l’interaction entre le syndécan 4 et la synectine permet d’initier une cascade de signalisation qui conduit à l’activation de Rac1 (une Rho-GTPase). L’activation de cette protéine favorise la migration cellulaire des cellules endothéliales (Cheng et al., 2016; Tkachenko et al., 2006).

Les chaînes de GAGs portées par les syndécans jouent un rôle important dans l’activité biologique de ces PGs. Comme nous l’avons dit précédemment, les HS interagissent avec de nombreux ligands tels que des facteurs de croissance, comme le FGF-2 ou le TGF-β (Transforming Growth Factor β), des cytokines (ostéopontine, interleukine-1 (IL-1)) ou encore des molécules matricielles (fibronectine, laminine, etc). Les principaux ligands des syndécans et leurs fonctions biologiques sont présentés dans le tableau 5. Des études ont montré des interactions entre les syndécans et les laminines, dont la laminine-5 (ou laminine-332) qui est une isoforme majeure au niveau de la membrane basale de la peau (Sugawara et al., 2008). La laminine-5 est composée de trois chaînes protéiques (α3, β3 et γ2). Un domaine de la chaîne α3

(domaine LG1-3 ; LG : Large globular) interagit avec les syndécans 2 et 4 pour favoriser

l’adhésion cellulaire (Utani et al., 2001). Il a également été montré que l’ectodomaine du syndécan 2 interagissait avec le TGF-β. Ces interactions permettent de réguler certaines fonctions biologiques du TGF-β, comme son implication dans la fibrose (Chen et al., 2004b; Lichtman et al., 2016).

II.2.2.2. Petit protéoglycane matriciel portant une chaîne de chondroïtine/dermatane sulfate, la décorine :

Figure 7 – Modèle putatif de l’assemblage des fibres de collagène en présence ou absence de décorine (Miyake et al., 2014).

(A) La décorine fixe directement le tropocollagène et aide à former les fibrilles de collagène. Avec les chaînes de CS/DS, les fibrilles pourront former les fibres de collagène. (B) Représentation schématique de la structure de la fibre de collagène chez une souris saine (état physiologique) et chez une souris déficiente en décorine (Danielson et al., 1997).

Tableau 6 – Listes des fonctions physiologiques et pathologiques associées à la décorine.

Mécanismes et pathologies impliquant la décorine Références

Adhésion et migration cellulaire (Ferdous et al., 2010)

Asthme (Marchica et al., 2011)

Cicatrisation et angiogenèse (Järveläinen et al., 2006) (Neill et al., 2012) (Neill et al., 2013) (Järveläinen et al., 2015) Fibrillogenèse des collagènes (Rühland et al., 2007)

(Seidler et al., 2005) (Ferdous et al., 2008)

Infarctus du myocarde (Weis et al., 2005)

Initiation de l’immunité et de l’inflammation (Merline et al., 2011) (Seidler et al., 2011) (Bocian et al., 2013)

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protéique central riche en leucine, nommée LRRs (Leucine Rich Repeats). La décorine possède

une unique chaîne de GAG de type CS/DS au niveau de l’extrémité N-terminale de la protéine

core. La protéine core de la décorine est une métalloprotéine à zinc de 40 kDa qui interagit avec

les fibrilles de collagène dans les MEC (Figure 7A) (Keene et al., 2000; Scott, 1988). Cette interaction permet de maintenir une organisation structurale fonctionnelle du réseau de collagène dans les matrices (Raspanti et al., 2008; Rühland et al., 2007). Chez des souris déficientes en décorine, les fibrilles de collagène présentent une organisation anormale dans la peau et les tendons. Ces phénotypes sont proches de ceux qui ont pu être observés chez les patients atteints de SED (Figure 7B) (Byers and Murray, 2014; Danielson et al., 1997).

La pertinence du modèle de souris déficiente en décorine ne s’est pas limitée au cas des SED. Des liens entre la décorine et d’autres pathologies pouvant être associées à la mécanique cellulaire (exemple : l’adhésion et la migration cellulaire, la cicatrisation et l’angiogenèse) ont pu être établis dans la maladie de Lyme, l’asthme, les infarctus du myocarde (Brown et al., 2001; Marchica et al., 2011; Weis et al., 2005). Une liste non exhaustive des implications physiopathologiques de la décorine est présentée dans le tableau 6.

Pour conclure sur cette partie, nous voyons par ces deux exemples de PG membranaire et matriciel que les PGs jouent des rôles structuraux et fonctionnels très importants dans le maintien de l’architecture tridimensionnelle de la matrice des tissus conjonctifs et dans la régulation des mécanismes de signalisation intra- et intercellulaire. Pour preuve, des modifications de leurs structures (et donc de leurs fonctions) sont associées à l’apparition et au développement de pathologies.

Nous proposons de nous focaliser sur l’étude des voies de biosynthèses des PGs et de leurs chaînes de GAGs qui vont être présentées plus en détail dans la partie qui suit avec un focus sur l’une des GTs impliquées dans les étapes précoces de biosynthèse des GAGs, la β3GalT6, qui fait l’objet de ce travail.