• Aucun résultat trouvé

Fonctions composées

Dans le document UNE INVITATION AUX MATHEMATIQUES (Page 120-124)

5.5.1 Définition

Nous avons montré que les polynômes, ainsi que les fonctions trigonomé-triques sont dérivables et nous avons établi des formules pour leur dérivée. Mais quelle est la dérivée de sinx2? J’espère que vous le savez depuis le lycée, mais avec ce que j’ai fait dans ce cours, vous n’êtes pas encore à même de démontrer que la fonction sinx2 est dérivable et encore moins de calculer sa dérivée. Il serait temps de remédier à cette situation. Pour cela, je dois d’abord rappeler la définition de “fonction composée”. Soitg:y∈D07→g(y)∈Retf :x∈D→R deux fonctions numériques telles que f(D)⊂D0. On définit alors une nouvelle fonction g◦f : D → R par (g◦f)(x) = g(f(x)). Par exemple, en posant D =D0 = R et g(y) = siny, f(x) = x2, on a (g◦f)(x) = sinx2. De même, avec f : x ∈]−1,+∞[7→ f(x) = (x+ 1) et g : y ∈ R+ 7→ g(y) = lny, on a (g◦f)(x) = ln(x+ 1). On voit ici la nécessité de restreindre le domaine def à l’intervalle]−1,+∞[, pour assurer quef(x)>0, puisque la fonction logarithme n’est définie que sur R+. Il faut remarquer que j’ai choisi des noms différents pour la variable de la fonction f et celle de la fonction g. C’est très pratique pour éviter des confusions et en tout cas cela vient automatiquement dans les applications où la notion de fonction composée arrive tout naturellement. Par exemple, si je connais pour le trajet en voiture de Lille à Grenoble, la hauteur H(x)au dessus de la mer en fonction de la distancexparcourue à partir de Lille (C’est marqué sur une bonne carte routière), et si je connais aussi la distance parcourue d(t)en fonction du temps t (Je n’ai qu’à regarder mon odomètre), alors je peux déterminerH(d(t)), la hauteur à laquelle je me trouve à l’instant t. Je calcule donc ainsi la fonction composéeH◦d.

5.5.2 Continuité des fonctions composées

Proposition 5.14. Soit f : D → R et g : D0 → R deux fonctions continues telles que f(D) ⊂ D0. Alors g◦f est continue. Plus généralement, si f est continue en x et si g est continue en y =f(x), alors g◦f est continue en x. En particulier, on a

xlimxg(f(x)) = lim

yyg(y) =g(y). (5.7) Démonstration* :Il s’agit d’un bon exercice de manipulation de epsilon-delta.

Il faut montrer que, quelque soit >0, il existeδ >0tel que, pour toutx∈D on a

|x−x|< δ⇒ |g(f(x))−g(f(x))|< . (5.8) On sait quegest continue eny=f(x). Donc, on sait que, quelque soit1>0, il existe δ1>0tel que, pour touty∈D0 on a

|y−y|< δ1⇒ |g(y)−g(y)|< 1. (5.9) On sait aussi que f est continue enx. Par conséquent, quelque soit2>0, il existeδ2>0tel que, pour chaquex∈D on a

|x−x|< δ2⇒ |f(x)−f(x)|< 2. (5.10) Soit donc >0un réel positif quelconque. Posons1=dans (5.9) et 21

dans (5.10). On obtient alors, en enchaînant ces implications qu’il existeδ2>0 tel que pour chaque x∈Don a

|x−x|< δ2⇒ |f(x)−f(x)|< δ1⇒ |g(f(x))−g(f(x))|< , (5.11)

ce qu’il fallait démontrer. 2

Exercice 5.15. Les affirmations suivantes, sont-elles vraies ou fausses ? (i) Soientf, g:RR, gétant continue, mais pasf. Alors(g◦f)n’est pas continue.

(ii) Soient f, g : RR, g étant continue, mais pasf. Alors (f ◦g) n’est pas continue.

Solution :Les deux affirmations sont fausses (contrairement à ce que de nom-breux étudiants affirment régulièrement) ! Pour (i), on peut par exemple prendre g(x) = 3,f(x) =H(x), oùH est la fonction de Heaviside.

5.5.3 Dérivabilité des fonctions composées

Proposition 5.16. Soit f : D → R et g :D0 → R deux fonctions dérivables telles que f(D) ⊂ D0. Alors g ◦f est dérivable. Plus généralement, si f est dérivable en x et si g est dérivable eny=f(x), alorsg◦f est dérivable en x et on a

(g◦f)0(x) =g0(f(x))f0(x). (5.12)

La démonstration de ce résultat est un peu plus délicate que celle de Propo-sition 5.14, bien qu’elle ne fasse pas intervenir des epsilons ou des deltas. Avant de la donner, je vous propose un argument incomplet qui permet de comprendre d’où sort l’importante et très utile formule (5.12). On a, en effet

(g◦f)0(x) = lim

Pourquoi ceci n’est pas une démonstration ? D’abord, j’ai divisé parf(x)−f(x), qui pourrait être 0pour certaines valeurs de x ∈ D, x 6= x et je n’ai pas le droit de diviser par 0. (Penser par exemple au cas où la fonction f est une constante !) Puis, dans la dernière étape de ce calcul, j’ai remplacé f(x)pary comme dans la formule (5.7) ce qui nécessite une justification. Je la donnerai dans la démonstration ci-dessous.

Démonstration* :Pour justifier le calcul ci-dessus, je fais appel au subterfuge suivant. Définissons une fonctionh:D0→Rpar

h(y) = g(y)−g(y)

ce qui montre précisément la continuité deheny. On montre alors facilement que, quelque soitx∈D, tel quex6=x on a

Si, par contre,x∈D, x6=x, maisf(x) =f(x), on a bien évidemment g(f(x))−g(f(x))

x−x = 0 =h(f(x))f(x)−f(x) x−x .

Il suffit maintenant d’appliquer à (5.13) la règle pour la limite d’un produit pour obtenir

ce qui est le résultat escompté. 2

5.5.4 Le nom des variables I

J’ai déjà insisté au début de cette section sur l’importance de donner des noms différents aux variables des fonctions g et f qu’on compose. Je veux dé-velopper un peu cette idée. Si x est la variable indépendante de f, on a tout naturellement y=f(x)comme équation du graphe def, qu’on dessinera donc dans le plan x-y. Si maintenant y est la variable indépendante de g, et que je veux tracer son graphe, il me faut un autre nom pour la variable dépen-dante, disons z. On aura z = g(y) pour l’équation du graphe de g, que l’on dessinera dans un plany-z. La fonction composéeg◦f a maintenantx comme variable indépendante etzcomme variable dépendante. Son graphe, d’équation z = (g◦f)(x)se dessine dans le planx-z! Pour comprendre tout cela, il suffit de penser à l’exemple H(d(t))au début de la section : les rôles dex,y, z sont joués dans ce cas par t, d et H respectivement. Il est maintenant très naturel d’écrire

Ici j’ai utilisé (5.12) et les notations dy

dx =f0(x), dz

dy =g0(y), qui sont très fortement suggérées par

z=g(y), y=f(x).

Pour des raisons mnémotechnique évidentes il est beaucoup plus facile de se souvenir de (5.14) que de (5.12). Ces notations sont en plus très utiles dans les calculs un peu concrets, et utilisées presque exclusivement par les physiciens, chimistes, économistes et autres utilisateurs des mathématiques. Il est donc bon de se familiariser avec elles et de bien comprendre le lien avec les notations un peu plus formelles et précises des livres de mathématiques standards.

Une suite à cette section se trouve dans la section 8.8.7.

Exercice 5.17. (i) Soientf, g, h:RRet considéronsk=h◦g◦f. En intro-duisant w=h(z), z=g(y), y=f(x), montrer avec une application judicieuse et répétée de (5.12) que

dw dx = dw

dz dz dy

dy dx. (ii) Calculer la dérivée de la fonction

x∈R7→sin(cos(expx2))∈R.

5.5.5 Le prolongement par continuité*

La fonctionf(x) = sinxx est définie (et continue) surD=R\ {0}=R. En effet, on n’a pas le droit de diviser par0. Or, nous avons vu que

xlim0

sinx x = 1,

ce qui suggère de définir une fonctionf˜:RRparf˜(x) =f(x)lorsquex6= 0 et f˜(0) = 1. De cette façon, la fonction f˜est continue en 0(et donc partout).

On dit quef˜est un prolongement def par continuité. En pratique, quand un mathématicien vous parle de la fonction sinxx, il entend par cela la fonction f,˜ puisqu’il sous-entend toujours le prolongement par continuité. Il s’avère que la fonctionf˜ainsi définie est infiniment dérivable surR, mais nous ne disposons pas encore des outils nécessaires pour le démontrer.

C’est précisément cette procédure de prolongement par continuité qui est utilisée dans la démonstration précédente ! En effet, la fonction

y∈D0\ {y} 7→g(y)−g(y) y−y ∈R

n’est à priori pas définie eny=yprécisément parce que je n’ai pas le droit de diviser par0. Or, commegest dérivable eny, on peut prolonger cette fonction eny par continuité et c’est précisément ce que j’ai fait dans la démonstration, où j’ai appelé l’extension obtenueh.

Dans le document UNE INVITATION AUX MATHEMATIQUES (Page 120-124)