• Aucun résultat trouvé

1.3 La famille de facteurs de transcription E2F

1.3.2 Fonctions biologiques des E2F

1.3.2.1 Les E2F et la progression de la phase G1/S du cycle cellulaire

L’implication des différents E2F au niveau du cycle cellulaire a été démontrée par différentes études de surexpression ou de délétion des différents membres. Par exemple, l’expression des E2F activateurs dans des cellules quiescentes force leur entrée en phase S du cycle cellulaire (Johnson et al., 1993a). À l’opposé, une perte simultanée de E2F1-3 dans des fibroblastes embryonnaires de souris est suffisante pour empêcher l’entrée de la phase S, ce qui bloque de façon permanente la prolifération (Wu et al., 2001). Fidèles à leurs fonctions opposées, l’expression de E2F4 et 5 dans des cellules en quiescence n’induit pas la phase S et leur délétion empêche la cellule de répondre à certains signaux d’arrêt du cycle cellulaire (Gaubatz et al., 2000; Lukas et al., 1996; Mann and Jones, 1996). Il est maintenant évident que la régulation de l’expression et de l’activité des E2F est dépendante du cycle cellulaire (Figure 19). Les E2F répresseurs sont actifs principalement au niveau de la phase G0 et G1. Leur liaison aux membres de la famille Rb permet une répression active

des gènes cibles par le recrutement des HDAC et le remodelage de la chromatine. Lorsque le cycle cellulaire progresse à la fin de la phase G1, des complexes cdk/cycline phosphorylent pRb, p107 et p130 et les inactivent. Ce phénomène de phosphorylation débute par le complexe Cycline D/cdk4,6, pour ensuite passer au complexe Cycline E/cdk2

Figure 19. Régulation de A) l’expression des E2F dans le cycle cellulaire et B) leur activités transcriptionnelles. Tirée de (Attwooll et al., 2004; Tsantoulis and Gorgoulis, 2005)

(Kato et al., 1993; Lundberg and Weinberg, 1998). Les E2F répresseurs sont remplacés par les E2F activateurs au niveau des différents promoteurs cibles impliqués dans la progression de la phase G1/S. Ces cibles incluent les régulateurs du cycle cellulaire permettant l’entrée de la phase S (Cycline E, c-Myb, CDK2, cdc25), des protéines impliquées dans l’assemblage du complexe de pré-réplication (ORC, MCM2-7, Cdc6) ainsi que les enzymes directement impliquées dans la synthèse de l’ADN (ribonucleotide réductase, thymidine synthase, DHFR) (Stevaux and Dyson, 2002a; Tsantoulis and Gorgoulis, 2005).

1.3.2.2 La fonction pro-apoptotique de E2F1

Le lien entre l’apoptose et la famille des E2F a été fait il y a plus de 15 ans. DeGregori et al. (1997) ont suggéré que bien que les trois E2F activateurs aient une fonction redondante au niveau de la progression du cycle cellulaire, E2F1 était le seul à pouvoir induire l’apoptose. Certaines études ont tout de même démontré la capacité de E2F2 et E2F3 à induire un certain niveau de mort cellulaire (Dirks et al., 1998) (Vigo et al., 1999b; Ziebold et al., 2001). Il a toutefois été démontré, par la délétion de E2F1 dans des souris transgéniques, que l’apoptose induite par E2F3 dépendait totalement d’E2F1 (Lazzerini Denchi and Helin, 2005). Cette capacité d’E2F2 et 3 repose donc probablement sur le mécanisme de transactivation existant entre les différents membres. E2F1 a la capacité d’induire l’apoptose par différents moyens classés de façon dépendante ou indépendante de p53, et ces différentes voies sont illustrées à la Figure 20 (Stanelle and Putzer, 2006). L’induction dépendante de p53 implique différents mécanismes. Premièrement, E2F1 peut induire l’expression de p14ARF qui a la capacité d’inactiver Mdm2, l’inhibiteur principal de p53 (Bates et al., 1998). Deuxièmement, E2F1 peut activer p53 via la voie d’ATM, qui est la voie de réponse aux dommages à l’ADN (Powers et al., 2004; Rogoff et al., 2004). Troisièmement, une interaction directe a été montrée entre E2F1 et p53 qui se ferait potentiellement par le domaine de liaison à la Cycline A de E2F1 (Hsieh et al., 2002). Finalement, E2F1 induirait la transcription de cofacteurs de p53 impliqués dans l’induction de l’apoptose, tels que p53ASPP1, ASPP2, JMY et TP53INP1 (Hershko et al., 2005). L’induction de l’apoptose indépendante de p53 consiste principalement en l’activation de la transcription directe de gènes pro-apoptotiques. E2F1 a la capacité d’augmenter l’expression de p73, APAF-1, les caspases 8 et 9 ainsi que les membres pro- apoptotiques de la famille BCL2, ce qui induit de façon efficace la mort cellulaire (Furukawa et al., 2002b; Hershko and Ginsberg, 2004; Moroni et al., 2001; Nahle et al., 2002b; Stiewe and Putzer, 2000a). E2F1 bloque aussi le signal anti-apoptotique de NF-

kappa B (Phillips et al., 1999). Il est toutefois intéressant de noter que, dans certains cas, le domaine de transactivation de E2F1 n’est pas nécessaire à l’induction de l’apoptose (Hsieh et al., 2002; Nip et al., 2001; Phillips et al., 1999). Des études plus récentes ont démontré l’importance du domaine « marked box » de E2F1 au niveau de sa fonction apoptotique et de l’accumulation de p73 et p53 (Hallstrom and Nevins, 2003).

Figure 20. Voies d’induction de l’apoptose par E2F1 dépendante et indépendante de p53. Tirée de (Stanelle and Putzer, 2006).

1.3.2.3 E2F1 et les points de restriction de dommages à l’ADN

La progression du cycle cellulaire est sous haute surveillance par la présence de points de restriction permettant à la cellule de s’assurer qu’une étape soit bien complétée

avant le début de la suivante. Un point de restriction peut aussi être activé lors du signalement d’une anomalie, comme, par exemple, la détection d’un dommage à l’ADN. Deux choix sont donc envisagés par la cellule : l’arrêt de la progression du cycle, afin de réparer les dommages, ou encore l’induction de l’apoptose dans le cas de dommages trop importants. Ces mécanismes sont donc essentiels à la viabilité de l’organisme et sont souvent inactivés dans les différents types de cancer où les cellules montrent une accumulation de mutations (Kastan and Bartek, 2004). Compte tenue de la double fonction de E2F1, la cellule semble avoir opté pour un mécanisme efficace et rapide en l’impliquant au niveau du point de restriction G1/S. Le lien entre les E2F et les points de restriction de dommage à l’ADN a été fait par des études à grandes échelles permettant d’établir le portait global des cibles transcriptionelles de ces facteurs de transcription (Ishida et al., 2001; Muller et al., 2001b). Différents promoteurs de gènes impliqués dans ce processus de protection cellulaire sont activés par E2F1, ce qui suggère un rôle central dans ce mécanisme de défense cellulaire. De plus, il a été observé que les niveaux protéiques de E2F1 augmentent de façon significative lorsque les cellules sont traitées avec des agents induisant des dommages à l’ADN (Huang et al., 1997; Lin et al., 2001b; Stevens and La Thangue, 2004). Cette augmentation serait due à une stabilisation de la protéine par phosphorylation impliquant les kinases ATR, ATM ou encore Chk2, qui sont les principaux médiateurs de la réponse aux dommages à l’ADN (Lin et al., 2001b; Stevens and La Thangue, 2003). La capacité d’E2F1 d’induire la progression de la phase G1/S ou l’apoptose prend tout son sens lorsque le contexte du dommage à l’ADN est abordé. Ces deux fonctions, bien que contradictoires, font en sorte qu’E2F1, étant présent en G1/S, est au centre de l’intégration des signaux lui permettant de réagir rapidement en cas de problèmes.