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CHAPITRE 6 DISCUSSION

6.1 COMPARAISON DES RESULTATS AVEC LES DONNEES DE LA LITTERATURE ET

6.1.1 Fonctionnement cognitif

En termes de fonctionnement cognitif, l’atteinte est caractérisée, puisque plus de la moitié (56,4%) des patients de notre échantillon présentent une détérioration des fonctions cérébrales supérieures, évaluées par le BNI. Ce chiffre correspond à ceux proposés par des études antérieures, qui estiment que les perturbations cognitives dans la SEP concernent 40% à 65% des patients (Amato et al., 1995 ; Fischer et al., 1994 ; Rao et al., 1991). Il est, également, similaire, aux résultats de certaines études qui, comme la notre, portent sur des formes de la SEP évoluant depuis moins de 5 ans (Lyon-Caen et al., 1986 ; Feinstein et al., 1992 ; Amato et al., 1995). Ces études concluent qu’un patient sur deux (50%) présente des perturbations aux tests psychométriques, suggérant, ainsi, une atteinte précoce.

Les erreurs les plus fréquemment commises par les sujets SEP au BNI concernent surtout la résolution de problèmes arithmétiques (calcul), les empans et la résolution d’une tâche de séquence visuelle, tâches qui font appel aux dimensions cognitives d’« attention-concentration » et de « fonctionnement visuo-spatial ». Les capacités d’orientation et de langage sont, par contre, relativement préservées.

Ces résultats vont dans le sens des travaux existants, selon lesquels 22 à 25 % des patients présentent une détérioration aux mesures de l’attention (Kujala et al., 1994) tant pour les modalités auditives que visuelles (Fischer et al., 1994 ; Deluca et al., 1993 ; Ron et al., 1991). En ce qui concerne l’altération des capacités visuo-spatiales, nous notons que, bien que celles-ci n’aient pas

176 été suffisamment évaluées dans le passé, elles semblent diminuées chez les patients atteints de SEP (Rao et al., 1991).

Ces troubles doivent être interprétés en fonction des signes cliniques, des troubles de la perception visuelle et auditive, de la fluidité verbale, de la capacité de raisonnement abstrait et surtout des troubles de la mémoire auxquels ils sont souvent intriqués. L’impact de la dépression et de la fatigue doit, également, être pris en compte dans leur interprétation.

Les résultats des 40 sujets SEP au BNI diffèrent significativement, d’un point de vue quantitatif, des résultats de la population saine chez laquelle Prigatano (1991) a validé cet outil. En effet, les sujets SEP commettent un nombre élevé d’erreurs sur les items examinés, qui conduit à un score déficitaire. Les sujets sains, en revanche, bien qu’ils rencontrent des difficultés aux mêmes items que la population SEP, y commettent beaucoup moins d’erreurs et présentent un fonctionnement cognitif satisfaisant. Il paraît, ainsi, que c’est d’un point de vue quantitatif que les deux populations se différencient et non d’un point de vue qualitatif, en fonction de la nature des erreurs.

Dans notre étude, nous ne trouvons pas de différence entre les performances des hommes (m = 45,93 σ = 2,60) et celles des femmes (m = 46,02 σ = 3,47) au BNI, conformément aux travaux de la littérature qui ne mettent pas en évidence une influence de la variable sexe sur les scores neuropsychologiques dans la SEP (Béquet et al., 2003 ; Amato et al., 1995). Prigatano (1991), de son côté, lors de la validation du BNI chez 200 sujets sains, ne trouve pas non plus d’effet de sexe sur les résultats.

En revanche, nous trouvons un lien significatif entre l’âge du participant et ses performances au BNI, contrairement à Prigatano (1991) qui ne met pas en évidence une quelconque influence de la variable âge sur les résultats. Comment expliquer cette divergence ?

A notre avis, elle est probablement due à l’âge des participants. Dans notre étude, l’âge maximum est de 55 ans, tandis que dans celle de Prigatano, 50% des sujets sains examinés sont âgés de plus de 55 ans. Etant donné qu’à partir de cet âge le déclin cognitif est favorisé par des facteurs biologiques, il se peut que cette différence d’âge entre les deux populations ait conduit à des résultats différents.

Nous trouvons, enfin, que les sujets dont le niveau d’études est faible présentent au BNI des performances diminuées tant par rapport aux sujets qui ont un niveau d’études supérieur, que par rapport aux sujets qui ont un niveau d’études moyen. Prigatano (1991) de son côté, met, comme

177 nous, en évidence une corrélation positive significative entre les performances au BNI et le niveau d’études.

Hormis l’évaluation des fonctions cérébrales par le BNI, que nous venons d’exposer, d’autres éléments viennent appuyer notre hypothèse d’une atteinte cognitive précoce dans la sclérose en plaques.

Nous avons, précisément, procédé à une comparaison entre les 40 patients SEP de notre échantillon et un groupe de 40 sujets sains, sur un ensemble de tâches cognitives : mémoire (rappel et reconnaissance), fluidité verbale, pensée divergente, décision lexicale, traitement de l’information.

Les résultats ont démontré que les sujets atteints de SEP présentent des performances significativement plus faibles que les sujets sains dans les tâches de la fluidité verbale, de la pensée divergente, du rappel (TSVP) et du rappel libre des mots. Ils sont, en outre, significativement plus lents lors du traitement de l’information.

Ces conclusions rejoignent les travaux de la littérature existants :

En effet, en ce qui concerne le rappel libre, des études antérieures (Lyon-Caen et al., 1986 ; Rao et al., 1991 ; Ruggieri et al., 2003) ont démontré que les performances dans la SEP sont significativement diminuées par rapport à celles des sujets témoins. La détérioration dans ce domaine concerne près de 20 à 42% des patients (Rao et al., 1991 ; Minden et al., 1990 ; Beatty et al., 1988 ; Fischer, 1988). Les troubles de la mémoire correspondent à la plainte la plus souvent rapportée et la plupart de travaux confirment leur fréquence élevée, ainsi que leur apparition précoce dans la maladie (Marié et Defer, 2000 ; Lyon-Caen et al., 1986 ; Truelle et al., 1987 ;Beatty, 1993).

Dans notre étude, nous trouvons, en effet, que les patients SEP sont déficitaires lors du rappel libre des mots et qu’ils sont moins performants que les sujets sains au rappel d’une information récemment apprise (TSVP).

Conformément à des études précédentes (Montreuil et Jouvent, 1989), nous n’observons pas d’effet de sexe ou d’âge sur le rappel au TSVP. En revanche, il existe un effet de la variable âge sur le rappel libre des mots. Précisément, plus le participant est âgé, moins ses performances seront bonnes lors du rappel libre des mots à connotation négative (r = - 0,32, p < .05) et plus il présentera des intrusions lors de cette même épreuve (r = 0,37, p < .05).

Les déficits des sujets SEP au rappel pourraient être liés à des facteurs dépressifs ou anxieux, eux-mêmes générateurs de perturbations mnésiques. Toutefois, dans notre étude, les perturbations constatées à ce niveau ne sont pas corrélées à la dépression ou à l’anxiété.

178 La reconnaissance d’une information récemment apprise peut être détériorée dans la SEP, mais d’habitude moins que le rappel libre (Ron et al., 1991 ; Minden et al., 1990). Dans notre étude, il n’existe pas de détérioration à ce niveau chez les sujets SEP, puisque leurs performances ne diffèrent pas de celles des sujets sains à la partie « reconnaissance » du TSVP.

L’altération des performances que nous constatons au niveau de la fluidité verbale, n’est pas surprenante. Les travaux de la littérature montrent que celle-ci est atteinte chez les patients SEP (Caine et al., 1986 ; Rao et al., 1991). Nous trouvons, en outre, une corrélation positive et significative entre fluidité verbale et niveau d’études : plus le niveau d’instruction du participant est élevé, plus son score à la fluidité verbale est élevé.

En ce qui concerne la pensée divergente, considérée en partie comme une activité cognitive (Lubart, 1994), les résultats montrent que les patients SEP sont moins créatifs que la population saine.

Contrairement à la littérature, qui présente les femmes comme plus créatives que les hommes (Averill, 1999), nous ne trouvons pas, dans notre étude d’effet de sexe. Il n’existe pas, non plus de corrélation avec l’âge, le handicap fonctionnel ou l’ancienneté de la maladie.

Il existe, en revanche, une corrélation positive entre la créativité émotionnelle et le niveau d’instruction : plus le sujet est instruit, plus le nombre de solutions créatives, qu’il propose pour la résolution d’un problème à composante émotionnelle, est élevé.

Nous observons chez les SEP un ralentissement dans les temps du traitement de l’information. Des travaux antérieurs ont, en effet, démontré que les processus de décision sont altérés dans la SEP (Kleeberg et al., 2004) et que près de 25% de patients SEP présentent un ralentissement dans le traitement de l’information, sans que cette altération soit nécessairement en relation avec la complexité de la tâche (Jennekens-Schinkel et al., 1988).

Dans notre étude, ce ralentissement est particulièrement évident dans la tâche de décision lexicale. Il s’agit d’une épreuve qui nous permet d’évaluer la vitesse du traitement de l’information et indirectement, les capacités d’attention, de perception et de mémoire.

Les performances à la décision lexicale sont influencées par le sexe et le niveau d’études des participants. Ainsi, les femmes (m = 17,88, σ = 0,33) sont plus performantes que les hommes (m = 17,53, σ = 0,64) lorsqu’il s’agit d’identifier des mots à connotation émotionnelle négative (δ = 0,35, t = 2,26, p<.05). De l’autre côté, plus le niveau d’instruction du sujet est élevé, plus ses

179 performances dans cette tâche sont satisfaisantes et moins il met de temps pour traiter l’information et prendre sa décision.

Enfin, nous notons que, sur l’ensemble des tâches cognitives, nous n’observons pas de lien significatif entre les performances des sujets et l’ancienneté de la maladie. Dans la littérature il ne semble pas, non plus, exister de lien systématique entre l’aggravation des déficits cognitifs au fil du temps et la durée de la maladie (Pelletier et al., 2000 ; Lyon-Caen et al., 1986 ; Amato et al., 1995, 2001 ; Béquet et al., 2003).

L’ensemble des résultats présentés ci-dessus, nous permet de soutenir que l’atteinte cognitive est plutôt globale dans cet échantillon de 40 patients SEP, contrairement à ce qui est soutenu dans la littérature où l’atteinte apparaît d’habitude circonscrite, limitée à certaines fonctions (Hutchinson et al., 1996 ; Basso et al., 1996).

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