• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 6 DISCUSSION

6.1 COMPARAISON DES RESULTATS AVEC LES DONNEES DE LA LITTERATURE ET

6.1.5 Conception de Soi Réel chez les sujets SEP

Nous avons trouvé des corrélations significatives entre les grands facteurs de la personnalité - examinés par le questionnaire qui porte sur la Conception de Soi - et les variables émotionnelles de notre étude.

Dans la littérature, il existe très peu de travaux portant sur les liens entre les grandes dimensions de la personnalité et les émotions. Quand ceci a été le cas, les travaux ont surtout porté

193 sur l’extraversion et le neuroticisme (versus stabilité émotionnelle), tandis que les dimensions agréabilité, ouverture et caractère consciencieux ont beaucoup moins été abordées.

Dans la littérature, l’extraversion est le facteur le plus intimement lié au traitement émotionnel de l’information (Luminet et Vermeulen, 2004) et un grand nombre d’études mettent au premier plan la « capacité à ressentir des émotions positives » comme caractéristique principale des sujets extravertis (Watson et Clark, 1992 ; Watson et Tellegen, 1985 ; Tellegen, Lykken, Bouchard et al., 1988). D’autres recherches (Larsen et Diener, 1987 ; Williams, 1989) ont mis en évidence des corrélations positives et significatives entre l’extraversion et l’intensité affective.

Nous confirmons les travaux de la littérature dans notre étude des 40 sujets SEP. Nous trouvons, en effet, une corrélation positive et significative entre l’extraversion et l’intensité affective. L’extraversion corrèle également avec l’affectivité positive, une dimension de l’intensité affective qui concerne la capacité à ressentir intensément les émotions positives. Cette corrélation entre extraversion et affectivité positive est loin d’être surprenante, puisque la principale caractéristique des extravertis est leur capacité à ressentir des émotions positives. Selon certains auteurs, même, l’affectivité positive constitue une dimension du concept de l’extraversion (Luminet et Vermeulen, 2004).

A côté de ces résultats, nous trouvons un lien entre extraversion et expressivité émotionnelle, qui a, déjà, été démontré dans le passé par Kring et al. (1994), lors de la validation de l’échelle d’expressivité émotionnelle (EES) que nous avons, nous-mêmes, utilisée dans notre protocole de recherche. Etant donné que l’expressivité émotionnelle reflète la capacité d’un individu à exprimer ouvertement ses émotions, nous ne sommes pas étonnés de constater ses liens avec l’extraversion : les sujets extravertis sont ouverts vers l’extérieur et expriment ouvertement leurs émotions.

Nous observons, enfin, des corrélations négatives significatives entre l’extraversion et l’alexithymie qui rejoignent les résultats des travaux antérieurs. En effet, dans un grand nombre de recherches, l’alexithymie est négativement corrélée à l’extraversion ou à une de ses facettes (Bagby, Taylor et Parker, 1994a ; Luminet et al., 1999 ; Haviland et Reise, 1996 ; Parker, Bagby et Taylor, 1989a). Ce résultat est compatible avec l’idée que les individus introvertis (faibles scores d’extraversion) sont perçus comme émotionnellement distants et éprouvent des difficultés à communiquer leurs émotions comme les individus alexithymiques.

En ce qui concerne le caractère consciencieux, nous trouvons que ce facteur corrèle positivement avec l’affectivité positive. Dans la littérature, le lien entre le caractère consciencieux et les émotions positives a, déjà, été établi (Costa et McCrae, 1980 ; McCrae et Costa, 1991 ; Watson

194 et Clark, 1992). Notre résultat souligne le fait que les sujets consciencieux ont tendance, non seulement d’éprouver des émotions positives, mais aussi d’éprouver celles-ci avec une grande intensité.

De l’autre côté, le facteur « caractère consciencieux » est négativement lié à l’anxiété-trait et à l’anxiété-état dans notre recherche. L’anxiété est un état émotionnel souvent perçu comme négatif ou, en tous cas, perçu comme impliquant une dimension plutôt désagréable. Dans ce sens, la corrélation négative entre anxiété et caractère consciencieux confirme l’étude de Abe et Izard (1999), qui ont montré que plus un sujet est consciencieux moins il est anxieux.

Enfin, conformément à la littérature, nous ne trouvons pas de lien significatif entre le caractère consciencieux et l’alexithymie (Bagby et al., 1994a) ou l’expressivité émotionnelle (Kring et al., 1994).

En ce qui concerne la dimension agréabilité, nous trouvons des corrélations positives avec l’intensité affective et ses dimensions, que nous avons, déjà, mises en évidence pour l’extraversion et le caractère consciencieux. Cette répétition des corrélations positives entre l’intensité affective et les grands facteurs de la personnalité va dans le sens de l’hypothèse selon laquelle l’intensité affective serait un concept multidimensionnel, lié à de nombreux traits de la personnalité (Larsen et Diener, 1987).

L’agréabilité est corrélée négativement à une seule dimension de l’alexithymie, l’« excitabilité émotionnelle » (BVAQ). Dans la littérature, Haviland et Reise (1996) trouvent également une relation négative entre l’alexithymie et le caractère agréable. En revanche, Bagby et al. (1994a), en utilisant la TAS-20 à la place de la BVAQ, ne trouvent pas de lien entre agréabilité et alexithymie. Nous ne trouvons pas, non plus, de corrélation significative entre la TAS-20 et le caractère agréable.

Enfin, conformément à Kring et al. (1994), nous ne trouvons pas de corrélation entre l’expressivité émotionnelle et le facteur « agréabilité ».

La dimension ouverture corrèle négativement avec l’alexithymie, conformément à la littérature. Bagby et al. (1994a) observent aussi une corrélation négative entre la TAS-20 et l’ouverture à l’expérience, qui n’est pas surprenante dans la mesure où l’ouverture à l’expérience implique des aspects liés à la vie fantasmatique et à l’attention pour la vie émotionnelle qui sont déficitaires chez les sujets alexithymiques.

Dans une autre étude (Luminet et al., 1999), deux facettes de la dimension « ouverture » apparaissent fortement et négativement liées à l’alexithymie. D’abord, un score élevé d’alexithymie est associé à un déficit dans l’ouverture aux sentiments et, ensuite, l’alexithymie est négativement

195 associée avec l’ouverture à l’action. Ces résultats suggèrent que les sujets peu ouverts et alexithymiques sont peu réceptifs au monde émotionnel, ressentent un nombre restreint d’expériences émotionnelles et éprouvent un manque d’intérêt pour les activités nouvelles, avec une préférence pour les aspects familiers et routiniers de l’existence.

En ce qui concerne, enfin, la stabilité émotionnelle (versus neuroticisme), cette dimension corrèle - dans notre étude - négativement et significativement avec l’anxiété-trait, la dépression, la réactivité négative, ainsi qu’avec deux dimensions de l’alexithymie : la capacité à identifier et à décrire les émotions. Ces résultats vont dans le sens de la littérature.

Différentes études montrent, en effet, que son versant, le neuroticisme est fortement et positivement corrélé avec les émotions négatives (Costa et McCrae, 1980 ; Watson et Clark, 1984) et que la propension à ressentir de façon plus intense les émotions négatives interfère également avec les processus de traitement de l’information émotionnelle (Costa et McCrae, 1992).

Un aspect dominant du neuroticisme concerne l’expérience chronique de l’anxiété (Eysenck, 1981), mais aussi de la dépression, puisque ce facteur de la personnalité comprend une facette liée à la dépression. Neuroticisme et dépression sont, en effet, positivement liés dans de nombreuses études (Clark, Watson et Mineka, 1994).

Ainsi, si le neuroticisme est positivement corrélé à la dépression, à l’anxiété et aux émotions négatives, il n’est point étonnant que son versant, la stabilité émotionnelle soit négativement corrélée à ces variables dans notre étude.

En ce qui concerne, enfin, les liens entre neuroticisme et alexithymie, ces deux variables semblent corréler positivement. Luminet et al. (1999) ont mené une étude qui s’intéressait aux liens entre l’alexithymie et les sous-dimensions, ou facettes, du modèle en cinq facteurs. Des analyses de régression ont permis de montrer que le neuroticisme, et plus particulièrement sa facette liée à la dépression, était positivement et fortement corrélé à l’alexithymie. Dans notre étude, les sujets qui se caractérisent par une grande stabilité émotionnelle, c’est-à-dire qui ont les scores les plus faibles de neuroticisme, présentent en effet les scores les plus faibles d’alexithymie.

Nous venons d’examiner les nombreux liens entre les dimensions de la personnalité, évaluées par le questionnaire qui porte sur la Conception de Soi, et les variables émotionnelles de notre étude. Toutefois, il nous semble nécessaire de procéder à certains commentaires qui peuvent mieux nous éclaircir sur la signification de nos résultats.

Ainsi, il nous semble que les liens significatifs que nous avons observés entre les facteurs de personnalité et les variables émotionnelles ne peuvent pas avoir une signification unique et ne

196 prédéterminent pas des comportements précis, mais plutôt d’une fourchette de réponses dans un spectre qui reste large. Nous ne pouvons, en effet, comprendre les relations entre personnalité et émotion, qu’en interaction dynamique, sans considérer qu’une réponse précède l’autre, et en considérant toujours de manière simultanée les caractéristiques de l’environnement.

En termes adaptatifs, par exemple, il n’est pas toujours souhaitable d’avoir un score très élevé dans une des dimensions, puisque ceci peut être, entre autres, signe d’un trouble de personnalité (Costa et Widiger, 1994).

Documents relatifs