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Chapitre II Dépôt de nanoparticules par technique NADIS

II. A.2 Fonctionnalisation des surfaces

Les propriétés de mouillage des surfaces et de la pointe sont les deuxièmes paramètres de contrôle de la taille du dépôt. Ces propriétés peuvent être modifiées en fonctionnalisant ces surfaces par des monocouches auto-assemblées.

Pour les dépôts, nous utilisons des substrats de silicium recouvert d’une couche d’oxyde de silicium. Tous les substrats comportent 9 réseaux d’électrodes d’or permettant de fabriquer les résonateurs mécaniques à nanotube de carbone. Ces réseaux nous permettent aussi de localiser les dépôts NADIS invisibles à l’optique. Le choix de ce type de surface est lié à la fois au process de fabrication des résonateurs mécaniques à nanotube de carbone mais aussi à la faible rugosité et la bonne planéité de la silice permettant une imagerie AFM précise des dépôts. Selon le critère empirique de Zisman

les surfaces des substrats et des pointes employées sont de haute énergie critique γc≈150 mN/m, ce

qui implique que les liquides mouillent fortement ces surfaces110. γc dépend essentiellement des

groupements de surfaces, il est donc possible de le diminuer en recouvrant uniformément la surface d’une couche de molécules abaissant l’énergie de surface.

50 L’efficacité de la fonctionnalisation de surface sur la pointe ou la surface, mais également l’observation par AFM des dépôts imposent une très grande propreté des surfaces. En effet, la qualité des images AFM des objets nanométriques à observer et ainsi leur identification sans ambigüité suppose que la surface ait une rugosité très inférieure à la taille des objets. Les surfaces sont donc nettoyées selon un protocole strict. Afin de protéger les substrats de diverses particules ceux-ci sont recouverts d’une résine protectrice à la fin de leur fabrication. Pour ôter cette résine et les éventuelles poussières, les substrats sont passés aux ultrasons dans trois solvants successifs, acétone VLSI (contamination métallique < 100ppb), isopropanol VLSI et eau désionisée, 15 min par solvant. Toutefois, les pointes ne devant pas être soniquées, elles ne passent pas par cette étape. Pour enlever la matière organique restante, les substrats et les pointes sont immergés dans une solution piranha (2 volumes d’acide sulfurique pour 1 volume d’eau oxygénée 30% en masse) pendant 15 min pour la pointe et 1 h pour les substrats. Passé ce délai les surfaces sont rincées à l’eau désionisée dans un bac à débordement, puis séchées avec une soufflette de diazote. Ce traitement piranha permet aussi de rendre les surfaces très hydrophiles par formation de groupements -OH.

Les fonctionnalisations sont faites dans la foulée pour éviter toute contamination des surfaces. Elles

sont réalisées dans un dessiccateur. Ce dessiccateur est surmonté d’un T, branché d’un côté sur une

rampe à vide permettant de faire des cycles vide/argon, et de l’autre sur une ampoule contenant les molécules sous forme liquide à déposer en phase gazeuse. Dans un premier temps, l’ampoule est isolée du dessiccateur par un robinet, pour effectuer trois cycles vide/argon, permettant d’évacuer le maximum d’air de l’enceinte, le dessiccateur est schématisé en Figure II-6. Une fois l’air évacué, l’enceinte est laissée sous vide dynamique pendant 1 h puis statique pendant 15 min, le robinet de l’ampoule ouvert. Il se forme alors une vapeur dont une partie des molécules s’auto-assemble en monocouche sur la surface.

Figure II-6 : Schéma d’un dessiccateur équipé pour un traitement de surface.

Nous avons utilisé deux traitements de surface différents pour la pointe : le dodécanethiol (CH3(CH2)11SH) et le perfluorododecanethiol (CF3(CF2)7CH2CH2SH). L’affinité du groupement avec l’or83

51 assure sa liaison avec la couche d’or et la chaîne carbonée ou fluorée hydrophobe à l’extrémité

apparente111 abaisse l’énergie de surface du substrat. Cette énergie de surface est de l’ordre de γc≈20

mN/m pour le dodécanethiol et de γc≈10 mN/m pour le composé fluoré. Les groupements thiols se

fixant exclusivement sur l’or, l’intérieur de la pointe et le canal décapés par la solution piranha resteront très hydrophiles, permettant à la solution de remplir complètement le creux et d’ensuite s’écouler à travers le canal lors des dépôts. La couche d’or préservée à l’extérieur de la pointe est donc recouverte d’une monocouche hydrophobe réduisant ainsi la taille du ménisque et celle des dépôts. La qualité du perçage par l’apex montre ici toute son influence, comme exposée dans le

paragraphe I.A.4.3, et réexposé ici :

Figure II-7: (a) dépôts de 400 nm de diamètre avec une ouverture de pointe de 200 nm hydrophobe et (b) dépôt de 800 nm de diamètre avec une ouverture de pointe de 80 nm de diamètre hydrophile105.

Pour ce qui est des substrats en silice, les molécules employées sont des silanes se chimisorbant sur les groupements silanols (Si-OH) de la surface. Les groupements présents à l’autre extrémité confèrent le caractère voulu à la surface. Nous avons choisi le

1H,1H,2H,2H-perfluorodécyltrichlorosilane (γc≈10 mN/m ), silane avec des groupements fluorés identiques à ceux

utilisés pour la pointe pour rendre la surface hydrophobe et l’aminopropyltriéthoxysilane (APTES), silane terminé par une amine qui abaisse l’énergie de surface et charge la surface positivement pour une interaction électrostatique avec des nanoparticules chargées négativement. Dans le cas de l’APTES, le temps de réaction nécessaire à la fonctionnalisation est beaucoup plus court : il est de 3 min en vide dynamique puis 30 s en vide statique contre 1H+15min pour les autres composés. Il est possible de vérifier le caractère hydrophile ou hydrophobe des surfaces après traitement, en mesurant l’angle de contact d’une goutte de solvant avec un goniomètre (DSA10, Krüss). Pour les

surfaces des substrats nous avons fait des tests avec de l’eau et obtenus des angles d’avancés (θav)

proches de 15° après un traitement piranha, un θav supérieur à 90° pour des traitements

perfluorodécyltrichlorosilane, et θav de 50° et un angle de reculée (θrec) de 12° pour le traitement

APTES. Ces angles (θav et θrec) correspondent aux angles de contact au niveau de l’ancrage de la

goutte sur la surface (ligne triple) lors de l’application d’une surpression sur la goutte (θav) ou d’une

dépression (θrec). Ces angles sont aussi observables lorsqu’une goutte se trouve sur un plan

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Figure II-8 : Schéma en a) de l'angle d'avancée lors d'une surpression sur la goutte, en b) de l'angle de reculée lors d'une dépression sur la goutte et en c) des deux angles pour une goutte sur un plan incliné.

La surface des pointes étant trop petite pour des mesures au goniomètre, nous avons utilisé des surfaces recouvertes d’or. Les tests ont été effectués avec de l’eau et du dibutylphthalate (DBPh) qui

est le solvant de nos dépôts. Son choix est expliqué dans la partie II.B.2 Les résultats sont présentés

dans le Tableau II.1 suivant :

Eau dibutylphthalate Dodécanethiol θav = 103° θrec = 83° θav= 60° θrec = 51° Perfluorododécanethiol θav = 113° θrec= 96° θav= 72° θrec= 55° APTES θav= 50° θrec= 12° θav= 30° θrec= 25°

Tableau II.1 : Angles de contact de l’eau et du DBPh sur différents traitement de surface. Le DBPh mouille plus les surfaces traitées que l’eau.

La mouillabilité des surfaces employées varie donc largement selon le traitement utilisé. Pour les

deux liquides testés, comme attendu à partir des valeurs de tensions de surface critiques γc, les

angles de contact augmentent nettement lorsqu’on passe de l’APTES aux molécules avec une chaîne aliphatique ou fluorée. Le tableau montre également la dépendance des angles de contact avec le

solvant utilisé. Le DBPh de tension de surface  = 35 mN/m est plus mouillant que l’eau de tension

de surface  = 72.4 mN/m. On peut donc anticiper que, toutes choses égales par ailleurs, la taille des

dépôts sera plus importante avec le DBPh qu’avec l’eau.

Lorsqu’un dépôt est terminé la pointe NADIS est rincée par du dichlorométhane puis séchée avec une soufflette de diazote. Cette manipulation évite l’obstruction du canal de la pointe par les nanoparticules, et permet ainsi de réutiliser la pointe plusieurs fois. Toutefois, des nettoyages successifs éliminent peu à peu le traitement de surface, il faut donc penser à la fonctionnaliser après deux nettoyages. Il est d’ailleurs possible d’ôter entièrement le traitement de surface de la pointe en

53 nettoyant la pointe au Piranha, ce qui permet de faire des tests avec des mouillabilités différentes pour une même ouverture, sans avoir à fabriquer une autre pointe.