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Modélisation des préférences

4.3 Vers un modèle de préférence général

4.3.2 Fonction d'utilité

Pré-ordre complet et fonction d'utilité.

Le pré-ordre complet est la structure la plus communément utilisée dans le cadre de la représentation des préférences. Elle possède des propriétés intéressantes, en

particulier :

Theorem 8. (Fishburn, 1970). Lorsque A est un ensemble ni ou dénombrable, une relation  sur A est un pré-ordre complet si et seulement s'il existe une fonction u : A → R telle que ∀a, b ∈ A on a

a  b ⇔ u (a) ≥ u (b)

On appelle cette fonction u une fonction d'utilité. Elle est unique à une transfor-mation strictement croissante près. Dans la terminologie de la théorie de la mesure, on dit que u dénit une échelle ordinale. Cela signie que les valeurs de u n'ont pas de signication dans l'absolu, pas plus que les distances entre elles. Seul leur ordre est signicatif.

Note. La structure de quasi-ordre est également représentable par une fonction d'uti-lité, associée à un seuil d'indiérence η ∈ R+, tel que :

∀a, b ∈ A  a  b ⇔ u (a) > u (b) + η a ∼ b ⇔ |u (a) − u (b)| ≤ η

D'autres contraintes sur la représentation numérique sont nécessaires pour obte-nir une structure plus riche, par exemple pour déobte-nir une échelle (cardinale) d'in-tervalle. Sur ce type d'échelle, les distances entre les valeurs de u sont signicatives les unes par rapport aux autres. La fonction u doit alors également vérier :

∀a, b, c, d ∈ A (a, b) v (c, d) ⇔ u (a) − u (b) ≥ u (c) − u (d)

où (a, b) v (c, d) désigne la relation, telle que la diérence de préférence entre a et b est au moins aussi forte que la diérence de préférence entre c et d. Dans ce cas, la fonction u est unique, à une transformation ane strictement positive près.

Dans notre problématique, on veut pouvoir recommander la meilleure alterna-tive, c'est-à-dire une conguration d'impression. Pour réaliser cela, seul l'ordre de préférence des diérentes alternatives est nécessaire, ce qui fait de l'échelle ordinale un candidat susant pour le représenter. De plus, dans notre modèle d'interaction, rien ne nous permet a priori de comparer les diérences de préférences entre deux couples d'alternatives.

Dans la suite, nous considérons donc que le modèle de préférence de l'imprimeur est une fonction d'utilité exprimée sur une échelle ordinale.

Espace de solutions approchées

Avant d'examiner plus en profondeur la structure de notre fonction d'utilité, il nous faut considérer un dernier point : notre ensemble d'alternatives n'est pas dé-nombrable. En eet, l'ensemble des congurations d'impression, comme déni au chapitre précédent, est un ensemble produit dont certains facteurs sont non dénom-brables (zoom, marges et coupes) :

E = M × R × Z × G × C

= N2× {1, 2, 3} × {0, 90, 180, 270} × R+

× R+4

× R+4

D'après le théorème de Cantor, un pré-ordre complet & sur un ensemble non dé-nombrable X est représentable par une fonction d'utilité, si et seulement s'il existe un sous-ensembleX ⊂ Xb dénombrable et dense par rapport à la relation &. Autrement dit :

∀a, b ∈ bX, a & b ⇒ ∃c ∈ bX a & c & b

Notons que la manière la plus simple de contourner cette diculté est certaine-ment de considérer l'approximation dénombrable Eb de E, tel que :

b

E = M × R × bZ × bG × bC

= N2× {1, 2, 3} × {0, 90, 180, 270} × N× N4× N4

où le zoom, les marges et les coupes sont approchés par des nombres entiers. Eb est un produit d'ensembles dénombrables, donc l'est également. Notons que cette approximation n'est pas très restrictive. En eet, on peut choisir une échelle aussi ne que nécessaire pour le zoom comme pour la taille des marges et des coupes. Les équations d'admissibilité restent inchangées, mis à part un coecient pour le zoom. Par exemple 1

1000 si l'on se base sur une granularité au millième.

Nous considérons le modèle de préférence de l'imprimeur comme un pré-ordre com-plet sur l'ensemble approché des congurations d'impression admissibles Eb, repré-senté par une fonction d'utilité, exprimée sur une échelle ordinale.

4.3.3 Décomposition

Dans notre problématique, il est impossible d'exprimer, et encore moins de mani-puler, la relation de préférence en extension, c'est-à-dire de représenter notre fonction d'utilité par un tableau de valeurs. Même en supposant que les dimensions du mé-dia, la taille des marges et des coupes, ainsi que le zoom soient exprimés sur des ensembles nis, le cardinal de leur produit est bien trop grand, si l'on veut conserver un minimum de précision6.

Nous devons donc dénir notre fonction d'utilité de manière plus compacte. Nous allons voir qu'il est possible de décomposer une fonction d'utilité de diérentes manières, sous certaines conditions sur la structure de la relation de préférence associée.

Nous commençons par introduire la notion d'indépendance préférentielle et ses dérivées, qui sont au centre de toute décomposition.

Indépendance préférentielle

Notation. Soit V = {V1, . . . , Vn} l'ensemble des variables décrivant une alternative, aussi appelé ensemble des attributs ou ensemble des critères. On note Di le domaine des valeurs de Vi et D le domaine de V . On a D = Qn

i=1

Di.

Si X désigne un sous-ensemble de V alors inst (X) désigne l'ensemble des instan-ciations possibles des variables de ce sous-ensemble. On a inst (X) = Q

i∈{1...n}/Vi∈X

Di. Si X et Y forme une partition de V (i.e. X ∩ Y = ∅ et X ∪ Y = V ) et x ∈ X, y ∈ Y alors on note xy ∈ inst (V ) l'instanciation correspondante de l'ensemble des variables.

On note  une relation de préférence correspondant à un pré-ordre complet. On désigne par u, ou plus simplement u la fonction d'utilité ordinale u : inst (V ) → R, représentant , c'est-à-dire ∀a, b ∈ inst (V ) , a  b ⇔ u (a) ≥ u (b).

Denition 9. (Préférence ceteris paribus) Soit X et Y une partition de V et x1, x2 ∈ inst (X). On dit que x1 est préféré à x2 ceteris paribus7 si et seulement si

∀y ∈ inst (Y ) x1y  x2y

Autrement dit, la préférence de x1 sur x2 est constante, quelle que soit la valeur de Y .

6de l'ordre de 1045 pour une dénition des dimensions du média, de la taille des marges et coupes et du zoom sur 10000 valeurs

7diminutif de l'expression latine ceteris paribus sic stantibus qui signie toutes choses étant égales par ailleurs

Denition 10. (Indépendance préférentielle) Soit X et Y une partition de V . X est préférentiellement indépendant de Y pour  si et seulement si

∀x1, x2 ∈ inst (X) ∀y1, y2 ∈ inst (Y ) x1y1  x2y1 ⇔ x1y2  x2y2

Autrement dit, les préférences sur les éléments de X sont indépendantes des valeurs de Y .

Denition 11. (Indépendance préférentielle mutuelle) Soit Z = {Z1, . . . , Zk} une partition de V . On dit que les Z1, . . . , Zk sont mutuellement préférentiellement in-dépendant pour  si et seulement si quels que soient X, Y formant une partition de Z, X est préférentiellement indépendant de Y pour .

Cette dénition nous permet de présenter le modèle de préférence central dans la théorie de l'utilité.

Utilité additive

La décomposition la plus utilisée est certainement la décomposition additive de la fonction d'utilité.

Denition 12. (Utilité additive) Une fonction d'utilité u : V → R est dite additive si et seulement si elle peut s'écrire sous la forme

u (v1, . . . vn) =

n

X

i=1

ui(vi)

avec ∀i ∈ {1 . . . n} ui : Vi → R. Les fonction ui sont appelées les utilités marginales.

Theorem 13. (Existence d'une fonction d'utilité additive) Soit V = {V1, . . . , Vn}. Les deux propositions suivantes sont équivalentes :

 Les attributs V1, . . . , Vnsont mutuellement préférentiellement indépendant pour .

 ∀ (v1, . . . vn) ∈ inst (V )on peut écrire u sous la forme u (v1, . . . vn) =

n

X

i=1

ui(vi)

On voit que l'existence d'une fonction d'utilité additive suppose une forte indépen-dance entre attributs. Nous examinons dans la suite si cette hypothèse est valide pour les préférences de l'imprimeur.

Dépendances dans les préférences de l'imprimeur

Rappelons que l'espace des congurations d'impression admissibles est déni comme un sous-ensemble de l'ensemble suivant :

E = M × R × Z × G × C

où M désigne le média choisi (dimensions et pliage éventuel), R la rotation de l'image par rapport au média, Z le zoom eectué sur l'image, G les marges exprimées par rapport à l'orientation de l'image et C les coupes également relatives à l'orientation de l'image.

La fonction d'utilité de l'imprimeur doit donc permettre d'ordonner totalement les éléments de E. Examinons les préférences sur chaque attribut.

 La préférence sur le choix d'un média traduit la volonté d'obtenir un format standard (ou largeur standard, pour la sélection d'un rouleau particulier), ainsi qu'un pliage éventuel. Il est clair qu'elle ne dépend pas des autres attributs.  Concernant la rotation, une préférence pour un angle particulier n'a pas

vrai-ment de sens pour l'imprimeur. On peut supposer sans risque8 qu'aucun angle n'est préféré à un autre a priori, quelles que soient les valeurs des autres at-tributs.

 La préférence sur le zoom doit permettre de traduire la volonté d'obtenir une échelle particulière, ainsi que les préférences vis-à-vis des échelles plus grandes et plus petites que celle demandée. Cela ne dépend pas non plus de la valeur des autres attributs.

 En revanche, les préférences sur les marges sont intrinsèquement dépendantes de la valeur de la rotation eectuée sur l'image, par rapport au média. En eet, si nos marges sont dénies par rapport à l'image, alors l'expression des marges d'extrémités est dépendante de la rotation. Inversement, si les marges sont dénies par rapport au média, les marges utilisateur sont alors dépendantes de la rotation.

 Enn pour les coupes, on doit pouvoir traduire le seuil de tolérance et si elles sont autorisées au-delà du seuil. On suppose sans risque9 que la préférence est identique pour tous les côtés, ce qui implique qu'elle est indépendante de la rotation.

Cette analyse informelle nous permet de constater deux choses :

1. Les préférences de l'imprimeur ne peuvent pas être représentées par une fonc-tion d'utilité additive sur la famille d'attributs {M, R, Z, G, C}.

8de ne pas pouvoir représenter les préférences réelles de certains imprimeurs.

2. Mise à part la dépendance des préférences sur les marges par rapport à la rota-tion, considérer que les attributs sont préférentiellement indépendants les uns des autres ne limite pas, a priori, l'expressivité du modèle pour les imprimeurs.