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VI. Discussion

VI.1. Fonction catalytique du domaine I

Une superposition des sites actifs de sPBP3*, sPBP5’, K15, TEM-1, PBP2x et PBP2a montre que l’orientation des chaînes latérales des principaux résidus catalytiques est identique dans toutes les structures sauf dans celle de sPBP5’. En fait, toutes les chaînes latérales déformées chez sPBP5’ semblent se détourner de la charge négative portée par l’Asp105-5 qui a été substitué à la Gly de la forme sauvage de PBP5. Aucune activité D,D-CPase n’a pu être détectée chez le mutant sPBP5’ qui est par ailleurs déficient en activité de désacylation (Amanuma et Strominger, 1984; Matsuhashi et al., 1979), le site actif de cette protéine n’est donc pas fonctionnel. Bien que nous n’ayons pas réalisé de test d’activité CPase sur sPBP3*, le test de fonctionnalité réalisé à l’aide du pseudo-substrat S2d est positif (Tableau III) et la structure de son site actif est comparable à celle de K15, TEM-1, PBP2x et PBP2a. L’analyse

structurale de la fonction catalytique des CPases basée sur la structure de sPBP3* est donc plus réaliste que celle réalisée précédemment par les auteurs de la structure de sPBP5’.

VI.1.1. Acylation de PBP3 par les ββββ-lactamines et les substrats peptidiques

PBP3 et PBP5 appartiennent à une famille de protéase à sérine qui a été étudiée intensivement. Si la fonction catalytique de formation puis de désacylation d’un intermédiaire acyl-enzyme leur est commune, les différentes sous-classes de cette famille ont toutefois développé des mécanismes réactionnels très différents.

La réaction d’acylation comprend quatre étapes : la formation du complexe non- covalent, l’attaque nucléophile, la formation d’un intermédiaire tétrahédrique puis du complexe acyl-enzyme.

VI.1.1.1. Acylation par les ββββ-lactamines

Le complexe non-covalent serait stabilisé par une interaction entre le groupe

carboxylate de l’antibiotique et les chaînes latérales des résidus Thr240-3 et Arg278-3. Les groupes amides portés par la chaîne principale des résidus Thr242-3 et Ser56-3 interagissent avec le groupe carbonyle de l’antibiotique.

Une analyse récente a été effectuée qui compare les différents mécanismes d’acylation par les β-lactamines proposés pour PBP2x de S. pneumoniae, la β-lactamase TEM-1 d’E. coli

et la D,D-transpeptidase de Streptomyces K15 (Oliva et al., 2003). L’architecture du site actif de sPBP3*, dans lequel la distance entre les groupes hydroxyle des Ser56-3 et Ser119-3 ne dépasse pas 3 Å, autorise 3 des modèles proposés. Dans le premier modèle, le groupe carboxylate des β-lactamines extrairait le proton du groupe hydroxyle de la Ser119-3 qui

activerait alors le groupe hydroxyle de la Ser56-3 pour former la liaison ester. Cette étape serait suivie de la protonation de l’azote de l’intermédiaire tétraédrique par le groupe carboxyle, entraînant la rupture du cycle β-lactame (Diaz et al., 2001).

Le deuxième modèle consiste en un mécanisme concerté impliquant la Ser56-3 et la Ser119-3. L’hydrogène de la Ser119-3 est transféré sur l’azote du cycle β-lactame tandis que

l’hydrogène de la Ser56-3 se dirige vers la Ser119-3. De manière concomitante, la Ser56-3 réalise l’attaque nucléophile du groupe carbonyle du cycle β-lactame. Dans une variante de ce

modèle, la Ser119-3 serait remplacée par une molécule d’eau qui pourrait être O26-3 chez sPBP3* (wolfe et al., 1994).

En ce qui concerne la Lys239-3, le grand nombre de liaisons hydrogène établies par son groupe ε-aminé avec ses voisins indique une forte implication du résidu dans le site actif. Par analogie avec TEM-1, la charge positive de cette Lys serait cruciale pour la formation du complexe acyl-enzyme (Lenfant et al., 1991). Chez PBP5, la substitution du résidu équivalent à la Lys239-3 en Arg supprime l’activité CPase alors qu’elle n’a pas d’effet sur la liaison à la pénicilline et l’hydrolyse de l’antibiotique (Malhotra et Nicholas, 1992). Cette Lys pourrait donc n’avoir qu’un rôle de maintien de la charge électrique et de l’architecture du site actif chez les D,D-CPases de type PBP5. Sa mutation en Arg déformerait très faiblement la géométrie du site actif, diminuant l’affinité de ce dernier pour le substrat peptidique mais sans conséquence sur la liaison aux antibiotiques qui se fait certainement sur un site moins volumineux (Davies et al., 2001).

VI.1.1.2. Acylation par le substrat peptidique

Il est admis que le mécanisme d’acylation des PBPs par les β-lactamines est identique

au mécanisme d’acylation des PBPs par le substrat peptidique. Toutefois, lorsque l’on modélise le positionnement d’un disaccharide pentapeptidique dans le site actif de sPBP3*, le groupe hydroxyle de la Ser119-3 se situe à 3.94 Å de l’azote de la liaison peptidique D- Alanyl-D-Alanine. Cette distance est trop importante pour un transfert de proton et suggère que seuls les deux derniers modèles décrits précédemment s’appliquent à la réaction d’acylation de sPBP3* par le substrat peptidique. Dans ces deux modèles qui proposent une action concertée des résidus catalytiques, la Ser56-3 débuterait l’attaque nucléophile dès la perte de son proton. Cette attaque provoquerait une rotation de la chaîne peptidique, rapprochant suffisamment l’azote de la liaison peptidique D-Alanyl-D-Alanine de l’hydroxyle de la Ser119-3 pour permettre le transfert de proton.

Quelques interactions supplémentaires sont par ailleurs permises par la grande taille du substrat peptidique. Par exemple, le groupe carboxylate de la chaîne latérale de l’Asp244-3 pourrait interagir avec le substrat peptidique en établissant une liaison hydrogène avec l’azote porté par la chaîne principale de la glutamine en deuxième position. Le groupe aminé de la Lys245-3 pourrait quant à lui établir une liaison hydrogène avec le groupe carbonyle du L-Ala en première position du substrat peptidique.

VI.1.2. Hydrolyse du complexe acyl-enzyme

Si l’étape d’acylation est identique pour les β-lactamines et le substrat peptidique, il

n’en est pas de même pour l’étape d’hydrolyse du complexe acyl-enzyme.

VI.1.2.1. Hydrolyse du complexe formé par PBP3 et la ββββ-lactamine

Chez les β-lactamases de classe A, la boucle « Ω » porte deux résidus conservés

fortement impliqués dans la désacylation du complexe acyl-enzyme, réaction très rapide chez cette famille de protéines (Guillaume et al., 1997; Lewis et al., 1997). Chez TEM-1, il s’agit du Glu166-T et de l’Asn170-T qui positionnent une molécule d’eau (O297-T) près du complexe acyl-enzyme (Figure 14B). Activée par le Glu166-T, elle attaquerait la liaison ester de l’acyl-enzyme (Adachi et al., 1991; Strynadka et al., 1992).

Chez sPBP3*, les résidus potentiellement équivalents à la Glu166-T et l’Asn170-T seraient respectivement la Thr160-3 et l’Asn164-3 mais l’orientation de leurs chaînes latérales, opposées à celles de Glu166-T et Asn170-T, ne permettent pas de positionner une molécule d’eau équivalente à O297-T. L’absence de cette molécule d’eau ainsi que la forme de la boucle « Ω-like » de sPBP3* sont certainement à l’origine de sa très faible vitesse de désacylation.

La plus forte efficacité de désacylation observée chez PBP5 et K15 (Tableau II) peut probablement s’expliquer par la forme de leur boucle « Ω-like », qui se rapproche davantage de celle de TEM-1, et par la présence d’une molécule d’eau équivalente à O297-T, O218-5 chez sPBP5’ (Figure 11) et O381-K chez K15 (Figure 13). O218-5 et O381-K ne sont toutefois activées par aucun résidu, d’où la différence dans leur faible capacité de désacylation du complexe antibiotique-enzyme par rapport à TEM-1.

Dans le cas d’un complexe acyl-enzyme entre sPBP3* et une β-lactamine, le groupe

carboxylate de l’antibiotique reste lié au complexe. La présence du groupe carboxylate restreint l’accessibilité d’une molécule d’eau à la liaison ester formée entre la protéine et l’antibiotique, or cette molécule d’eau est nécessaire à l’hydrolyse du complexe-acyl enzyme.

VI.1.2.2. Hydrolyse du complexe formé par PBP3 et le substrat peptidique

La contrainte stérique imposée par le groupe carboxylate des β-lactamines n’existe pas dans le cas d’une interaction entre PBP3 et un substrat peptidique. En effet, la formation du complexe acyl-enzyme s’accompagne du départ du dernier résidu D-Ala qui porte le groupe carboxylate. Ce dernier n’est donc plus présent dans le site actif de l’enzyme acylée et la liaison ester de l’acyl-enzyme est alors accessible à une molécule d’eau. Il est donc très probable que la faible vitesse de désacylation observée dans le cas d’un complexe β-

lactamine-PBP3 ne reflète pas la réaction de désacylation d’un complexe peptide-PBP3. La vitesse de désacylation d’un complexe peptide-PBP3 est certainement beaucoup plus rapide.