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3. Mod´ elisation num´ erique directe et inverse 31

4.2 M´ ethodes fond´ ees sur le radium

4.2.2 Flux continent-oc´ ean

Plusieurs ´etudes ont estim´e le flux total de228Ra et de SGD dans un bassin `a l’aide d’un bilan. Le 228Ra est le seul isotope adapt´e pour cet usage, parce qu’il est chimiquement conservatif et que sa demi-vie est de 5,75 ans, ce qui est comparable avec les ´echelles de temps de la circulation de surface et suffisant pour lisser la plupart des modes de variabilit´e temporelle. Le 222Rn, le 223Ra et le 224Ra se d´esint`egrent avant d’atteindre l’oc´ean ouvert et ne sont sensibles qu’aux flux locaux. Le 226Ra (t1/2= 1620 a) a un puits radioactif plus faible que l’export par les particules, ce qui rend le calcul de son bilan plus complexe. Le concept est assez simple. Notons R la quantit´e totale de 228Ra dans le bassin consid´er´e jusqu’`a une certaine profondeur, par exemple l’oc´ean Atlantique jusqu’`a 1000 m dans l’´etude de Moore et al.(2008) ou la mer M´editerran´ee jusqu’`a 600 m dans celle de Rodellas et al. (2015).

(4.15) R =

Z

xyz

228Ra dxdydz

On suppose que le 228Ra est `a l’´etat stationnaire dans le bassin consid´er´e, et on n´eglige l’´echange avec le milieu ext´erieur devant les flux de SGD.

(4.16) ∂R

∂t = 0 = −λR + F

Ra tot

Le flux cˆotier total FtotRa est dans ce cas ´egal au puits radioactif.

(4.17) FtotRa = λR

On notera que cette m´ethode peut ˆetre adapt´ee `a une ´etude locale en rajoutant l’´echange de mati`ere avec le reste de l’oc´ean dans le bilan. Le temps de r´esidence apparent ou le coefficient de diffusion turbulente vus pr´ec´edemment, calcul´es `a partir des isotopes de courte demi-vie, peuvent servir `a cette fin.

L’´egalit´e (4.17) n’a pas besoin d’ˆetre v´erifi´ee `a chaque instant, mais elle doit au moins ˆ

etre vraie en moyenne sur une p´eriode de l’ordre de la demi-vie du228Ra. Les variations `a de plus grandes ´echelles de temps, par exemple celles qui pourraient ˆetre dues aux activit´es humaines ou au changement climatique, sont suppos´ees n´egligeables. Cette hypoth`ese est pour l’instant compatible avec les mesures. Ainsi, Charette et al.(2015) ont constat´e que

dans les 6 r´egions de 15 × 15 de l’Atlantique Nord ´echantillonn´ees en 2011 par GEO-TRACES, les activit´es moyennes de228Ra ´etaient ´egales `a 7% pr`es aux activit´es mesur´ees

par le programme TTO 20 ans auparavant, ce qui correspond `a l’ordre de grandeur des

incertitudes de mesure.

On ne peut pas estimer R en faisant une simple moyenne des observations car ces derni`eres ne sont pas forc´ement repr´esentatives de l’oc´ean dans son ensemble. Certaines r´egions riches (ou pauvres) en 228Ra peuvent ˆetre davantage ´echantillonn´ees que d’autres,

plus pauvres (ou riches). Le mˆeme probl`eme se pose avec la profondeur, car les eaux

de surface sont g´en´eralement mieux ´echantillonn´ees. Pour diminuer ces biais, Moore et al. (2008) comme Rodellas et al. (2015) ont eu recours `a des interpolations lin´eaires pour calculer la quantit´e de 228Ra sur chaque profil vertical et ont divis´e leur bassin en plusieurs r´egions o`u ils disposaient d’assez de mesures pour calculer une moyenne (Fig. 4.7). L’activit´e moyenne de toutes ces r´egions pond´er´ee par leur volume d’eau constitue l’activit´e moyenne du bassin, qui peut ensuite ˆetre multipli´ee par le volume d’eau total pour donner l’activit´e totale R.

FRa

tot est le flux total de228Ra qui se d´everse dans le bassin. Il est souvent exprim´e en atomes a−1. Pour en d´eduire le flux de SGD, il faut en soustraire les autres sources. Il en existe essentiellement trois : les poussi`eres atmosph´eriques (FRa

atm), les fleuves (FRa

f leuves) et la diffusion par les s´ediments (FRa

dif f). Les sources profondes sont ignor´ees par Moore et al.

(2008) car le228Ra qu’elles ´emettent n’a pas le temps d’atteindre les 1000 premiers m`etres. Les poussi`eres venant du continent sont la plus faible des sources : moins de 0,2% du total (Kwon et al., 2014). Les fleuves transportent peu de 228Ra sous forme dissoute, car le radium est peu soluble dans l’eau douce, mais charrient des s´ediments qui contiennent du

228Ra et en relˆachent une partie dans les estuaires (Moore and Shaw, 2008). Enfin, la diffusion par les s´ediments constitue une source importante (Moore et al.,2008) et difficile `

a distinguer des SGDs car les deux processus sont localis´es sur le plateau continental.

(4.18) FSGDRa = FtotRa− FRa

dif f − FRa

f leuves− FRa atm

Une fois le flux de 228Ra du aux SGDs connu, il faut encore le diviser par l’activit´e en 228Ra des aquif`eres pour en d´eduire le flux de SGD. Les activit´es mesur´ees dans les aquif`eres s’´etalent sur trois ordres de grandeur, de 10 `a 30000 dpm m−3 (Moore et al.,

2008). Par quelle activit´e doit-on diviser le flux de radium ? En mer Jaune, Kim et al.

(2005) utilisent toute la gamme des mesures disponibles, qui vont de 400 `a 2700 dpm m−3, et consid`erent cet ´ecart comme une incertitude. La source ainsi ´evalu´ee est comprise entre 1 et 6.7×1011m3a−1. Dans l’oc´ean Atlantique, Moore et al.(2008) se servent de la moyenne g´eom´etrique et prennent l’incertitude sur cette moyenne pour construire leur intervalle de confiance. Les flux de SGD sont alors de 2 − 4 × 1013 m3a−1. Quant `a Rodellas et al.

Figure 4.7: Points de mesure de 228Ra par le programme TTO et activit´e moyenne des 1000 premiers m`etres dans des r´egions de 15 × 15 (Moore et al.,2008)

bornes d’un intervalle de confiance (Fig 4.8), ce qui leur permet de calculer un flux de SGD en mer M´editerran´ee de 0.3 − 4.8 × 1012 m3a−1. Ces deux derniers choix impliquent que les aquif`eres riches en 228Ra ´emettent moins de SGDs que les autres, sans quoi les SGDs seraient sur-´evalu´ees. Par ailleurs, les aquif`eres de faible salinit´e, pauvres en 228Ra, sont mieux connus que les autres, ce qui peut introduire un biais : l’activit´e moyenne en

228Ra pourrait ˆetre sous-´evalu´ee, et le flux de SGD sur-´evalu´e (Cho and Kim, 2016). Au cours de cette th`ese, les activit´es en228Ra retenues pour les aquif`eres sont celles de Moore et al. (2008) et de Kwon et al. (2014), afin de pouvoir comparer nos r´esultats aux leurs. Mais il doit ˆetre gard´e `a l’esprit que ces activit´es sont affect´ees par le biais li´e `a la salinit´e. Si la concentration en nutriments ou en m´etaux d’un aquif`ere est connue, il devient possible de calculer leur flux. Le flux d’une esp`ece i par les SGDs est le produit du flux d’eau par sa concentration Ci

SGD dans l’aquif`ere.

(4.19) FSGDi = SGD × CSGDi = FSGDRa  Ci

Ra 

Figure 4.8: Concentrations en228Ra dans de nombreux aquif`eres en mer M´editerran´ee. Les lignes horizontales repr´esentent la m´ediane, le premier quartile et le troisi`eme quartile ( Ro-dellas et al.,2015)

De cette mani`ere, Rodellas et al.(2015) a estim´e les flux de nitrates, de phosphates et de silicates vers la mer M´editerran´ee `a 190×109 mol a−1, 0.7×109 mol a−1et 110×109 mol a−1 respectivement, ce qui ferait des SGDs la premi`ere source de nitrates et de silicates.

La m´ethode du bilan de 228Ra a deux limitations principales. La premi`ere limite est qu’elle ne permet pas de savoir d’o`u vient le 228Ra, et encore moins d’o`u viennent les SGDs : elle ne quantifie que le flux total. Il est raisonnable de penser que les sources principales se trouvent pr`es des r´egions o`u les activit´es sont maximales, par exemple sur la cˆote est de l’Am´erique du Nord (Moore et al.,2008), mais c’est une simple supposition et il est impossible de donner des valeurs pr´ecises car les effets de concentration ou de dilution dues `a la circulation oc´eanique ne sont pas pris en compte.

La deuxi`eme limite de cette m´ethode est qu’elle calcule la quantit´e totale de228Ra en se fondant sur des moyennes par r´egions (souvent de grandes tailles) et sur des interpolations lin´eaires pour ce qui est de la dimension verticale. Or rien ne permet de garantir que les points de mesure sont repr´esentatifs d’une r´egion enti`ere, car la circulation peut concentrer le radium sur les points de mesure ou au contraire les en ´eloigner. Ce probl`eme est d’autant plus grave que les mesures sont ´eloign´ees les unes des autres.