• Aucun résultat trouvé

Finalement, le lien entre société, journalisme et nouvelle se perçoit de façon percutante dans les sujets, mais aussi dans le traitement même de la structure des textes Maupassant,

d'abord, utilise très souvent des sujets d'actualité pour développer des nouvelles : les

histoires de suicides, d'infanticides, de viols, de meurtres par empoisonnement, sont très

fréquemment décrites dans les journaux à la fin du XIX

e

siècle et sont souvent reprises

comme sujet de nouvelles pour Maupassant. « La confession », « Un drame vrai »,

« L'horrible », sont quelques exemples qui confirment que Maupassant s'inspirait bien de

l'actualité pour écrire ses nouvelles. Plus encore, le média journalistique sert, et ce à de

nombreuses occasions, à ancrer une nouvelle dans un contexte réel et lui donner une

certaine crédibilité. Cela a été exploré, entre autres, avec des nouvelles comme « Histoire

d'un chien » qui rapporte, en introduction, des « faits » lus dans un journal;

« L'endormeuse » qui résume les statistiques exposées dans un journal à propos du nombre

de suicides croissant et les méthodes pour mettre fin à ses jours; les nouvelles comme « La

main d'écorché », qui rapporte les faits violents de l'histoire via un article de journal. Le

rapport existant entre presse et littérature est des plus étonnants et intéressants. C'est sans

doute avec la nouvelle « Le crime au père Boniface » que l'on perçoit mieux ce lien,

puisque c'est par les journaux, les faits divers sanglants plus précisément, que le facteur

Boniface développe tout son imaginaire et transpose celui-ci dans sa réalité : il croit à un

crime alors qu'il n'y en a pas, tout cela parce que les journaux transmettent une image

violente de la société. Dans la structure même des nouvelles, le lien avec les faits divers est

immanquable. Puisque les auteurs de l'époque publient dans les journaux, les textes fictionnels doivent s'adapter au cadre rigide des colonnes. Plusieurs moyens sont alors utilisés pour accélérer l'histoire, tels que le stéréotype et le paroxysme. Ceci a pour conséquence d'accentuer tous les effets d'une nouvelle, illustrant des propos plus crus, plus directs, qui dirigent toutes les actions vers un point culminant. La forme brève, alors, devient le format idéal pour exprimer la thématique de la violence. Il faut ajouter aussi que, dans une structure qui se rapproche de celle d'un fait divers, la nouvelle se conforme au principe de suspense et d'intrigue pour éveiller le pathos du lecteur et conserver son attention jusqu'à la toute fin.

Ces trois chapitres ont exploré, de façon non exhaustive, les représentations de la violence chez Maupassant et le lien qu'elles entretiennent avec l'imaginaire social et le monde journalistique. Bien sûr, beaucoup de travail serait encore nécessaire pour étoffer cette étude, autant parce que le monde de Maupassant comporte beaucoup d'écrits (autant chroniques que nouvelles) qui méritent de plus amples analyses, mais aussi parce que la thématique de la violence est un sujet vaste qui mériterait, sans doute, une approche plus fine et pointue. Nous avons souligné les grands traits et ouvert quelques portes, mais les pistes à explorer sont encore nombreuses.

À l'origine, l'ambition de cette recherche s'étendait de façon plus large que les seuls trois chapitres explorés ici. La différence entre la violence physique et la violence psychologique était un des sujets envisagés. Une multitude de contes de Maupassant illustre la thématique de la violence, comme nous l'avons vu au cours de cette recherche. Cependant, la représentation de cette violence n'est pas toujours de même nature. La violence physique est beaucoup plus rare et plus souvent associée à l'envahissement de Prussiens, ce qui, somme toute, paraît logique. Par contre, la violence psychologique se retrouve partout et de façons très différentes, mais très souvent associée au domaine de la peur, de l'inconnu; bref, du fantastique de Maupassant. Les personnages deviennent très souvent fous à cause de leur imagination débordante. Le fantastique de Maupassant est bien particulier, car il

reste toujours très près d'une explication plausible. Cependant, tout comme dans le « Horla », « Sur l'eau », « L'auberge » ou encore « Un fou », la psychologie des personnages subit une violence qui les pousse à imaginer des situations étranges, inquiétantes. Ce qu'ils ont principalement en commun, c'est toujours cette impression d'être envahi par une présence étrangère et menaçante.

Aussi, comme le fait remarquer Marie-Claire Bancquart, la folie qui atteint les personnages masculins a souvent pour origine les femmes. Lorsque l'érotisme entre en ligne de compte, les personnages ne peuvent jamais revenir à leur état psychologique « normal », c'est-à- dire d'origine. Ils subissent une déperdition d'eux-mêmes et ceci est irréversible. C'est le cas entre autres dans « La chevelure ». Dans ce conte, le personnage est tellement obsédé par la chevelure de femme trouvée dans un meuble qu'il en devient complètement fou et est interné : il n'y a pas de retour possible pour lui. C'est la même situation dans « Un cas de divorce ». Bancquart explique que « [p]ar l'érotisme, nous entrons dans la véritable cruauté et le véritable fantastique de Maupassant. Expérience du dérèglement et de la désintégration de l'être, reflet d'une angoisse, l'érotisme exprime en effet une liaison de violence qui règne dans le monde entier, et un malaise du Moi.288 » Cet aspect pourrait ouvrir toute une nouvelle perspective quant au sujet de la représentation de la femme dans l'écriture de Maupassant et la violence qui lui est associée. Il permettrait aussi de développer le lien qui existe entre l'écriture fantastique de Maupassant et la violence qui y est représentée.

Il reste donc plusieurs voies possibles à explorer pour étudier Maupassant. Malgré toutes les recherches et les études qui ont été faites à son sujet, il reste encore beaucoup à découvrir sur Maupassant.

288

Bibliographie

1. Corpus primaire 1.1 Contes

MAUPASSANT, Contes et nouvelles tome I, Paris, Éditions Gallimard, coll. La Pléiade, 1974, 1679 p.

Contes et nouvelles tome II, Paris, Éditions Gallimard, coll. La Pléiade, 1979, 1787 P-

1.2 Chroniques

MAUPASSANT, Chroniques tome I, Paris, Union Générale d'éditions, 1980, 438 p. Chroniques tome II, Paris, Union Générale d'éditions, 1980, 445 p.

Chroniques tome III, Paris, Union Générale d'éditions, 1980, 444 p.

1.3 Romans

MAUPASSANT, Bel-ami, Paris, Gallimard, 2000, 438 p. Une vie, Paris, Bookking International, 1993, 256 p.

1.4 Chroniques consultées en ligne

MAUPASSANT, « L'art de gouverner », [en ligne], http://www.etudes- francaises.net/nefbase/maupas_chrons.htm.

« Celles qui osent ! », [en ligne], http://www.et.udes- francaises.net/nefbase/maupas_chrons.htm.

« Notes d'un démolisseur », [en ligne], http://maupassant.free.fr/chroniq/demolisseur.html.

« Le préjugé du déshonneur », [en ligne], http://www.etudes- francaises.net/nefbase/maupas_chrons.htm.

« Une femme », [en ligne], http://www.etudes- francaises.net/nefbase/maupas_chrons.htm.

1.5 Correspondance en ligne

MAUPASSANT, « Lettre à Zola », [en ligne],

http://maupassant.free.fr/corresp/cadre.php?ord=c&num=200.

2. Corpus secondaire

2.1 Ouvrages et articles sur Maupassant

BANCQUART, Marie-Claire, Maupassant conteur fantastique, Paris, Éditions Lettres Modernes, 1976, 111p.

BENHAMOU, Noëlle, « De l'influence du fait divers: les chroniques et contes de Maupassant », dans, Romantisme, 1997, n°97, p. 47-58.

« L'objet du culte détourné : la perversion du signe dans les contes et nouvelles de Maupassant », dans : Andrea Del Lungo et Boris Lyon-Caen, [dir.], Le roman du signe : fiction et herméneutique au XIXe siècle, Saint-Denis, Éditions PUV, 2007.

BURY, Mariane, « Maupassant pessimiste? », dans, Romantisme, 1988, n°61, p. 75-83. La poétique de Maupassant, Paris, Sedes, 1994, 304 p.

DANGER, Pierre, Pulsion et désir dans les romans et nouvelles de Guy de Maupassant, Librairie Nizet, Paris, 1993, 216 p.

DAVEY, Lynda A., « La croqueuse d'hommes : images de la prostituée chez Flaubert, Zola et Maupassant », dans, Romantisme, 1987, n°58, p. 59-66.

DELAISEMENT, Gérard, Maupassant : journaliste et chroniqueur, Paris, Michel, 1956, 302 p.

Les chroniques politiques de Guy de Maupassant, Paris, Éditions Rive droite, 2006, 283 p.

DETHLOFF, Uwe, « Patriarcalisme et féminisme dans l'œuvre romanesque de Maupassant», dans FORESTIER, Louis, [dir.], Maupassant et l'écriture, Actes du colloque de Fécamp 21-22-23 mai 1993, Paris, Nathan, 1993, p. 120.

DONALDSON-EVANS, Mary, « La femme (r)enfermée chez Maupassant », dans, Maupassant et l'écriture, Actes du colloque de Fécamp 21-22-23 mai 1993, Paris, Nathan,

1993, p. 63-74.

FORESTIER, Louis, Maupassant. Contes et nouvelles tome I, Paris, Éditions Gallimard, La Pléiade, 1979, p. 1349-1350.

FONYI, Antonia, Maupassant 1993, Paris, Éditions Kimé, 1993, 209 p.

GAUDEFROY-DEMOMBYNES, Lorraine, La femme dans l'œuvre de Maupassant, Paris, Mercure de France, 1943, 260 p.

GENGEMBRE, Gérard, Le horla de Guy de Maupassant, Paris, Pocket classique, 2003, 124 p.

GÉRAUDELLE, Alain, Le Horla et autres contes fantastiques, Éditions Hachette, coll. Classiques, Paris, 1994, p. 219.

GRITLI, Lamia, L'esthétique de la cruauté dans les contes normands de Guy de Maupassant, Mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval, 1995, 139 f.

JENNINGS, Chantai, « La dualité de Maupassant: son attitude envers la femme », dans Revue des sciences humaines, 1970, oct.-déc, fase. 140, p. 559-578.

OWENS, William C , La guerre de 1870 dans l'œuvre de Maupassant, 202 f.

PLACE-VERGHNES, Floriane, Jeux pragmatiques dans les Contes et Nouvelles de Guy de Maupassant, Paris, Honoré-Champion, coll. Romantisme et modernité, 2005, 335 p.

POYET, Thierry, L'héritage Flaubert Maupassant, Paris, éditions Kimé, 2000, 279 p. PRÉVOST, Maxime, « Maupassant, juste après Charcot », dans Texte, Toronto, n° 43-44, 2008, p. 147-165.

QUESNEL, Alain, Premières leçons sur les romans de Maupassant, Paris, PUF, 1999, 105 P-

SALEM, Jean, Philosophie de Maupassant, Éditions Ellipses, coll. Littérature et philosophie, Paris, 2000, 126 p.

2.2 Autres études et articles

ADLER, Laure, [dir.], Misérable et glorieuse : la femme du XIXe siècle, Bruxelles, Éditions Complexes, 1984,248 p.

AMOSSY, Ruth, Les idées reçues : sémiologie du stéréotype, Éditions Nathan, coll. Le texte à l'œuvre, Paris, 1991, 215 p.

ANGENOT, Marc, 7559 : État du discours social, Éditions Préambule, coll. L'univers des discours, Québec, 1989, 1167 p.

AWAD, Gloria, Du sensationnel : place de l'événementiel dans le journalisme de masse, Paris, L'Harmattan, 1995, 277 p.

BELLET, R., [dir.], La femme au XIXe siècle, Lyon, Les Presses Universitaires de Lyon, 1978,201p.

CHARLE, Christophe, Le siècle de la presse (1830-1939), Paris, Éditions du Seuil, 2004, 399 p.

DIGEON, Claude, La crise allemande de la pensée française, Paris, Presses Universitaires de France, 1959,568 p.

DUBY, Georges, Histoire de la France, Paris, Librairie Larousse, 1970, 712 p.

DUPÂQUIER, Jacques et KESSLER, Denis, [dir.], La société française au XlX siècle : tradition, transition, transformations, Paris, Éditions Fayard, 1992, 529 p.

EDELMAN, Nicole, « Représentation de la maladie et construction de la différence des sexes. Des maladies de femmes aux maladies nerveuses, l'hystérie comme exemple », dans, Romantisme, 2000, n°l 10, p. 73-87.

« Culture, croyances et médecine (XIXe-XXe siècle) », Revue d'histoire du XIXe siècle, 2002, [En ligne], http://rhl9.revues.org/index453.html.

FEYEL, Gille, La presse en France des origines à 1944, Paris, Ellipses, 2007, 192 p. FREDJ, Claire, La France au XlX siècle, Paris, 2009, 303 p.

GIRARD, René, La violence et le sacré, Éditions Bernard Grasset, coll. Pluriel, Paris, 1972,534 p.

GODENNE, René, « La nouvelle », dans, Études françaises, vol. 12, n°l-2-, 1976, p. 103- 111.

GOYET, Florence, La nouvelle : 1870-1925, Presses universitaires de France, Paris, 1993, 259 p.

HOUEL, Annik, Patricia Mercader et Helga Sobota, Crime passionnel, crime ordinaire, Paris, PUF, 2003, 190 p.

KALIFA, Dominique, L'encre et le sang, Éditions Fayard, Paris, 1995, 351 p.

LES BAUX, ALLARD, , [dir.], « Dossier : Révolution française », dans, Actualité de l'histoire, no. 93, Janvier 2008, 18-65.

MARCHANDIER-COLARD, Christine, Crimes de sang et scène capitales: essai sur l'esthétique romantique de la violence, Paris, Presses universitaires de France, 1998, 298 p. MARQUER, Bertrand, Les romans de la Salpêtrière. Réception d'une scénographie clinique: Jean-Martin Charcot dans l'imaginaire fin-de-siècle, Genève, Éditions Droz, 2008,421p.

MOHRT, Michel, 1870 : Les intellectuels devant la défaite, Lectoure, Éditions Le Capucin, 2004, 160 p.

PERROT, Michelle, Les femmes ou les silences de l'histoire, Paris, Flammarion, 1998, 494 P-

ROGER, Alain, Nus et paysages. Essai sur la fonction de l'art, Paris, Aubier, 1978. SADE, La philosophie dans le boudoir, Paris, Éditions Flammarion, 2007, p. 80-81. TREMBLAY, Laurie, L'automutilation, Essai de maîtrise, Université Laval, 1999, 34 f. THÉRENTY, Marie-Ève, La littérature au quotidien : poétiques journalistiques au XIX siècle, Paris, Éditions du Seuil, 2007, 408 p.

THÉRENTY, Marie-Ève et VAILLANT, Alain, 1836 : l'an I de l'ère médiatique. Analyse littéraire et historique de La Presse de Girardin, Paris, Nouveau Monde, 2001, 390 p.

« Pour une histoire littéraire de la presse au XIXe siècle », dans, Revue d'Histoire Littéraire de la France, 2003/3, Vol. 103, p. 625-635.

Presse et plumes journalisme et littérature au XIXe siècle, Paris, Nouveau monde, 2004, 583 p.

VAILLANT, Alain, BERTRAND, Jean-Pierre et RÉGNIER, Philippe, [dir.], Histoire de la littérature française duXlX siècle, Paris, Éditions Nathan, 1998, 640 p.

Documents relatifs