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Finalement, la mère du chancelier apparaissait à ses yeux, avec le recul du temps, d’autant plus « digne du nom de

femme forte« qu’elle avait eu « le courage de sacrifier (sa

nature) sans réserve à la religion« et qu’elle avait été « assez

224 Ibidem, p. 23. 225 Ibidem, p. 22-23. 226 Ibidem, p. 21. 227 Ibidem, p. 21. 228 Ibidem, p. 22.

vertueuse pour se vaincre toujours »

229

. Le combat avait-il

causé quelques menus dégâts dans l’entourage ? La sensibilité,

extrême, du jeune Henri François avait-elle eu à en souffrir ? La

pudeur, ajoutée à la piété filiale, du chancelier masque pour

nous cet aspect de l’enfance d’Henri François d’Aguesseau.

Henri d’Aguesseau, en revanche, apparaît sous la plume

de son fils comme une personnalité hors du commun. Le

Discours sur la vie et la mort, le caractère et les mœurs de M.

d’Aguesseau, conseiller d’Etat

230

appartient bien, lui aussi, à la

littérature hagiographique que l’on doit à la piété filiale. Né en

1635

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du troisième mariage d’Antoine d’Aguesseau avec

Anne de Givès, Henri d’Aguesseau avait perdu son père très

jeune, en 1645, et avait été élevé par les soins de sa mère, très

229 Ibidem, p. 23-24.

230 Deux copies manuscrites ont été consultées : celle de la Bibliothèque Nationale, ms. fr. 11428 ; celle de la Bibliothèque municipale de Limoges : Discours que j'adresse à mes enfans sur la vie et la mort, le caractère et les mœurs de mon père, ms. 142, XVIIIème siècle, papier, 136 feuillets, 318/205 mm. Le chancelier rédigea cet opuscule lors de son premier exil à Fresnes, entre 1718 et 1720. Son père était mort deux ans, à peine, auparavant. Dans sa correspondance, Henri François d'Aguesseau évoque cet ouvrage en ces termes : "Je n'ai pas achevé moi-même la copie de l'ouvrage que vous me demandez et qui a bien grossi entre mes mains, selon la mesure de mon affection, autant que sur celle du mérite de celui dont j'écris la vie... Mais c'est un ouvrage qui ne doit pas sortir de la sphère d'une famille à laquelle seul il peut être propre..." (H.F. d'AGUESSEAU, Œuvres complètes, éd. Pardessus, 1819, t. XVI, 298).

231 L'année de la naissance d'Henri d'Aguesseau peut faire l'objet d'hésitations. Le chancelier le fait naître en 1638 lorsqu'il affirme : "Il avoit à peine sept ans lorsqu'une mort prématurée lui enleva (son père)" (en 1645) (H.F. d'AGUESSEAU, Discours sur la vie et la mort..., op. cit., p. 6). Il se contredit pourtant lorsqu'il affirme : "Il est mort à quatre-vingt-un ans..." (ibidem, p. 206). La date de 1638 est reprise dans le

Dictionnaire de Biographie Française (t. I, 825). Certains documents (Dossiers bleus, par exemple), par une erreur manisfeste puisque le mariage de ses parents eut lieu le 13 mai 1634, le font naître en 1634. M. Michel Antoine indique la date de 1636 (Le gouvernement et l'administration sous Louis XV. Dictionnaire biographique, Paris, C.N.R.S., 1978, p. 1) La plupart des sources, cependant, tombent d'accord sur l'année 1635, sans précision de jour ni de mois.

pieuse

232

, et de son demi-frère, François d’Aguesseau, aîné de

la famille. Il avait reçu son éducation au collège de Navarre à

Paris, puis suivi des études de droit qui lui permirent d’acheter

une charge de conseiller au parlement de Metz (1656) ; il avait

enfin, grâce à son frère toujours, accédé tout jeune à une carrière

au Conseil

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. Malgré sa répugnance pour la carrière d’intendant

pourtant si recherchée ordinairement par les maîtres des

requêtes, il fut choisi en 1665, grâce à Colbert, comme intendant

du Limousin. Henri d’Aguesseau considérait surtout sa fonction

dans ses attributions de justice, « sa première inclination«

234

,

malgré son incontestable intelligence des matières de finances et

de commerce. Ainsi débutait sa carrière d’agent du

gouvernement royal dans les provinces qu’il devait mener

jusqu’en 1685, date de son retour à Paris. Il avait reçu, à la fin

de l’année 1683, sa nomination de conseiller d’Etat. Toute la fin

de sa carrière s’effectua au Conseil. D’abord commissaire dans

différentes affaires particulières

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, il reçut l’inspection des

économats et de la régie des biens confisqués sur les

232 Anne de Givès (elle signait "Gyvès" - cf. Bibl. Nat. Pièces originales, 14, f° 12) avait épousé Antoine d'Aguesseau en secondes noces. Elle se fit religieuse à la fin de sa vie, et mourut au Carmel du faubourg St.Jacques, à Paris. Cf. H.F. d'AGUESSEAU, Discours sur la vie et la mort...,op. cit., p. 6.

233 Dans la succession de son frère, Henri d'Aguesseau trouvait, en effet, la charge de maître des requêtes. Il en reçut la survivance en 1660. En 1661, il acheta la charge de président au Grand Conseil.

234 H.F. d'AGUESSEAU, Discours sur la vie et la mort..., op. cit., p. 33.

235 En 1687, en particulier, il participa aux Grands Jours de Poitiers ; puis il reçut, à la demande du contrôleur général Le Peletier, la mission d'enquêter sur les conditions de la perception de la taille personnelle dans les généralités de Tours et d'Orléans. En 1688, un travail sur les droits des cinq grosses fermes le conduisit en Bourbonnais, Auvergne, Lyonnais, Dauphiné et Provence. Henri François regretta de n'être pas du nombre des heureux collaborateurs de son père dans ces voyages (ibidem, p. 110-112). En 1689, il refusa l'intendance de Dauphiné ; en 1691, il fut choisi par Pontchartrain pour diriger les affaires des manufactures au contrôle général ; en 1693, les économats et le commerce des blés pendant la disette de 1693 ; en 1693, il devint chef du Conseil de Dombes pour le duc du Maine (cf. BOISLISLE, Mémoires du duc de Saint-Simon, t. VI, note 5, p. 259.).

religionnaires fugitifs, appartint au Conseil de la Religion