1.4 Annexe : Sommaire de topologie
1.4.6 Filtres, d’après Bourbaki
Définition 1.4.49.Unfiltresur un ensembleXest une familleFde parties deX telle que
1.; ̸∈FetX∈F.
2. SiA∈FetB∈F alorsA∩B∈F. 3. SiA∈FetB⊇AalorsB∈F.
La condition 2. ci dessus implique que un filtre est stable par intersection finie.
L’exemple usuel de filtre est lefiltre engendrée par un sous-ensemble non vide de A⊂X:
F(A)={B⊆X|B⊇A}.
D’autres exemples :
1. Dans un espace topologiqueXla familleVxde voisinages d’un pointx∈X est un filtre.
2. Si (xn) est une suite dansXla famille
F={A⊂X| ∃n0∈N:∀n≥n0xn∈A} (1.4) est un filtre surX. (Cet exemple se généralise facilement aux suites géné-ralisées de Moore-Smith).
Définition 1.4.50.On dit que le filtreF estplus fineque le filtreG, ou queF raffineG, siF⊇G. Dans ce cas on écritF⪰G.
Exemple 1.4.51.Le filtre F ={X} est moins fine que tous les filtres sur l’en-sembleX.
Exemple 1.4.52.Un ensemble Aest ouvert dans un espace topologique X si et seulement si pour toutx∈Ale filtre des voisinagesVx est plus fine que le filtre F(A) engendré parA.
Si (Fi)i∈I est une famille non vide de filtres sur l’ensembleX, l’intersection
∩i∈IFi est un filtre. Ce filtre est la borne inférieure de l’ensemble de filtresFi, (i∈I). On le note∧
i∈IFi.
Proposition 1.4.53.Soit S une famille de sous-ensembles de l’ensemble X . Il existe un filtreF contentantS si et seulement si pour toute sous-famille finie {A1, . . . ,An}deS l’intersection A1∩ ··· ∩Anest non vide.
Preuve. La condition est évidemment nécessaire car un filtre est stable par inter-section finie et l’ensemble vide ne peut pas appartenir à un filtre. SoitS′la fa-mille formée par les intersection finies de membres deS (en particulierS′⊇S).
On pose
F(S) :={A⊆X| ∃B∈S′A⊇B}.
Il est immédiat de vérifier queF(S) est un filtre contenantS. ⊓⊔
Définition 1.4.54.Soit (Fi)i∈I une famille de filtres sur un ensembleX. On dit que les filtres de cette famille sontcompatiblessi pour tout sous-ensemble fini {F1, . . . ,Fn}⊆∪
i∈IFil’intersectionF1∩ ··· ∩Fnest non vide.
Exemple 1.4.55.Un sous-ensembleC d’un espace topologiqueXest fermé si et seulement si pour toutx∈Cle filtreVx des voisinages dexest compatible avec le filtreF(C) engendré par l’ensembleC. Cela traduit l’assertion queFest fermé si et seulement si pour toutx∈Cet tout voisinageVdexl’intersectionV∩Cest non vide.
De la Proposition1.4.53on dérive immédiatement le corollaire suivant : Corollaire 1.4.56.Soit(Fi)i∈Iune famille de filtres sur un ensemble X . Il existe un filtreFplus fine de tous les filtres de la famille(Fi)i∈Isi est seulement si les filtres de cette famille sont compatibles. Dans on pose
∨
i∈I
Fi=F( ∪
i∈I
Fi
) . Alors∨
i∈IFi⪯F.est la borne supérieure de l’ensemble de filtresFi(i∈I ).
Corollaire 1.4.57.La relation de finesse⪯sur l’ensemble de filtres sur l’ensemble X est inductive : Toute chaîne admet un majorant.
Preuve. Si la famille (Fi)i∈I est ordonnée totalement par la relation de finesse pour tout sous-ensemble fini {F1, . . . ,Fn}⊆∪
i∈IFiil existej∈Itel que {F1, . . . ,Fn}⊆ Fj. Donc l’intersectionF1∩ ··· ∩Fn est non vide. En conclusion, la famille est compatible et∨
i∈IFi est un majorant de toutFi. ⊓⊔
Définition 1.4.58.Unultrafiltre sur l’ensemble X est un filtre sur X maximal pour la relation de finesse.
Exemple 1.4.59 (Ultrafiltres triviaux).Pour tout élément x de l’ensemble X le filtre durXdéfini par
Ux={A⊆X|x∈A}
est un ultrafiltre. Ces ultrafiltres sont dittriviaux.
Proposition 1.4.60.Pour tout filtreF sur l’ensemble X , il existe un ultrafiltreU tel queF⪯U.
Preuve. Par le corollaire1.4.57on peut appliquer le lemme de Zorn à l’ensemble des filtres surX. On obtiens ainsi un ultrafiltre majorantF. ⊓⊔
Proposition 1.4.61.SoitU un ultrafiltre sur l’ensemble X . Si A et B sont des par-ties de X telles que A∪B∈U, alors soit A∈U soit B∈U.
Preuve. Supposons queA∪B∈Uet queA̸∈U. Il est facile de voir que la famille F={C⊂X|A∪C∈U} est un filtre surX. Ce filtre est plus fine queU. PuisqueU est un ultrafiltre on aF=U, ce qui impliqueB∈U. ⊓⊔
Par récurrence on obtient
Corollaire 1.4.62.SoitUun ultrafiltre sur l’ensemble X . Si A1, A2, . . . , Aksont des parties de X telles que A1∪A2∪···∪Ak∈U, alors une des parties Aiappartient à BU.
Théorème 1.4.63.Un filtreFsur l’ensemble X est un ultrafiltre si et seulement si pour tout partie non vide A⊆X on a soit A∈Fsoit X\A∈F.
Preuve. SiF est un ultrafiltre et A⊆X est une partie non vide, par la proposi-tion1.4.61une et seulement une des partiesAetX\Aest un membre deF,
Supposons queF est un filtre sur l’ensembleX tel que pour tout partie non videA⊆Xon a soitA∈FsoitX\A∈F. SoitUun ultrafiltre contentantF. Alors soitA∈U soitX\A∈U. SiA∈UalorsX\A̸∈Uet in particulierX\A̸i nF, Par hypothèse cela implique queAi nF. DoncU⪯F. ⊓⊔
Proposition 1.4.64.Un filtre sur X est l’intersection de tous les ultrafiltres le conte-nant.
Preuve. SoitU(F) la collection des ultrafiltres contenant le filtreF. Évidemment on a
F⪯ ∧
U∈U(F)
U
Supposons queA⊂Xsoit une partie non vide telle queA̸∈F. On poseA′=X\A.
SoitF∈F. Puisque on aF̸⊆A,F∩A′̸= ;, ce qui implique que le filtreFetF(A′) sont compatibles. Le filtreF∨F(A′) est contenu dans un filtre maximalU. Du fait queA′∈U on tire queA̸∈U(Théorème1.4.63). DoncA̸∈∧
U∈U(F)U. ⊓⊔
1.4.6.1 Convergence des filtres dans les espaces topologiques
Définition 1.4.65.On dit que un filtreF sur un espace topologiqueXconverge versx∈X, et on écritx=limF, siFest plus fine du filtre des voisinagesVx:
x=limF ⇐⇒Vx⪯F.
Cette définition généralise la notion de convergence comme le montre l’exemple suivant :
Exemple 1.4.66.SiF est le filtre défini par une suite (xn) (cf. eq. (1.4) alorsx= limFsi et seulement six=limxn.
Définition 1.4.67.On dit quex∈X est unevaleur d’adhérenced’un filtreF sur un espace topologiqueXsi le filtreFest compatible avec le filtre des voisinages Vx: pour toutF∈Fet tout voisinageV dexl’on aV∩F̸= ;.
Remarque 1.4.68.Doncx∈Xest unevaleur d’adhérenced’un filtreFsi et seule-ment si pour toutF∈Fon ax∈F.
Proposition 1.4.69.SiU est un ultrafiltre sur l’espace topologique X et x∈X est une valeur d’adhérence deUalors x=limU.
Preuve. PuisqueVxetU sont compatibles le filtreVx∨U est bien défini et ma-joreU. MaisU est maximal. DoncVx∨U=Uce qui impliqueVx⪯U. ⊓⊔ Théorème 1.4.70.Soit X un espace topologique. Les assertions suivantes sont équivalentes :
1. X est un espace compact.
2. tout filtre sur X admet une valeur d’adhérence.
3. tout ultrafiltre dans X converge.
Preuve. 1. =⇒ 2. Supposons queXest compact. Alors pour toute famille d’en-sembles fermés (Fi)i∈I ayant la propreté d’intersection finie8 on a ∩
i∈IFi ̸=
;. Soit F un filtre sur X. Pour tout sous-ensemble fini {F1, . . . ,Fk}⊆F on a F1∩ ··· ∩Fk ̸= ;et a fortiori F1∩ ··· ∩Fk ̸= ;. La famille d’ensembles fermés {F|F ∈F} a donc la propreté de l’intersection finie. Donc il existex∈∩
F∈FF. Par la remarque1.4.68, le pointxest une valeur d’adhérence du filtreF .
8. On dit que une famille (Fi)i∈Ia la propreté de l’intersection finie si pour tout sous-famille finie {Fi1, . . . ,Fik} l’intersectionFi1∩ ··· ∩Fikest non vide.
2. =⇒ 3. Un ultrafiltre qui admet une valeur d’adhérence converge vers cette valeur.
3. =⇒ 1. Supposons que tout ultrafiltre dansX converge et soitS =(Fi)i∈I une famille d’ensembles fermés ayant la propreté d’intersection finie. Par la Pro-position 1.4.53 il existe un filtreF contenant la familleS et par la Proposi-tion1.4.60un ultrafiltreU plus fine queF. Soitx=limU. Pour toutV ∈Vx et pour toutU∈U, on aV∩U̸= ;carVx⪯U. En particulier pour toutV ∈Vx et pour toutFi∈S, on aV∩Fi̸= ;. Cela implique quex∈Fi=Fipour toutFi∈S. Doncx∈∩
i∈IFi̸= ;. ⊓⊔
1.4.6.2 Image directe des filtres
Définition 1.4.71.Soitf :X→Y et soitFun filtre surX, On pose f∗F={A⊂Y |f−1(Y)∈F}.
Il est immédiat de vérifier quef∗F est un filtre surY qu’on appelle l’image di-recte du filtreFparf.
Lemme 1.4.72.L”image directe d’un ultrafiltre par une application est un ultra-filtre.
Preuve. Soitf:X→Y une application et soitU un ultrafiltre surX. SoitA⊆Y. Soitf−1(A)∈U soitf−1(Y\A)=X\f−1(A)∈U, par le Théorème1.4.63. Donc soitA∈f∗U soitY\A∈f∗U. Par ce même théorèmef∗Uest un ultrafiltre. ⊓⊔ Lemme 1.4.73.Soient f :X→Y une application continue entre espaces topolo-gique etFun filtre sur X qui converge vers x∈X . Alors le filtre f∗Fimage directe converge vers f(x).
Preuve. SoitA∈Vf(x). Puisquef est continuef−1(A) est un voisinage dex; autre-ment ditf−1(A)∈Vx⪯F. Par définition cela signifieA∈f∗F. DoncVf(x)⪯f∗F.
⊓
⊔
1.4.6.3 Filtres dans les produits et le Théorème de Tykhonov Théorème 1.4.74.Soient(Xi)i∈Ides espaces topologiques et pj:∏
i∈IXi→Xj, j∈ I , les projections canoniques définies sur le produit topologique de ces espaces. Soit F un filtre sur∏
i∈IXi. Le filtreF converge dans∏
i∈IXi si et seulement si pour tout i∈I le filtre(pi)∗Fconverge dans Xi.
Preuve. Puisque les projections canoniques sont continue, le lemme précédent montre que la condition est nécessaire. Supposons donc que pour touti ∈I le filtre (pi)∗F converge dansXi versxi ∈Xi. Par définition cela signifie queVxi⪯ (pi)∗F, ou bien que pour toutVivoisinage dexi on ap−i1(Vi)∈F.
On posex=(xi)i∈I∈∏
i∈IXi. Pour tout voisinageVdexdans∏
i∈IXiil existe {i1, . . . ,ik}⊆Iet voisinagesVj dexijdansXij,j=1, . . . ,k, tel que
V⊇p−i1
1 (V1)∩ ··· ∩p−i1
k (Vk)∈F. DoncVx∈F. ⊓⊔
Théorème 1.4.75 (Théorème de Tykhonov).Le produit topologique d’espaces com-pact est comcom-pact.
Preuve. SoitUun ultrafiltre surX=∏
i∈IXi, où (Xi)i∈Iest une famille d’espaces topologiques compact. Notonspi:X→Xi,i∈I, les projections canoniques. On a alors que (pi)∗U est un ultrafiltre dans Xi (lemme1.4.72). Par la compacité deXi et le Théorème1.4.70l’ultrafiltre (pi)∗U converge versxi ∈X. Cela étant vrai pour outi ∈I, l’ultrafiltreU converge dansX, par le Théorème précédent.
Encore par le Théorème1.4.70on conclut queXest compact. ⊓⊔