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Figure 4.3 – Régularités spatio-temporelles des déplacements individuels (Source : Eliot et Daudé [Eliot 2006])

études récentes menées sur des jeux de données réelles. Il apparait en effet que, contraire-ment aux modèles basés sur la marche aléatoire, les motifs mis en évidence à partir des traces des utilisateurs suivent des schémas cycliques contenant des régularités spatio-temporelles fortes [Daude 2005,Ekman 2008,Song 2010,Belik 2011]

Par exemple, Ekman et al. [Ekman 2008] mettent en lumière l’aspect périodique des déplacements en montrant que dans la vie quotidienne certains schémas se retrouvent fré-quemment comme le montre la Figure4.3. En effet, la plupart des personnes vont au travail le matin, passent leur journée au travail, puis rentrent le soir à leur domicile. Les écoliers, eux, se rendent le matin à la station pour attendre le bus, passent leur journée à l’école, se rendent de nouveau à la station pour rentrer chez eux.

Les travaux menés par Belik et al. [Belik 2011] font également état de la périodicité des mouvements, en expliquant que certaines observations de trajectoires aléatoires sur des traces réelles, pouvaient être dues aux échelles de temps d’observation. Ils généralisent ainsi le concept de régularité en introduisant la notion de base, et proposent un modèle dans lequel un agent se déplace de base en base avant de retourner à son point de départ et d’effectuer un nouveau déplacement.

Dans leurs travaux, Daude et Eliot [Daude 2005, Eliot 2006], simplifient les déplace-ments périodiques en les représentant par des trajectoires circulaires. Toutefois, ils ne prennent pas en compte les variations d’amplitude qui surviennent d’un individu à l’autre, une composante pourtant intrinsèquement liée aux comportements humains.

En effet, les travaux menés par Gonzalez et al. [Gonzalez 2008] sur des traces de téléphones portables confirment la régularité des trajectoires, mais mettent également en lumière l’hé-térogénéité des déplacements dans leur amplitude. Ils montrent que certains individus ne se déplacent que dans des espaces très confinés, alors que d’autres explorent de larges zones de leur environnement. Ce résultat confirme la notion intuitive de déplacement dans notre société moderne, puisque nous observons que dans la vie réelle, certains individus sont amenés à voyager sur de très grandes distances, alors que d’autres restent essentiellement confinés à une même ville, une même région ou un même pays.

Le modèle ER que nous proposons vise à représenter la régularité spatio-temporelle des déplacements, en tenant compte de tous les aspects mis en lumières par ces différents travaux : (i) la périodicité du mouvement, (ii) la circularité des trajectoires et (iii) l’hétéro-généité des déplacements, qui permet de distinguer les agents selon qu’ils soient sédentaires ou voyageurs.

4.2. Modèle de mobilité "Eternal-Return" 81

4.2 Modèle de mobilité "Eternal-Return"

Le modèle de mobilité Eternal-Return (ER) définit un type de mobilité spatio-temporelle qui représente la façon dont les individus se comportent quand ils se déplacent d’un lieu à l’autre. Le concept de mobilité a un sens très large. Il fait souvent référence aux déplacements dans la vie réelle d’agents, d’êtres humains, d’animaux ou même de machines pouvant se déplacer dans des zones de nature ou d’échelle différentes. Dans le contexte des humains, la mobilité peut être sociale ou spatiale. En démographie, à l’échelle des popu-lations, elle est synonyme de migration. La mobilité est en effet définie sur la base d’une comparaison entre le lieu de résidence de chaque individu à un instant t et le lieu de ré-sidence un an plus tôt. Selon cette définition, les individus peuvent être classifiés en deux catégories : migrants et non-migrants. (i) Les non-migrants sont ceux qui habitent le même lieu du début à la fin de la période de migration. (ii) Les migrants sont, eux, des individus qui vivent dans des lieux différents entre le début et la fin de cette période.

Dans cette étude, nous considérons plutôt la mobilité à l’échelle individuelle comme la circulation, qui représente le déplacement d’individus tels que des piétons dans un es-pace urbain ou inter-urbain. Le modèle de mobilité ER est défini dans le but de simuler la tendance qu’ont les êtres humains à retourner aux lieux déjà visités. Ce type de mobi-lité correspond typiquement à un déplacement de type domicile-travail. Plus généralement, il peut être observé dans les expériences de la vie réelle sur les trajectoires humaines, qui sont souvent restreintes par la configuration des lieux (rues, signalisation, bâtiments) et qui contrastent avec le comportement stochastique modélisé lors d’une marche aléa-toire [Spitzer 2001]. Typiquement, les individus tendent à suivre des chemins prédéfinis et à reproduire des schémas de trajectoire similaires lors de leurs déplacements dans leur environnement urbain [Daude 2005, Gonzalez 2008].

En nous inspirant de ces résultats, nous avons proposé une représentation simplifiée du déplacement des agents. Bien que le modèle de mobilité ER soit très restrictif, il s’avère être suffisant pour exprimer le fait que certains agents explorent de grands espaces, alors que d’autres sont confinés à de petites zones. Les agents sédentaires (resp. voyageurs) sont ainsi définis par de faibles (resp. fortes) mobilités.

Cette section détaille le modèle de mobilité Eternal-Return. Localement dans un premier temps, en s’intéressant à la mobilité des agents (voir Section 4.2.1), puis globalement en détaillant le fonctionnement du système dans son intégralité (voir Section4.2.2).

4.2.1 Mobilité des agents

Puisqu’un modèle est une simplification du monde réel [Epstein 2008], le modèle ER peut être vu comme une représentation simplifiée de piétons se déplaçant autour de leur "monde" avec une vitesse égale. Chaque agent à sa propre position qui est mise à jour quand il se déplace. L’agent possède également un "en-tête" qui indique la direction qu’il suivra pour avancer. L’en-tête de l’agent est une valeur entre 0 et 360. À chaque pas de temps, chaque agent se déplace tout droit sur une unité. La vitesse de déplacement est ainsi constante et identique pour tous les agents. Entre chaque pas de temps, la nouvelle position d’un agent est déterminée sur la base de sa position actuelle et sa mobilité.

Le modèle ER est construit sur trois principes :

1. Les relations sociales entre les personnes sont uniquement induites par les ren-contres physiques, c’est-à-dire la proximité dans l’espace géographique. La mobilité induit donc un type particulier de liens, et donc de réseau social.

3. Chaque agent a un comportement spatio-temporel cyclique, c.-à-d. que pour chaque agent ai situé à la position pt

i à l’instant t, il existe Titel que pt+Ti

i = pt

i.

Ce type de comportements a été mis en évidence dans des travaux menés sur des données réelles [Ekman 2008,Belik 2011].

Une illustration concrète de ces principes peut être observée dans la vie courante. En effet, on peut constater que dans la vie réelle, les contacts sociaux sont principalement formés selon les chemins que nous suivons et les lieux que nous fréquentons (travail, école, activités, etc.). Ces chemins ont souvent un caractère cyclique, puisque dans les schémas de déplacements les plus répandus, on observe que les individus se rendent sur leur lieu de travail le matin, peuvent aller déjeuner, puis rentrent chez eux.

Sur la base de ces trois axiomes, nous proposons un modèle minimal et synthétique qui suppose que chaque agent se déplace sur un polygone régulier. Dans ce modèle de mobilité, le seul critère de différenciation entre les individus est la longueur du polygone ; il permet de considérer les individus selon une échelle qui va des sédentaires aux grands voyageurs.

Plus précisément, le modèle ER définit la trajectoire des agents comme un polygone régulier, avec un sommet à chaque pas de temps. Pour chaque agent ai, l’amplitude de la déviation à chaque sommet est définie par sa constante angle extérieur, notée αi. Lorsqu’un agent fait le tour du polygone, nous considérons qu’il effectue un tour complet. La somme des angles extérieurs de sa trajectoire est alors égale à 360.

Soit fT Li (full Turn Length), la longueur du chemin que doit suivre un agent ai pour revenir à une position donnée (la taille du polygone). fT Li est ainsi le nombre d’étapes nécessaires pour faire un tour complet. De plus, nous supposons que chaque agent a sa propre direction di, c.-à-d. il marche autour de son polygone soit dans le sens des aiguilles d’une montre, ou dans le sens inverse. Dans le premier cas di= +1, autrement di=−1. Pour chaque agent, le fT L est un nombre fixé aléatoirement, et distribué uniformément dans l’intervalle [3..360], lors du processus d’initialisation. Enfin, nous normalisons cette valeur en la divisant par sa valeur maximum, c.-à-d. f T Li

360 .

Pour chaque agent ai, nous définissons sa mobilité µi par l’équation suivante :

µi= di×f T L360i (4.1) La relation entre la mobilité et l’angle extérieur est donc :

µi× αi= 1 (4.2)

La mobilité µi est ainsi un nombre réel appartenant à l’intervalle [−1, 0[∪]0, +1], et la valeur absolue de l’angle extérieur αi varie de 1 à 120. Par conséquent, les agents les moins mobiles se déplacent sur un petit triangle, alors que les plus mobiles suivent un grand polygone possédant 360 cotés. Le cas extrême de mobilité est obtenu pour α = 0, c.-à-d. µ = ∞, et correspondrait à une trajectoire linéaire.

L’Algorithme4décrit le processus de mobilité ER. Nous pouvons observer que chaque agent détermine son propre mouvement selon sa position courante et sa mobilité µi. Bien que dans la vie réelle un même individu puisse vivre et se déplacer dans différentes régions, définies par exemple par son lieu de résidence ou son lieu de travail, nous considé-rons dans le modèle ER une situation beaucoup plus simpliste dans laquelle chaque agent possède une mobilité invariable. Les agents marchent autour d’un polygone régulier et, comme chacun à la même vitesse, leur seul paramètre caractéristique est leur mobilité. Par conséquent, le comportement local de chaque agent est déterministe et périodique.

4.2. Modèle de mobilité "Eternal-Return" 83

Sur la Figure4.4, nous présentons quelques trajectoires d’agents obtenues avec le modèle ER. Comme il y a de nombreux agents, et donc des périodes différentes, il est difficile de prédire quand et où les agents se rencontreront dans le même voisinage.

algorithme 4 Déplacement des agents selon le modèle ER

Précondition : agents : Liste d’agents 1. %Déplacement des agents selon leur mobilité 2. pour tout agent ai∈ agents faire

3. αiµ1i

4. si di= 1 alors

5. tourner à droite de αi degrés 6. sinon

7. tourner à gauche de αi degrés 8. fin si

9. avancer d’un pas 10. fin pour

Pour clarifier la terminologie et permettre de simplifier l’analyse selon la mobilité, nous définissons deux classes d’agents type : les agents voyageurs et les agents sédentaires. Dans la vie réelle, un individu sédentaire est souvent considéré comme un individu habitant la même localité toute sa vie. À l’opposé, un voyageur est une personne qui se déplace sur des distances plus ou moins grandes.

Enfin, nous précisons que bien que le modèle ER ne nécessite qu’un paramètre spécifique par agent, il est réaliste d’une certaine façon puisqu’il permet de différencier les agents sédentaires des agents voyageurs : les agents sédentaires (resp. voyageurs) étant définis par de faibles (resp. forts) fT l (voir Figure4.4).

4.2.2 Implémentation

Le modèle Eternal-Return a été implémenté avec NetLogo [Wilensky 2009,

Wilensky 1999,Pham 2004], un environnement de modélisation programmable permettant

de simuler des phénomènes naturels et sociaux à base d’agents. Dans NetLogo, l’espace est représenté par une grille à deux-dimensions, connectée circulairement de façon à ce que le modèle soit similaire à un automate cellulaire en 2D, dans lequel le "monde" comprend plusieurs agents disposés sur une grille torique.

Supposons que le système soit simulé sur une grille L1× L2. La densité des agents δ est un paramètre global du modèle2. Ainsi, il y a L1× L2× (1 − δ) emplacements vides et L1× L2× δ agents.

Dans le but de garantir des échantillons équivalents quelle que soit la densité, les simulations présentées dans ce chapitre utilisent toutes une population de 1000 agents. La taille de la grille est donc adaptée selon la densité. Par exemple, si δ = 10% (resp. 5%), alors L1= L2= 100 (resp. L1= 100 et L2= 200).

L’Algorithme 5 détaille le modèle ER. A l’étape initiale t = 0, les agents sont créés et distribués aléatoirement sur la grille (voir Lignes 2-4 Algorithme 5). Les coordonnées d’une surface unitaire (c.-à-d. une cellule dans le contexte NetLogo) sont représentées par des nombres entiers, alors que les coordonnées des agents sont des nombres réels. Ainsi, à un instant donné, plusieurs agents peuvent être situés sur une même cellule.

2. Dans le cas des humains, la densité de population est le nombre d’individus par unité de surface

(a) (b)

(c) (d)

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