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Figure 4.1 – Des données sociales aux modèles : modèles a priori et données simu- simu-lées

susceptibles de développer des relations d’amitié et de créer une dynamique de contacts favorisant la diffusion de rumeurs, d’informations ou même de maladies.

Des travaux récents se sont ainsi intéressés à la mobilité des êtres humains et à ses effets à la fois sur un réseau de contacts, mais également sur les processus de diffusion. Par exemple, des modèles de mobilité synthétiques, tels que des marches aléatoires ou des points de passage aléatoires, ont fourni un support à la conception de réseaux ad hoc mobiles (MANETs) et de protocoles de communication adaptés [Camp 2002]. Cependant, les résultats obtenus à partir de dispositifs de géo-localisation, de téléphones portables, ou même inférés à partir de transactions bancaires, ont montré que les déplacements humains n’étaient pas tout à fait aléatoires, mais s’apparentaient, au contraire, à des schémas spatio-temporels réguliers et reproductibles [Gonzalez 2008,Song 2010,Belik 2011].

Ainsi, dans ce chapitre, qui se situe dans le contexte de la diffusion dans des réseaux dynamiques, nous nous intéressons au cas spécifique où la dynamique du réseau est induite par la mobilité géographique et le lien social est dépendant de la proximité spatiale des individus. Ces travaux s’inscrivent dans l’axe de la modélisation des phénomènes prenant place sur les réseaux sociaux à partir de données simulées (voir Figure 4.1). Notre objectif est de proposer un modèle de mobilité humaine réaliste (1) tenant compte du caractère récurrent observé dans les déplacements humains et (2) utilisable pour répondre à des questions complexes telles que :

1. Comment la mobilité des individus, influence t-elle la diffusion ?

2. Quelles sont les configurations qui favorisent ou non le phénomène de diffusion ? 3. Quelles sont les conditions qui garantissent l’émergence du phénomène de diffusion

quand les agents sont en mouvement ?

Pour répondre à ces questions, nous adoptons une approche multi-agents et proposons le modèle de mobilité Eternal-Return (ER), qui représente synthétiquement les régularités spatio-temporelles observées sur les déplacements des êtres humains.

Dans le modèle, chaque agent est caractérisé par un unique attribut mobilité, qui représente la façon dont il se déplace dans l’espace. Cet unique paramètre permet ainsi de

différen-4.1. Modélisation de la mobilité humaine : un état de l’art 77

cier les agents selon qu’ils soient sédentaires, c.-à-d. à mobilité faible, ou voyageurs, à une mobilité forte. Le critère de mobilité est donc intrinsèquement lié à la taille de l’espace géo-graphique dans lequel les agents évoluent. Typiquement, un agent sédentaire ne se déplace que dans son voisinage immédiat, alors qu’un voyageur explore une vaste zone avant de retourner à son lieu de résidence.

Notre modèle réduit ainsi considérablement la complexité du monde réel à un comportement social élémentaire. Ce modèle minimal a été intentionnellement adopté afin de ne conserver que les mécanismes pertinents de la mobilité, tout en ayant que très peu de paramètres. Dans le modèle ER, nous supposons que les liens sociaux entre les agents sont uniquement induits par la proximité des agents dans l’espace géographique. La mobilité des individus définit d’une part le nombre de contacts de proximité qu’un agent peut établir à un ins-tant donné, mais également la structure du réseau de contacts sous-jacent qui supporte le phénomène de diffusion. Ainsi, comme dans la réalité, un individu n’est en contact qu’avec une faible proportion de la population [Crooks 2009], c.-à-d. ceux qui sont géographique-ment proches de lui. De tels contacts ont d’ailleurs une signification sociale forte, car ils surviennent quand les "routes se croisent" et que deux personnes se rencontrent dans un es-pace spatio-temporel confiné. De telles interactions sont rarement dénuées de sens, puisque chacune d’entre elles est susceptible de transmettre une information, une rumeur, une ma-ladie infectieuse, une nouvelle, etc.

L’intérêt d’un tel modèle est double. (i) Du point de vue du réseau, le modèle de mobilité proposé permet d’étudier l’effet des déplacements des individus sur le réseau de contacts sous-jacents. (ii) Au regard du phénomène de diffusion, le modèle permet de comprendre comment et pourquoi la mobilité des individus influence les processus de diffusion.

Le contenu de ce chapitre est organisé comme suit. La Section 4.1 présente un état de l’art des travaux menés sur les modèles de mobilité. La Section4.2décrit formellement le modèle ER. Dans la Section 4.3la pertinence de l’approche est démontrée en étudiant plusieurs aspects fondamentaux liés aux déplacements des individus selon le modèle ER. Dans la Section4.4nous nous intéressons au problème de la diffusion quand les agents sont en mouvement. Nous montrons en premier lieu qu’il existe des seuils de densité qui garan-tissent la percolation sur le réseau de contacts sous-jacents. Puis nous étudions l’impact de la mobilité sur le processus de diffusion. La Section 4.5 présente l’outil graphique qui implémente notre solution. Enfin, la Section4.6conclut ce chapitre.

4.1 Modélisation de la mobilité humaine : un état de

l’art

De nouveaux défis sociétaux tels que l’aménagement urbain, l’amélioration du trafic, ou la gestion de crises sanitaires nécessitent une meilleure compréhension des comportements et des schémas de déplacements des individus dans leur environnement. Cependant, le manque d’outils généraux (juridiques, institutionnels, matériels, etc.) pour suivre ces déplacements a souvent été un obstacle dans l’extraction de toute connaissance à partir de situations réelles.

Dans le domaine de l’informatique, c’est la communauté des réseaux de communication qui a le plus contribué à la compréhension de ces processus. En effet, avec les nouvelles pro-blématiques soulevées par les réseaux de type MANETs, liées essentiellement à l’émergence des périphériques mobiles tels que les capteurs sans fil, les téléphones portables, les tablettes ou les puces RFID1, la mise en place de protocoles adaptés à la mobilité des individus est

devenue un enjeu majeur. Pour mesurer efficacement les performances d’un nouveau proto-cole sur un réseau ad hoc composé de périphériques mobiles, il est impératif de s’intéresser avec précision, à la façon dont les individus se déplacent dans un espace géographique. Ce type d’étude permet par exemple de déterminer dans quelles configurations les protocoles ou algorithmes proposés seront les plus efficaces.

Deux types d’approches sont traditionnellement utilisées, comme nous l’avons rappelé sur la Figure4.1: (i) Soit la mobilité des individus est simulée à partir de données réelles, obtenues par exemple grâce aux relevés GPS ou aux traces de connexion par WiFi ou Blue-tooth. [Sanchez 2001, Henderson 2004]. (ii) Soit des modèles synthétiques de déplacement sont utilisés pour représenter de façon plus ou moins réaliste, les trajectoires des individus sur une zone géographique.

Pourtant, bien que les traces obtenues à partir de l’approche (i) fournissent souvent des informations précises sur les déplacements des individus, particulièrement quand le nombre d’agents est élevé et que la période d’observation est importante, nous observons que c’est l’utilisation de modèles synthétiques qui est aujourd’hui la plus répandue.

Nous pouvons expliquer cet intérêt pour la modélisation par trois facteurs principaux. Le premier est que la collecte d’informations personnelles sur les utilisateurs pose néces-sairement des problèmes de confidentialité, qui rendent souvent très difficile la collecte, l’exploitation et la publication de ces données. Le deuxième concerne la fiabilité de ces don-nées. En effet, quand des données issues de traces sont disponibles, elles sont généralement sémantiquement liées à l’environnement dans lequel elles ont été collectées et ne peuvent donc pas être généralisées à d’autres scénarios. Par exemple, on peut supposer que des traces issues de déplacements dans une école, sont très différentes de traces issues de déplacement dans un centre commercial. Le troisième facteur d’intérêt concerne finalement la valeur ajoutée de ces modèles pour les chercheurs [Jardosh 2003]. Les simulations fournissent en effet des environnements paramétrables, permettant de simuler différents scénarios, allant par exemple des plus chaotiques aux plus favorables, d’isoler certains paramètres pour en étudier les effets, ou même de comparer les résultats obtenus avec différentes configurations pour rechercher des corrélations.

De nombreux modèles de mobilité ont ainsi été proposés. Ces modèles ont souvent pour objectif de reproduire les déplacements d’individus en tenant compte des changements de direction et de vitesse qui surviennent au cours du temps. Les modèles de mobilité les plus répandus sont basés sur un mouvement aléatoire des individus. Intéressons-nous par exemple aux trois principaux.

(i) La marche aléatoire (random walk) [Spitzer 2001] est certainement le modèle de mobilité le plus simple et le plus largement utilisé. Dans ce modèle, on suppose qu’un individu se déplace de sa position courante à une nouvelle position en sélectionnant aléatoi-rement une direction et une vitesse. La vitesse est sélectionnée dans un intervalle prédéfini [Vmin..Vmax] et l’angle dans l’intervalle [0..2π]. Le noeud bouge ainsi dans cette direction et à cette vitesse soit pendant une période de temps donné ou pendant un certain nombre d’itérations. Dans sa version de base, la marche aléatoire suppose que l’espace dans lequel évoluent les individus n’est pas torique. Ainsi, quand un individu atteint une des limites de l’espace, il "rebondit" et recalcule une vitesse et une direction.

La Figure4.2montre des exemples de marches aléatoires obtenus avec 3 individus (un par couleur) dans un espace en 2D.

(ii) Les points de passage aléatoires (random waypoints) [Bettstetter 2004] consti-tuent une extension de la marche aléatoire qui introduit des temps d’arrêt entre les chan-gements de direction et de vitesse. Dans ce modèle, un individu est en premier lieu affecté à une position donnée pendant un certain temps, c.-à-d. le temps d’arrêt. Une fois cette

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Figure 4.2 – Exemple de marches aléatoires obtenues avec trois agents

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