• Aucun résultat trouvé

F IGURE 36 L’ INNOVATION INSTITUTIONNELLE : UNE INJONCTION FAIBLE , POUR FAVORISER L ’ INNOVATION

INTERPRETATION Enseignant 1 ACTIVITE classique, « conforme » INTERPRETATION Enseignant 2

C’est loin d’être suffisant néanmoins pour permettre à l’innovation institutionnelle de se développer et de s’installer dans les pratiques. Je montrerai plus loin (chapitre 5) que pour profiter de la dynamique instaurée par l’institution, il faut qu’elle soit en mesure d’instituer ces formes nées sur le terrain. Je m’en tiendrai à ce stade de mon argumentation à cette première étape, car ce qui m’intéresse ici, c’est l’analyse de la tâche qui m’a été prescrite en 2011 et l’activité qui en a résulté, la mise en place d’un concours-photo. Une partie de cette analyse a été menée précédemment, puisque j’ai montré dans quel contexte la question des « territoires du quotidien » avait été introduite dans les programmes, un contexte que je propose d’interpréter, depuis le champ de la recherche, comme une volonté de développer de nouvelles formes de relationalité dans une école et dans une classe de géographie caractérisée par son manque de connexion sur le monde. Il s’agit à présent, à l’aide du modèle de l’analyse de l’activité tel que je viens de le définir (Figure 34), de mettre en relation ce contexte institutionnel avec l’interprétation que nous en avons faites, sur le terrain, dans le champ de la pratique, et de l’activité qui en a résulté, la mise en place d’un concours-photo.

C. E

N

2011,

LE CONCOURS

-

PHOTO

,

UNE INTERPRETATION PARMI D

AUTRES D

UNE PRESCRIPTION

:

L

ENSEIGNEMENT DES TERRITOIRES DU QUOTIDIEN

Le modèle défini plus haut (figure 34), et adapté à la situation professionnelle ici envisagée, l’enseignement, me conduit à proposer à en proposer à présent une version adaptée à l’analyse de notre concours-photo.

TÂCHE : réaliser une étude de cas sur « les territoires du quotidien »

ACTIVITE Elaboration d’un concours-photo FIGURE 37 ANALYSE D’UNE ACTIVITÉ, NOTRE CONCOURS-PHOTO

INTERPRETATION de la tâche par Ariane J. et moi, enseignantes en lycée à Boulogne-Billancourt

En quoi consiste la tâche ? Dans quel contexte est-elle prescrite ? Quel est son degré de précision ?

Quel est le contexte propre à l’opérateur ? A son poste de travail ?

Quelle forme l’opérateur donne-t-il à la tâche prescrite ? En quoi se distingue-t-elle / s’apparente- t-elle aux formes données par d’autres opérateurs ?

Il s’agit donc ici d’analyser successivement la tâche, le contexte dans lequel cette tâche est interprétée, et l’activité qui en a résulté. Je ne m’attarderai pas sur l’analyse de la tâche (), qui a déjà fait l’objet d’un long développement dans les parties précédentes, et me contenterais d’en rappeler les conclusions : il s’agit une tâche qui consiste à prescrire aux enseignants l’enseignement des territoires du quotidien, prescription qui reste néanmoins faible et floue sujette à de nombreuses interprétations possibles ; plus largement, il s’agit d’une tâche qui s’inscrit dans un contexte de volonté de rénovation du système scolaire par l’institution scolaire elle-même, dans la continuité d’autres tâches prescrites depuis les années 1980, et qui se sont matérialisées par différents dispositifs, « éducation à » et « enseignements à sigles ». Plus généralement encore, il s’agit de tâches dont l’objectif sous- jacent est de favoriser la relationalité, autrement dit la mise en relation des disciplines entre elles sous la forme de l’interdisciplinarité, la plus connue, mais aussi de nombreuses autres formes de relation, avec le monde social, avec le monde matériel, à l’intérieur de la classe.

Lue de cette manière, la réponse () que j’ai apportée en 2011 sous la forme d’un concours-photo, n’est pas si éloignée de la prescription qu’il pourrait paraître à priori. Je reviendrai sur ce point dans le chapitre suivant, dans lequel je préciserai de quelle manière nous l’avons introduit dans nos classes. Mais on peut déjà avancer ici que notre concours- photo permettait de mettre en œuvre cette relationalité. Il s’agissait en effet d’un exercice commun à nos deux classes, invitant les élèves à se rendre sur le terrain, sur les anciens terrains Renault, à proximité du lycée, pour y prendre une photographie accompagnée d’un texte d’explication, à savoir une représentation à un moment donné de leur expérience personnelle de cet espace, et ce à l’issue du cours.

Cette réponse, sous la forme d’un concours-photo, et l’interprétation qui en résulte, est singulière. Il y avait en effet de nombreuses autres interprétations possibles de la même tâche, je l’ai montré plus haut, et donc de nombreuses autres formes susceptibles d’être données sur le terrain à cette tâche. On pourrait par exemple se tourner par exemple vers l’analyse des manuels scolaires, ou encore vers l’analyse de séquences proposées en ligne, sur des blogs ou des sites académiques, par des enseignants. Cela excèderait cependant largement mon propos. Je me contenterai de citer un extrait du billet, publié en 2012 par Cécile Gintrac sur le carnet de recherche Aggiornamento hist-géo, intitulé « Portrait romantique d’une ville française (vraisemblablement à la portée de tout élève de Première) » et qui commence ainsi :

« Rien ne va plus dans notre bonne ville de XXXX : le SCOT est contesté par l’opposition pour son volet PADD. C’est crucial car, rappelons-le, le SCOT reste opposable au PLU (qui remplace le POS depuis la loi SRU) mais aussi au PDU, à l’arrêt lui aussi depuis des mois. Soudain, c’est la stupeur dans la salle du conseil municipal : quelqu’un a-t-il pensé à considérer les zones rouges et bleues du PPR ? Il ne manquerait plus que la préfecture s’en mêle ! […] » (Gintrac, 2012) 101.

La lecture proposée dans ce « portrait romantique » est diamétralement opposée à la nôtre : là où nous nous étions focalisées sur l’étude de cas sur les territoires du quotidien, la partie du chapitre qui est là caricaturée est la suivante, sur les acteurs et les enjeux de l’aménagement. Là où nous avions vu la possibilité d’une sortie sur le terrain, et d’une réflexion autour de l’habiter102, d’autres lisaient dans le programme une invitation à multiplier

les sigles barbares103. Il faut dire que le contexte envisagé est différent : en 2011 en effet, les

classes de Première Scientifique passent l’histoire-géographie comme épreuve anticipée du baccalauréat. Les professeurs s’inquiètent alors de ce que les élèves « ont à savoir » pour le bac. Inquiétude qui n’était pas la nôtre, puisque nos classes de Première ES n’étaient pas des classes à examen, et ne pouvaient donc pas être pénalisées par notre manière d’interpréter les programmes, autorisant ainsi « la déviance ».

101 Cécile Gintrac, 2012, Portrait romantique d’une ville française, carnet de recherche en ligne aggiornamento,

http://aggiornamento.hypotheses.org/702, consulté le 07/05/2016.

102 Je reviendrai plus loin sur cette notion

103 Une telle variation peut s’expliquer par le contexte : en 2011-2012, pour la première fois, l’histoire-géographie

est évaluée au baccalauréat en classe de Première dans les sections scientifiques poussant les enseignants à proposer à leurs élèves un contenu dense et normatif.

Tâche :

l’enseignement des territoires de proximité

Un cours qui met l’accent sur l’étude de cas introductive et une étude par le local

Outline

Documents relatifs