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F IGURE 65 L ES TROIS APPROCHES DE LA GÉOGRAPHIE DE L ’ ART

A. P

REMIERE APPROCHE

:

LA GEOGRAPHIE DES LIEUX DE L

ART

La première approche, dite « fonctionnaliste » ou « géographie des lieux de l’art » s’inscrit dans le prolongement d’une géographie des lieux culturels (Grésillon, 2008 in Volvey, p.26). Son analyse est centrée sur l’espace et le lieu, interrogeant la question de son usage via la forme artistique. Utilisant les outils théoriques de l’économie urbaine et régionale, elle s’intéresse à la manière dont les phénomènes culturels sont transformés en ressources principales d’une économie de consommation. Elle s’appuie sur le modèle de la ville créative énoncé par Richard Florida (2002), et sur la critique que ce modèle a suscité par la suite. Pour Richard Florida en effet, la présence d’une classe créative (c'est-à-dire une population urbaine, mobile, qualifiée et connectée) dans un lieu en développerait l’attractivité économique. Aux aménageurs alors de développer des infrastructures ou des évènements susceptibles d’attirer

Espace / lieu

Forme artistique Usage / pratique

Géographie des lieux de l’art. Ex. Florida, 2002*. Volvey, 2012, T3, p.25- 39

Approche non représentationnelle. Ex. Massey & Rose, 2003 Volvey, 2012, T3, p.44-53 Approche représentationnelle. Ex. Cosgrove et Daniels, 1988, Staszak, 2003 Volvey, 2012, T3, p.39 - 44 Approche relationnelle et performative. Ex. Volvey Volvey, 2012, p.53-sq. spatiale artistique

*L’ensemble des références bibliographiques données dans cette partie provient des travaux d’Anne Volvey, et ne sont donc pas de première lecture.

puis de retenir ces classes créatives. En France, cela peut se traduire par exemple par des évènements comme « Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture 2013 » ou comme la création d’espaces à fonction culturelle comme les très iconiques Centre Georges Pompidou à Metz, le Louvre Lens, dans l’objectif afin d’obtenir un retour sur investissement mesurable en termes d’implantation d’entreprises de haute technologie, de création d’emploi, de pratiques de chalandises touristiques etc. Se développe ainsi un marketing culturel territorial, dont les visées peuvent être contradictoires, pour une part le développement économique, à destination des décideurs éco et des touristes, de l’autre à destination des habitants dont l’objectif est le vivre-ensemble, la durabilité du cadre de vie.

B. L

ES APPROCHES

«

REPRESENTATIONNELLE

»

ET

«

NON REPRESENTATIONNELLE

,

RELATIONNELLE ET PERFORMATIVE

»

Ce deuxième type d’approche se subdivise en deux formes. D’une part une approche représentationnelle, qui prend en charge un art de la représentation visuelle, et tout particulièrement de la peinture de paysage. D’autre part une théorie non représentationnelle de l’art, centrée sur la pratique spatiale. Les deux ont en commun d’interpréter les référents symboliques spatiaux associés à l’œuvre d’art, mais la nature de l’œuvre d’art varie : la première s’intéresse avant tout aux peintures de paysage ; la deuxième aux installations et performances.

L’approche représentationnelle a surtout été développée par des géographes anglophones (Gosgrove & Daniels, 1988 ; Hawkins, 2011), avec quelques représentants français, comme Augustin Berque (1992, 1994). Ils proposent de lire les représentations paysagères comme un ensemble ordonné de signes vecteurs d’un contenu symbolique et comme technique de mise en ordre spatial (la perspective linéaire). Si les genres varient (art cartographique, Cosgrove, 2008, cinéma, danse, photographie, Rose, 2002, Schwartz et Ryan, 2003, littérature, Frémont 1976, Tissier, 1981 in Volvey, op. cit., p.40-41), il s’agit pour chacun de montrer comment les œuvres sont des accès à la construction historicisée de monde ou de géographie. On pourrait citer par exemple les travaux de Jean François Staszak sur les Géographies de Gauguin (2003).

L’approche qualifiée de « non représentationnelle, relationnelle et performative » est centrée « sur les pratiques et leur spatialité, c'est-à-dire sur la relation expérientielle du public

PARTIE 2DANS LE CHAMP DE LA RECHERCHE ; CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

avec la forme artistique, lorsque celle-ci se déploie dans l’espace public sous la forme d’installations ou de performances » (Volvey, op. cit., p.45). Autrement dit, le genre artistique interrogé dans ce type d’approche est celui qui utilise non pas la représentation, stabilisée par exemple sous la forme d’une peinture, mais la performance ou l’installation, utilisant des formes non verbales, comme l’engagement du corps (la « performance »177). C’est donc la

dimension relationnelle de l’art public qui est prise en charge ici et qui est interrogée via des entretiens et l’observation des interactions du public avec l’objet exposé ainsi qu’entre les personnes composant le public de cet objet exposé. Il s’agit de montrer comment les installations et les performances fabriquent de l’espace, un espace appréhendé au sens métaphorique du terme. C’est d’ailleurs la limite de cette approche qui ne prend pas en compte le lieu dans lequel l’objet se tient.

C. L’

APPROCHE

«

RELATIONNELLE ET PERFORMATIVE

».

La troisième approche est celle adoptée par Anne Volvey elle-même, et qu’elle qualifie de « relationnelle et performative » ou encore « d’approche spatiale de la pratique artistique » (p.26). Comme la précédente, l’approche consiste à s’intéresse à la manière dont l’artiste travaille avec le lieu, sous la forme d’installations ou de performances. A la différence de la précédente cependant, son analyse porte non pas sur la réception des spectateurs et la pratique spatiale qui en résulte (en aval), mais sur la conception de l’œuvre par l’artiste lorsqu’il utilise l’espace comme support et matière même de leur œuvre, autrement dit sur sa pratique artistique de l’espace (en amont). Cette dernière approche place ainsi « la pratique de terrain, en tant que « faire avec l’espace », au centre de la réflexion sur l’art aujourd’hui et appuie une compréhension du spatial turn artistique contemporain d’une perspective proprement géographique » (Volvey, op. cit. p.3). Il s’agit donc de proposer une mise en intelligibilité de la pratique des artistes contemporains grâce aux outils conceptuels de la géographie. Ce faisant, cela renouvelle les approches de l’art contemporain menées en esthétique ou en histoire de l’art : à la différence en effet de Gilles Tiberghien (1996) ou Michel Onfray (2003)178, l’œuvre n’est plus considérée (ou pas seulement) sous l’angle du résultat

177 Anne Volvey rappelle (op. cit., note 53) que « to perform » « désigne les modaltés de la construction de

l’identité sociale à partir de l’engagement du corps dans toutes ses dimensions physiques, émotionnelles, physiques ».

178 Sur l’analyse desquelles elle revient p.4 à 25, en montrant comment Gilles Tiberghien, dans son analyse des

mais aussi sous l’angle du processus. Pour cela, elle mobilise un corpus allant du Land Art, tel qu’il a été défini par Tiberghien, soit un courant qui s’est développé aux Etats-Unis dans les années 1970 et inauguré par des artistes tels que Robert Smithson (par exemple Spiral Jetty, 1970,Figure 66 Spiral Jetty réalisée par Robert Smithson en avril 1970, Grand Lac Salé, Utah, 457 m de long, 6 m de large), jusqu’à des œuvres européennes et plus récentes, telles les œuvres du collectif La Luna, de Till Roeskens179, ou encore Ernest Pignon Ernest.

FIGURE 66SPIRAL JETTY RÉALISÉE PAR ROBERT SMITHSON EN AVRIL 1970,GRAND LAC SALÉ,UTAH,457 M DE

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