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F IGURE 29 S CHÉMA D ’ UNE CLASSE DANS SES DIFFÉRENTS ÉTATS , AU COURS D ’ UNE ANNÉE SCOLAIRE

Ce chapitre m’a permis d’élaborer une étape supplémentaire dans mon raisonnement. L’objectif que j’ai fixé à cette première partie est en effet de rendre intelligible une action que j’ai menée dans la pratique autrement dit la mise en place d’un concours de photographie en 2011. Cela m’a conduite dans le chapitre 1 à tenter de comprendre ce qui caractérise les concours de photographie, à définir leurs propriétés, et à conclure qu’ils sont des méga- connecteurs, caractérisés par leur dimension relationnelle. Dans ce chapitre, c’est à la classe de géographie que je me suis intéressée, pour en caractériser, à gros traits, le fonctionnement ordinaire. J’en ai conclu, en m’appuyant sur les recherches menées en didactique de l’histoire- géographie, qu’elle manquait de connexions avec le reste du monde. Cela m’a permis, dans le même temps de me doter d’un outil, un modèle et qui me servira dans la suite du raisonnement à la fois de grille de lecture pour interpréter les transformations que peut connaître la classe ordinaire sous l’effet de l’intervention de différents acteurs, voire pour provoquer des transformations depuis ma posture de praticienne-chercheure impliquée dans une recherche-action, posture et méthodologie que je présenterai plus loin (2ème partie). Le

portrait comme le modèle ainsi réalisés ne sont pas sans poser question sur le plan méthodologique. S’ils ne sont pas justes ni exacts, ils ont vocation à l’être autant que possible, dans la limite où il est possible de diviser, séparer, conceptualiser ce qui dans le monde réel est ensemble.

SUR LE MONDE

Des chapitres précédents, il ressort qu’une des propriétés des concours de photographie est leur dimension relationnelle, qui en fait des méga-connecteurs, tandis que la classe ordinaire de géographie peine à se connecter au monde. Ce serait alors pour répondre à un besoin de connexions que nous aurions introduit un concours de photographie dans nos classes.

Il est probable cependant que ce besoin ne se serait pas autant fait sentir s’il n’avait été corrélé simultanément à une demande institutionnelle, faite aux enseignants, de développer des connexions nouvelles dans leur classe, autrement dit si l’institution scolaire n’avait pas elle-même fait le diagnostic de ce manque de connexions et tenté de le résoudre. C’est donc du côté de l’institution scolaire que je propose à présent de me tourner, en examinant les différentes réformes qu’elle a mis en place dans les années qui ont précédé notre concours- photo, à l’école en général et dans la classe de géographie en particulier et les interpréter, à l’aide de la grille de lecture élaborée dans le chapitre 2, comme une volonté de connecter la classe sur le monde.

Deux échelles seront ainsi successivement abordées : celle de l’école en général puis celle de la classe de géographie en particulier. A l’échelle de l’école dans son ensemble, les dispositifs se sont en effet multipliés, qu’il s’agisse des « éducations à » depuis la fin des années 1970, ou plus récemment des enseignements que j’ai qualifié d’enseignements « à sigles », IDD, TPE, AP, HIDA81, Enseignement d’Exploration82 ou les futurs EPI83. Tous ont en

commun de promouvoir l’interdisciplinarité, la pédagogie du projet, et plus largement la mise en relation des classes avec le monde social et matériel. C’est également le cas à l’échelle de l’enseignement de la géographie : l’introduction de nouvelles notions dans les programmes,

81 Qui restera largement lettre morte en lycée. 82 En lycée uniquement.

comme « l’habiter », « mon espace proche » ou « les territoires de quotidien » appelle à une géographie mobilisant davantage le sensible, les échelles micro, et le contact avec le terrain. Ainsi, abordé à travers le prisme de la relationalité, le projet de l’institution apparait dans sa globalité, et sa cohérence. Pourtant, cela n’explique pas comment il a pu déboucher, en 2011, dans un lycée de la banlieue parisienne, dans une classe de géographie, sur un concours-photo. Si on saisit bien le rapport entre ce projet et notre concours-photo, l’un visant à connecter la classe sur le monde, l’autre permettant de le faire (c’est du moins notre hypothèse), on comprend moins comment ce projet a pu apparaître dans toute sa cohérence à deux enseignantes, à tel point qu’elles aient imaginé un outil en tout point conforme à la demande institutionnelle ? Pour le comprendre, il faut se tourner vers les notions « d’innovation institutionnelle », de « tâche » et « d’activité » qui permettent d’appréhender l’écart qu’il y a entre toute tâche et toute activité, un écart délibérément accentué par l’institution scolaire lorsqu’elle souhaite innover, comptant ainsi sur une avant-garde d’enseignants pour faire des propositions innovantes, qu’elle espère pouvoir en retour, de manière incrémentale, rediffuser dans l’ensemble des pratiques.

I. De nouveaux dispositifs pour ouvrir les classes sur le monde

Depuis la fin des années 1970, de nombreux dispositifs ont été introduits dans l’école par l’institution scolaire. J’en retracerai tout d’abord la chronologie, avant de montrer comment les notions d’interdisciplinarité, et plus largement de transversalité permettent d’en saisir la cohérence, et permettent d’interpréter ces dispositifs comme une tentative pour ouvrir les classes sur le monde.

A. D

EPUIS LA FIN DES ANNEES

1970,

LA MULTIPLICATION DE NOUVEAUX DISPOSITIFS DANS LA FORME SCOLAIRE

1. Depuis les années 1970, la prolifération des « éducations à »

Dans un premier temps, à partir de années 1970, l’institution scolaire a multiplié des dispositifs qu’on regroupe aujourd’hui sous le nom « d’éducation à » : éducation à la santé, à l’environnement, à la sécurité routière etc. Interdisciplinaires, les savoirs en jeu dans les

« éducation à » portent moins sur des savoirs au sens strict que sur des comportements ou des valeurs éthiques et politiques et visent davantage à la transformation des pratiques sociales. Cependant, l’enseignement de tels savoirs n’est pas à proprement parler nouveau, et on le trouve déjà sous la IIIème République avec les croisades hygiénistes ou l’inculcation de sentiments nationalistes (Fabre 2014). Pour Michel Fabre, ce qui est nouveau, c’est leur « prolifération ». Inaugurées en 1973 par la circulaire Fontanet qui instaurait l’obligation d’une « information et éducation à l’école », les « éducations à » se succèdent ensuite régulièrement : éducation à l’environnement en 1977 (Circulaire n° 77-300 du 29 août 1977) ; en 1985 introduction de six thématiques transversales en collège : éducations à la consommation, au développement, à l’environnement et au patrimoine, à l’orientation84, à

l’information, à la sécurité (arrêté du 14 novembre 1985) ; en 1998 une nouvelle thématique est introduite, la santé (circulaire du 24 novembre 1998). L’importance donnée à l’éducation à l’environnement, associée cette fois-ci au développement durable est réaffirmée en 2004 (BO n°28, 15 juillet 2004), et à nouveau en 2008, sous le nom d’éducation « au développement durable » (BO n°25, 19 juin 2008). On pourrait y ajouter en 2008 l’introduction de l’enseignement obligatoire de l’histoire des arts (BO n°32 du 28 août 2008), même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une « éducation à » telle que nous venons de la définir85, ou plus

récemment encore, le projet d’une éducation à l’égalité homme-femme proposé par la ministre de l’Education Nationale, Najat Vallaud Belkacem, expérimenté par les ABCD de l’égalité à la rentrée 2013 (et abandonné à la rentrée 2014).

Une des particularités de ces « éducations à » est d’être intégrée dans les disciplines elles-mêmes, à charge pour elles de dégager le volume horaire : ainsi, l’arrêté du 15 novembre 1985 qui fixe la mise en place de six « éducations à » précise :

« Elles ne font pas l’objet d’un enseignement spécifique et ne nécessitent donc pas un horaire supplémentaire. [Elles] sont prises en charge par les professeurs des différentes disciplines » (annexe à l’arrêté du 15 novembre 1985).

84 Qui restera largement lettre morte en lycée. 84 En lycée uniquement.

84 La signification de ces différents sigles sera explicitée plus loin.

85 Comme je l’ai montré dans le mémoire que j’ai rédigé pour mon master II, « Histoire de l’art, histoire des arts,

débats d’école », dans lequel j’ai montré le statut hybride et par conséquent inclassable de cet enseignement,

C’est tout aussi explicite pour l’histoire des arts. Ainsi, en collège :

« Toutes les disciplines scolaires contribuent à l’enseignement de l’histoire des arts, en cohérence avec les volets « histoire des arts » de leur programme disciplinaire. Assuré en premier lieu par les disciplines constitutives de la culture humaniste, l’enseignement de l’histoire des arts représente un quart du programme d’histoire et la moitié des programmes d’éducation musicale et d’arts plastiques » (BO spécial n°32, 28 août 2008).

C’est également le cas pour les EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires) qui seront mises en place à la rentrée 2015-2016.

2. De nouveaux dispositifs d’enseignement à partir des années 2000 : des

enseignements « à sigles »

A ces « éducations à » viennent s’ajouter, à partir des années 2000, de nouveaux dispositifs d’enseignement, dotés eux d’un volume horaire spécifique, présentés dans le tableau ci-dessous et qu’on pourrait qualifier d’enseignements « à sigle ».

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