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Critères Linguistiques Du Figement

V. Le figement et les stéréotypes

Le stéréotype pourrait, également être considéré comme une forme du figement qui correspond beaucoup plus à la strate sémantique. En effet il a été abordé par le philosophe américain Hilary Putnam comme

l’objet d’une théorie sémantique dans son article Is semantics possible? en 1970 qui porte sur la signification des noms d’espèces naturelles. Selon Putnam, le stéréotype est une idée conventionnelle, associée à un mot dans une culture ou communauté donnée. Ainsi pour le tigre on associe les rayures, pour le citron, l’acidité et un type de peau épaisse, pour l’eau sans couleur, transparence, sans goût qui étanche la soif, etc». De ce fait le stéréotype est une expression employée pour associer à un mot un sens général lié à une culture ou une communauté donnée.

C’est une représentation simplifiée associé à un mot obligatoire pour assurer un bon usage de la communication (…). Le stéréotype assure une description du sens en usage, fondée sur la reconnaissance de la norme sociale et culturelle.

Cette idée s’oppose à la théorie des conditions nécessaire et suffisantes « le sens d’un mot, étant compris comme ce qui détermine sa référence, est constitué des conditions que doit remplir un référent pour être adéquatement dénommé par ce mot ».MARTIN-BERTHET Françoise (1993 :117).

En effet, des citron dont la peau n’est jaune sont toujours des citrons (la couleur jaune est un trait distinctif nécessaire mais non suffisant de la définition des citrons). Le rapport entre le stéréotype et les locutions ou les l’expression figées c’est que le stéréotype, comme étant un figement au niveau des idées attachées à des unités lexicales se manifeste dans le langage sous forme des expressions figées ou en cours de figement.

Dans une étude comparé entre de l’espagnol et du français Ariane Desportes et Françoise Martin-Berthet (1995) souligne la nécessité de prendre en compte les unités phraséologiques de chaque langue pour décrire les stéréotypes » Nous concluons que locution, cliché et stéréotype font partie d’un continuum des expressions figées, avec les adverbes aide –toi, le ciel t’aidera et les slogans le poids des mots, le choc des photos. TAIBAOUI Mohammed (2009 :24)

VI. Le Défigement

Pour mieux comprendre le phénomène de défigement, rappelons-nous le fonctionnement des phrases libres : « Les constructions libres sont caractérisées par l’existence de paradigmes permettant des substitutions définies par les contraintes d’arguments et par des modifications et des restructurations qui dépendent de la nature sémantique et syntaxique de la relation existant entre le prédicat et ses arguments. On peut ainsi calculer le nombre de variations potentielles pour une construction donnée. Toute transgression à ces possibilités est considérée comme une faute, comme par exemple une construction avec un verbe instransitif. Le seul jeu possible consiste à introduire dans un domaine d’arguments, caractéristique d’un prédicat donné, un substantif qui ne fait pas partie de la classe sémantique en question. La littérature use de cette possibilité de façon constante dans le cadre de la métaphore». (Gross, G : 20)

En comparaison avec les constructions libres, caractérisées par la possibilité de surprendre le lecteur par une métaphore, les séquences contraintes n’offrent pas cette alternative. Or, nous avons déjà mentionné ci-dessus qu’il est tout à fait possible que le premier sens d’une

expression entre en jeu en même temps que son sens opaque. Jacqueline Authier-Revuz dans son Méta-énonciation et (dé)figement distingue trois types de réactions méta-énonciatives après une énonciation d'une locution figée :

1) L'énonciateur requiert explicitement l'un des deux sens ; 2) l’énonciateur ressent son dire comme troublé par le deuxième sens, soit le premier, soit l’opaque ; 3) l’énonciateur accueille tous les deux sens.

Le figement peut donc être mis en évidence grâce à l’effet provoqué par le jeu du défigement, qui consiste à supprimer la contrainte qui caractérise les suites figées. Le défigement consiste à ouvrir des paradigmes là où, par définition, il n’y en a pas. Cet effet attire donc l’attention du lecteur et l’effet de surprise attendu met en évidence le phénomène du figement.

Le mot ou une expression loin de la réalité ne fait souvent qu’y tomber. Le mouvement étymologique naturel est alors renversé, ce ne sont plus l’homme et la vie qui créent le langage, mais la langue qui crée des personnages et des événements imaginaires. La littérature abonde en créations de ce type, en premier lieu la littérature populaire ; les fables ne sont le plus souvent que la concrétisation d’un proverbe ou d’une métaphore abstraite.

L’effet littéraire du défigement est utilisé couramment dans les farces ; le caractère équivoque des expressions et les glissements entre sens propre et figuré représentent la source du comique. C’est au lecteur de décider, si l'auteur voulait jouer sur les deux sens : le propre et le figuré ou s'il voulait évoquer seulement le sens figuré. Par exemple,

l’expression figurée prendre d’un sac double moutures, qui signifie «tirer double profit d’une chose », pourrait être prise dans certain contexte au sens propre, par exemple s’il s’agissait d’un meunier qui volait ses clients. Le défigement et son degré dépend éminemment du contexte et de la culture et des compétences du récepteur. JANASLEZAVOKA (2006 :12)

« La plupart des locutions sont ainsi exposées à des contaminations de sens, à des croisement de formes, à de fausses interprétations qui en actualisent des valeurs illusoires ; il est dans leur nature d’être toujours prêtes à basculer dans la fausse étymologie ou le calembour ; souvent même dans le calembour voulu, car la bizarrerie, voir le non-sens, sont une source de succès et de survie pour de nombreuses locutions». (Guiraud, P :4)

Dans ce chapitre, nous avons vu que les expressions figées étaient une des multiples formes que peut revêtir le figement lexical. Le figement est une notion difficile à définir d’une unique façon, mais son omniprésence dans la langue est incontestable.

Analyse morphosyntaxique

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