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2.6 Nouveaux types de fibres optiques

2.6.3 Les fibres microstructur´ees

Une fibre `a cristal photonique4, ou encore fibre `a trous ou fibre microstructur´ee, est une fibre en silice poss´edant quantit´e ordonn´ee de trous d’air sur toute sa longueur (cf. fig. 2.13). Les fibres microstructur´ees air-silice les plus communes sont ´etir´ees `a partir d’un arrangement de capillaires organis´es sur la base d’une matrice triangulaire. La zone du cœur est obtenue en rempla¸cant le capillaire au centre de l’arrangement par un barreau de silice pure - dans le cas d’une fibre non dop´ee - ou par un barreau de silice dop´ee - dans le cas d’une fibre dop´ee - . Cet ordonnancement forme une matrice constitu´ee d’une succession de trous de diam`etre d et s´epar´es (distance centre `a centre) d’une distance Λ comme illustr´e sur la figure 2.12. Ces fibres ont, au cours des derni`eres ann´ees, suscit´e un vif int´erˆet du fait de leurs caract´eristiques de propagation non conventionnelles. Par

4Un cristal photonique est un mat´eriau dont l’indice effectif varie p´eriodiquement avec une p´eriode

2.6 Nouveaux types de fibres optiques 59 exemple, en choisissant convenablement le couple (d, Λ) on peut garantir une propaga- tion monomode sur une bande spectrale exceptionnellement importante pour des champs pr´esentant une tr`es petite ou au contraire une tr`es grande surface effective [Hilaire 03].

Fig. 2.12 – Illustration des param`etres d et Λ d’une fibre microstructur´ee

Propos´ee en 1992, la premi`ere fibre de ce type qui ait ´et´e r´ealis´ee date de 1996 [Knight 96]. Rapidement alors, les 1ers effets lasers ont ´et´e obtenus en sortie de telle fibre [Wadsworth 01, Furusawa 01]. De mˆeme que pour les fibres conventionnelles `a saut d’indice, il est possible de r´ealiser des fibres `a cristal photonique `a structure double-gaine, qui plus est `a cœur dop´e. Le guidage de la lumi`ere est possible en ayant recours `a divers m´ecanismes. Soit, en utilisant le fait que seules certaines fr´equences peuvent se propager dans la r´egion centrale de plus bas indice (cœur), ces fr´equences constituant des valeurs interdites ne pouvant se propager pour la r´egion `a maillage p´eriodique air-silice de plus bas indice. Soit par r´eflexion totale interne entre le cœur en silice et la gaine `a maillage air-silice. Ou bien encore, par r´eflexion totale interne en consid´erant la diff´erence d’indice effectif moyen entre la r´egion centrale tout en silice de plus fort indice et la gaine a´er´ee [Eggleton 00]. Les propri´et´es intrins`eques de ce type de fibre en font un candidat de choix pour les applications de forte puissance.

Fig. 2.13 – Profil d’une fibre optique `a cristal photonique

En r`egle g´en´erale, on consid`ere que les fibres sont peu sensibles aux effets thermiques, mˆeme lorsque la puissance qu’elles transporte devient importante, car elles poss`edent une large surface d’´echange avec l’ext´erieure favorisant la dissipation. Une ´el´evation de

60 Lasers `a fibre de forte puissance temp´erature trop importante constitue, toutefois, un facteur limitant la mont´ee en puis- sance dans les fibres `a gaine polym`ere. En effet, celle-ci devient alors tr`es sensible aux moindres d´efauts qui peuvent la fragiliser et la d´etruire progressivement. Dans les fibres `a cristaux photoniques, rien de tel ne peut survenir, la matrice ne retenant que de la silice perc´ee de trous, il n’y a donc au cours de la propagation de la lumi`ere dans la premi`ere gaine pas d’interaction mati`ere-rayonnement entre celle-ci et une gaine polym`ere. Cet avantage est, toutefois, `a mettre en balance avec une diminution de l’efficacit´e de la dis- sipation thermique au sein mˆeme d’une fibre `a trous, l’´evacuation de la chaleur ´etant perturb´ee par la pr´esence d’air.

Une fibre microstuctur´ee peut aussi permettre une maximisation de l’absorption par une augmentation de l’ouverture num´erique de la gaine par rapport `a une fibre convention- nelle `a saut d’indice. L’accroissement de l’ouverture num´erique permet alors d’augmenter la rapport φcoeur/φgaine et donc l’absorption (cf. relation 1.3). Il faut, toutefois, garder `a l’esprit qu’une augmentation du diam`etre de cœur sans maˆıtrise des autres param`etres de la fibre peut conduire `a une propagation multimode du signal. Ceci n’est pas souhai- table, mˆeme pour des applications de forte puissance. Outre un int´erˆet ´economique, ceci pr´esente l’avantage de pouvoir avoir recours, pour un mˆeme niveau d’absorption, `a de plus courtes longueurs de fibre, augmentant ainsi le seuil d’apparition des effets non lin´eaires [Roy 05, Limpert 03]

En effet, tout le challenge de la mont´ee en puissance est de conserver les avantages de la propagation sur une fibre optique (flexibilit´e, faible sensibilit´e `a la chaleur, bonne qualit´e spatiale de faisceau, · · · ) malgr´e le n´ecessaire recours `a des syst`emes de pompe de qualit´e spatiale de faisceau tr`es d´egrad´ee du fait de la forte puissance d´elivr´ee, tout en minimisant les effets ind´esirables apparaissant lorsque la puissance transport´ee augmente. Avec des fibres dop´ees `a saut d’indice, il est tr`es difficile de conserver une qualit´e spatiale de faisceau unitaire et une propagation monomode lorsque la puissance d´epasse quelques centaines de watts crˆete en r´egime d’impulsions car il est n´ecessaire d’avoir recours `a des fibres de plus large cœur afin de repousser le seuil d’apparition des effets non lin´eaires. Un inconv´enient peut apparaˆıtre alors car lorsque le diam`etre de cœur augmente, la fr´equence r´eduite V (cf. la relation 1.1) se rapproche et peut devenir sup´erieure `a la valeur de 2,405 assurant une propagation monomode `a la longueur d’onde de travail. Dans un syst`eme `a fibre, quelle qu’elle soit, la minimisation des effets non lin´eaires met en balance la n´ecessaire augmentation du seuil d’apparition de ces effets - ceci exige une augmentation du diam`etre de mode - avec la conservation de la propagation d’un mode gaussien voire id´ealement T EM00 - ceci exigeant une diminution de l’ouverture num´erique du guide -. Hors la diminution de l’ouverture num´erique du guide pose 2 probl`emes majeurs : elle tend `a rendre la fibre tr`es susceptible aux pertes par courbure avec un rayon critique d´ependant directement de la fr´equence normalis´ee V [Birks 97] et elle rend plus difficile l’injection de la lumi`ere augmentant ainsi les pertes.

Les fibres microstructur´ees apportent une r´eponse pertinente `a ces probl`emes car elles permettent une augmentation du diam`etre de mode jusqu’`a 25 µm lorsque la fibre est fabriqu´ee par des techniques de dopage par l’indice, voire mˆeme jusqu’`a 40 µm pour les fibres dites `a large surface de mode [Roy 05] tout en pr´eservant le caract`ere monomode de la propagation le long du canal. En effet, consid´erons la formule 1.1 page 13 donnant la fr´equence normalis´ee valable pour une fibre conventionnelle `a saut d’indice. Une formule ´equivalente peut ˆetre ´etablie donnant la fr´equence normalis´ee effective Vef f d’une fibre microstructur´ee en fonction de l’espacement Λ entre les trous d’air [Birks 97] :

2.6 Nouveaux types de fibres optiques 61

Vef f = (2πΛ/λ) q

n2

0− n2ef f (2.49)

L’indice effectif nef f est fortement d´ependant de la longueur d’onde et s’´etablit comme suit. Dans le cas o`u λ ¿ Λ alors nef f = nsi avec nsi l’indice de la silice. Dans le cas o`u λ À Λ alors nef f = f nair + (1 − f)nsi ≡ n. Dans cette ´equation f d´efinit la fraction air-trous f = π/(2√3) × (d/Λ)2. Dans le r´egime interm´ediaire, l’indice effectif est obtenu par [Mortensen 03] :

nef f ≈ n + (nsi− n) × cosh −2

(αλ/Λ) (2.50)

Dans cette derni`ere ´equation α est pratiquement unitaire mˆeme si l´eg`erement d´epen- dant du rapport d/Λ. L’indice effectif d’une telle fibre d´epend davantage de la g´eom´etrie de cette structure `a trous que de la nature du mat´eriau [Wadsworth 00].

Un exemple concret permet de quantifier pr´ecis´ement le gain en terme de diam`etre de mode et de qualit´e de guidage apport´e par la g´eom´etrie favorable d’une fibre `a cristal photonique par rapport `a une fibre conventionnelle `a saut d’indice. Consid´erons une fibre microstructur´ee monomode de diam`etre de mode 12 µm, de rapport d/Λ = 0, 25 et d’espacement entre trous de Λ = 6 µm. Alors d’apr`es les ´equations 2.49 et 2.50 et prenant comme valeur de l’indice de la silice nsi = 1, 444, on obtient une valeur de fr´equence normalis´ee Vef f ´egale `a 9,5 pour une ouverture num´erique effective, d´eduite de Vef f, ´egale `a 0,268.

Consid´erons maintenant, une fibre `a saut d’indice, de mˆeme ouverture num´erique mais de fr´equence normalis´ee V ´egale `a 2,405 afin de conserver un caract`ere monomode pour la propagation le long de ce guide. Le diam`etre de mode φmodepour une fibre conventionnelle est donn´e par la formule de Marcuse :

φmode= φcoeur× (0, 65 + 1, 65V −3/2

+ 2, 879V−6

) (2.51)

Dans cette ´equation φcoeur = 2r est le diam`etre de cœur de la fibre consid´er´ee. Par in- jection de ces valeurs dans la formule 2.51 on aboutit `a un diam`etre de mode de seulement 2, 14 µm. Le rayon du cœur de cette fibre serait quant `a lui de 1, 52 µm. Cette formule est pr´ecise `a mieux que 1 % pour 1 < V < 4.

La structure `a cristal photonique repr´esente donc, en th´eorie, un progr`es majeur dans l’augmentation du seuil des effets non lin´eaires, le diam`etre de mode ´etant largement sup´erieur `a celui d’une fibre `a saut d’indice. Elle permet, en outre, d’assurer la conserva- tion de la propagation du mode fondamental. Des ´etudes ont, par ailleurs, montr´e qu’une fibre `a trous peut conserver ce caract`ere sur une tr`es large gamme de longueurs d’onde de 458 `a 1550 nm [Birks 97], voire mˆeme de 400 `a 1600 nm [Mortensen 03] selon la g´eom´etrie du cœur et la valeur du ratio d/Λ. Il est `a noter, cependant, que la th´eorie rejoint difficilement la pratique s’agissant de l’augmentation significative du diam`etre de mode permise par une fibre `a trous en comparaison `a une fibre conventionnelle `a saut d’indice ou bien encore s’agissant de la r´eduction du nombre de modes guid´es. En effet, la r´eduction du nombre de modes conduit `a des valeurs du rapport d/Λ plus petites que 0, 1 et dans ce cas, le signal est tr`es mal guid´e. Il en va, de mˆeme, pour l’augmentation du diam`etre de mode par rapport `a une fibre conventionnelle [Wong 05]. Ces fibres n’ont, ainsi, pas encore, `a notre connaissance, trouv´e tout l’attrait au niveau commercial que ces propri´et´es intrins`eques prometteuses peuvent laisser entrevoir. Elles restent, de plus, diffi- ciles `a fabriquer et surtout `a fusionner entre elles ou avec d’autres fibres conventionnelles.

62 Lasers `a fibre de forte puissance La difficult´e de fabrication provient notamment du fait que la diff´erence d’indice entre la partie dop´ee et la silice doit ˆetre extrˆemement faible afin que cette partie ne constitue pas en elle-mˆeme un guide d’onde [Wadsworth 03]. La difficult´e `a les fusionner provient de la pr´esence de trous.

En dernier lieu, il est `a noter que les fibres `a cristaux photoniques pr´esentent un caract`ere int´eressant pour la propagation et l’amplification d’impulsions ultra-br`eves. En effet, dans certains cas, ces fibres pr´esentent des propri´et´es de dispersion inhabituelles avec une dispersion anormale aux alentours voire `a des longueurs d’onde inf´erieures `a 1 µm [Ranka 00]. Elles permettent ainsi la g´en´eration et l’amplification d’impulsions f s et autorisent l’´etude de syst`emes enti`erement `a fibre `a 1 µm [Price 02] comme il est fait `a 1, 5 µm en amplification `a l’aide de fibres dop´ees Er3+ l`a o`u la dispersion est anormale [Lou 05]. Sans le recours `a des fibres `a cristaux photoniques, la compression d’impulsions dans un amplificateur `a fibre dop´ee Y b3+ ne peut se faire que par passage en espace libre et `a l’aide de r´eseaux [Hideur 01b].