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CHAPITRE 1 INTRODUCTION ET OBJECTIFS

2.2 Fertilisation

André Gros (1957) définit la fertilisation comme étant le moyen d’entretenir et même d’améliorer la fertilité naturelle des sols afin que les végétaux cultivés y trouvent tout ce dont ils ont besoin pour assurer leur plein développement.

Schvartz et al. (2005) définissent la fertilisation comme étant l’ensemble des pratiques agricoles qui permettent la mise en œuvre de matières fertilisantes.

Depuis l’antiquité, le fumier est considéré comme l’élément majeur de la fertilité d’un sol. Deux siècles avant J.C., Columelle, agronome latin, affirmait que le fumier produit par les troupeaux contribuait à multiplier les fruits de la terre (Nisard, 1844). Caton, également agronome latin, recommandait à l’agriculteur« d’amasser un bon tas de fumier et de le conserver avec soin » (Nisard, 1844). Il conseillait d’enfouir la moitié pour les plantes fourragères et de réserver un quart pour les oliviers et un quart pour les prairies.

Au XVIIème siècle, l’agronome français De Serres (1651) écrivait « le fumier réjouit, réchauffe, dompte et rend aisées les terres ». Dans le même ordre d’idée, le chimiste et agronome français J-B Boussingault (1802-1887) disait « On peut à première vue juger de l’industrie et du degré d’intelligence d’un cultivateur, par les soins qu’il donne à son tas de fumier » (Boussingault, 1860). Les avis ne sont cependant pas aussi unanimes à cette époque. Ainsi, au début du XVIIIème siècle, pour l’anglais Tull, les cultures se nourrissent des molécules de terre. Il préconisait par conséquent un travail du sol répété et estimait les apports d’engrais inutiles (Papy, 2008).

Texte de Rozier (1785).

Il faudra cependant attendre le début du XIXème siècle pour qu’il soit démontré par l’allemand Liebig (1823) que les plantes ne se nourrissent pas uniquement de fumier mais bien d’éléments minéraux issus de la décomposition de la matière organique au sens large du terme. Cependant, celui-ci attribuait un rôle beaucoup plus important au potassium et phosphore qu’à l’azote, élément dont il considérait la concentration toujours suffisante dans les sols (Muntz and Girard, 1888). Selon Dumas (1965), Liebig supposait que les plantes étaient capables d’absorber l’azote de l’atmosphère.

Sur base des résultats de ses expérimentations menées à Rothamsted, Lawes définit deux principes (Dumas, 1965) :

- parmi tous les principes des engrais, l’azote combiné chimiquement fait mieux que tous les autres éléments prospérer les plantes. Les engrais riches en azote exercent sur tous les sols et sous tous les climats une action bienfaisante ;

- après l’azote, le principe dont le sol ressent le plus vivement la perte est l’acide phosphorique. Ainsi, dans la seconde moitié du XIXème siècle, apparaissent les premiers fertilisants, essentiellement produits à base de déchets organiques ou organo-minéraux (poudrettes2, noirs de raffineries, composts,

Introduction et objectifs / L’azote

guanos du Pérou, …) (de Scorraille, 1986) et ensuite les engrais phosphatés et azotés (nitrate de soude et sulfate d’ammoniaque) (Lecrenier, 1969).

La poudre d’os se révèle également être un bon engrais. Ainsi, Liebig (1823), cité par Dumas (1965), relate que l’Angleterre (qu’il qualifie de vampire suspendu à la gorge de l’Europe) a, au cours de cette période, importé pas moins de quatre millions de tonnes d’os extraits de champs de bataille (Leipzig, Waterloo, Crimée) ou de catacombes (Sicile).

Pour la « petite histoire », fin du XIXème siècle, le Comité des producteurs de nitrate de soude en Amérique du Sud ouvre un concours sur les propriétés fertilisantes de cet engrais ; le jury international compta parmi ses membres, A. Petermann, directeur de la Station Agronomique de Gembloux. Ce jury couronna les travaux d’Adolphe Damseaux, professeur à l’Institut agricole de Gembloux (Lecrenier, 1969).

de Scorraille (1986) retrace la chronologie de l’apparition des engrais minéraux en Europe : 1830 : importation du nitrate de soude du Chili en Angleterre

1840 : importation du guano du Pérou en Angleterre

1843 : construction (Lawes) de la première usine de superphosphate en Angleterre 1860 : exploitation de mines de potasse en Allemagne

1879 : fabrication des scories Thomas (sous-produit de la fabrication de l’acier) en Angleterre et France

1890 : récupération du sulfate d’ammoniaque dans les cokeries 1907 : fabrication du nitrate de chaux en Norvège

1913 : synthèse de l’ammoniac par le procédé Haber-Bosch 1921 : fabrication de l’urée

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Objectifs de la thèse

L’impact de l’agriculture sur la qualité des eaux souterraines et de surface résulte d’une part, des pratiques agricoles en matière de gestion de l’azote (fertilisation organique et minérale, gestion de l’interculture) pour chaque culture et d’autre part, de la place de chaque culture dans le paysage wallon. L’objet de la thèse est de vérifier si cet impact peut être estimé via l’« APL » (Azote Potentiellement Lessivable – mesure de la concentration en azote nitrique dans le sol en début de période de lixiviation).

Après un liminaire descriptif (définition, échantillonnage, analyse, expression et interprétation du résultat), la première partie de la thèse s’attachera à décrire les qualités que doit remplir l’indicateur APL (Van Cauwenbergh et al., 2007) :

 mesurable,

 discriminant,

 transférable,

 transparent,

 en liaison avec le risque.

Dans un deuxième temps, quelques limites de l’indicateur seront développées et des solutions/adaptations seront proposées :

 variabilité spatiale et temporelle,

 impact de paramètres physico-chimiques.

La troisième partie de la thèse s’attachera à démontrer que l’APL est un indicateur pertinent de la gestion de l’azote et du risque environnemental (relation entre l’APL et la qualité de l’eau à l’échelle parcellaire ou d’un bassin versant).

Enfin, les résultats APL enregistrés depuis plusieurs années seront valorisés pour

 évaluer le risque environnemental lié à certaines pratiques agricoles et

 élaborer un conseil de fertilisation idoine pour la culture suivante (sans mesure du reliquat azoté dans le sol en sortie d’hiver) ;

 tenter une extrapolation spatiale et historique de l’APL.

Concrètement, la démonstration s’appuie des travaux menés depuis 2001 et plus précisément :

 six articles scientifiques (chapitres 2.4, 2.5, 3.2, 3.3, 3.4 et 4.2) ;

 trois études publiées dans des rapports d’activités de conventions de recherche (chapitres 2.3.2, 2.3.4, 3.1);

 quatre études ‘originales’ menées dans le cadre de la thèse (chapitres 2.3.6, 2.3.7, 4.1, 4.3).

En annexe de cette thèse, entre autres, une revue bibliographique illustrera l’évolution des pratiques en matière de fertilisation des principales cultures au cours des 50 dernières années.

Chapitre 2

Définition de l’APL, analyse des atouts et