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Un « faux-positif » toutefois révélateur

Dans le document La vaccination en question (Page 65-67)

Chapitre 4 : Des mutations favorables à une discutabilité des vaccins

A) Une nouvelle gestion des crises : l’exemple de la crise du H1N1 (2009-2010)

2. Un « faux-positif » toutefois révélateur

L’épidémie de grippe H1N1 de 2009-2010 est symptomatique de la nouvelle gestion des crises sanitaires qui a suivi l’affaire du sang contaminé et entre en adéquation avec les principes exprimés dans la loi du 4 mars 2002, à savoir la démocratie sanitaire. Je veux dire en cela que sa gestion correspond aux divers points soulevés depuis les années 1980 jusqu’à leur synthèse dans la loi du 4 mars 2002 et ce, bien qu’elle fut également considérée comme un échec de la santé publique176.

175 28 minutes (Arte) du mercredi 13 janvier 2016, avec Michèle Rivasi (députée européenne), Robert Cohen

(pédiatre et infectiologue) et Jacques Bessin (président de l’Union nationale des associations citoyennes de Santé)

176 Assemblée nationale, Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la manière dont a été programmée,

Toàn PHAM Ι M2 de science politique SIP Ι UFR 11 Ι Année universitaire 2015/2016 65

Premièrement, elle se caractérise par un fort investissement des autorités sanitaires. Cela s’explique notamment par le traumatisme qu’a pu provoquer pour ces dernières l’affaire du sang contaminé lors de laquelle elles ont été jugées pour négligence. Ainsi, l’Etat se conforme au mieux à sa mission de maintien de l’ordre public sanitaire en mettant tout en œuvre afin de circonscrire l’épidémie. Cela passe déjà par une prise-en-charge plus importante de l’Etat, au détriment des médecins qui furent mis à l’écart. Didier Tabuteau parle d’ailleurs de « Rendez- vous manqué avec la santé publique »177 pour désigner cette occasion ratée de coordonner pouvoirs publics et médecins et qui alimente au contraire la suspicion qui peut exister entre eux. En effet, alors que la vaccination est historiquement une pratique dévolue aux médecins (entre 80 et 90% d’entre elles sont faites par les médecins libéraux178), ces derniers ne furent associés que tardivement à la campagne voulue par les pouvoirs publics qui se reposèrent sur les centres publics de vaccination (qui totalisèrent 4 168 021 des vaccinations parmi les 5 360 986 dénombrée par la DGS, contre seulement 16 385 pour la médecine libérale). Sur la figure précédente, on constate en effet que l’accès des médecins libéraux aux vaccins ne fut effectif qu’à partir du 3 décembre. Selon le rapport bilan de l’Assemblé nationale sur la crise H1N1, cette exclusion a gravement nui aux objectifs de santé publique car elle sous-estimait « l’extraordinaire potentiel que constituent les 50 000 médecins libéraux, les 60 000 infirmières, les 3 000 hôpitaux et les 22 000 officines du pays » qui, au lieu d’être des vecteurs de la vaccination, diffusèrent des « anticorps » contre elle, voire agirent comme des « fossoyeurs du message sanitaire »179.

Deuxièmement, la crise de 2009-2010 révèle une utilisation plus accrue des moyens de prévention qu’il s’agisse de la « prévention-anticipation » ou de la « prévention-réaction ». Il y a, bien sûr, le choix de la vaccination. Cependant, il faut également noter le concours des différentes agences comme par exemple l’InVS qui produisit régulièrement, tout au long de la crise, des bulletins épidémiologiques. De plus, on constate dans la précocité de la réaction des autorités sanitaires l’emploi du principe de précaution pour gérer la crise. Celui-ci se caractérise notamment par le déploiement de mesures avant que les effets sanitaires ne soient véritablement constatables. Cela fait directement suite aux procès en indemnisation de l’affaire du sang contaminé lors desquels, le commissaire du gouvernement au Conseil d’Etat avait affirmé :

177 Tabuteau D., La Démocratie sanitaire, éditions Odile Jacob, 2013

178 Chiffres issus respectivement de la DGS et de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé 179 Assemblée nationale, Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la manière dont a été programmée,

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« En situation de risque, une hypothèse non infirmée devra être tenue provisoirement pour valide, même si elle n’est pas formellement démontrée »180. Dans le même sens, le cas de la

grippe H1N1 de 2009-2010 est très parlant puisqu’il constitue ce que Michel Setbon appelle une « anticipation d’émergence », c’est-à-dire d’une tentative de faire précéder l’action aux effets sanitaires181. Cette démarche, que ce même auteur traite de « science-fiction », est dommageable puisqu’elle suppose une certaine mécanicité du principe de précaution, n’intégrant pas les particularités des maladies qu’il est censé prévenir : « la précocité pouvant s’avérer aussi inefficiente que le retard »182.

Enfin, on constate un non-recours aux mesures contraignantes. Cela correspond autant au principe de précaution qui privilégie les « actions mesurées » aux « actions tranchées » n’offrant pas ou peu d’évolution de la décision183 qu’au principe de consentement édicté par la

loi du 4 mars 2002.

Donc, bien qu’elle se conclut sur un échec, la gestion de la crise du H1N1 de 2009-2010 fut révélatrice de plusieurs points. On remarque déjà un déverrouillage de la vaccination bien que relatif. J’entends par cela que les pouvoirs publics ont envisagé, dans le cadre du plan de lutte contre la grippe H1N1, des méthodes alternatives telle que la diffusion massive de masques184, mais que la vaccination fut tout de même désignée comme moyen d’action privilégié. De même, cette crise a montré la nécessité d’adapter les réponses institutionnelles aux problèmes épidémiques avec la virulence de l’agent infectieux185. Cela induit que le vaccin,

qui repose en partie sur le principe d’immunité grégaire, c’est-à-dire sur des taux de couverture relativement important, n’apparaît plus systématiquement comme la solution privilégiée.

Dans le document La vaccination en question (Page 65-67)