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Fatigue des pièces forgées ou corroyées

I.4 Phénomènes observés en fatigue

I.4.8 Fatigue des pièces forgées ou corroyées

L’influence du fibrage n’est jamais explicitement mentionnée dans la littérature, et plus généralement la notion d’anisotropie en fatigue sur des pièces forgées est très peu abordée. On peut étendre nos recherches aux pièces laminées, qui subissent elles aussi un corroyage durant leur mise en forme.

Par exemple, Singh et al. [SIN00] ont tenté de déterminer les relations microstructure-texture et texture-propriétés mécaniques d’un alliage d’aluminium laminé à chaud. Il est intéressant de voir que la microstructure se présente sous la forme de grains fins et allongés. La limite d’élasticité et le coefficient d’écrouissage sont identiques dans les 3 directions testées (longitudinale, transverse et à 45°). Les auteurs concluent que la texture cristallographique est plus déterminante que l’orientation des grains, concernant l’anisotropie de la limite élastique. L’isotropie du coefficient d’écrouissage dépendrait plus des précipités. Quant à la ténacité, les essais n’ont révélé que peu d’anisotropie. Les essais en fatigue n’ont malheureusement pas été réalisés dans plusieurs directions, les auteurs n’ayant probablement pas jugé nécessaire de tester l’anisotropie à la vue des résultats isotropes concernant les précédents paramètres. Ils mettent uniquement en évidence deux modes de rupture en fonction de la contrainte maximale.

Yeung et Hoeppner [YEU85] se sont interrogés sur les effets de l’orientation du fibrage sur la fatigue de contact dans un acier AMS6415 (0,8 CR - 1,8 Ni – 0,25 Mo - 0,38-0,43 C en w%). Les éprouvettes de fatigue ont été réalisées dans une pièce forgée de forme circulaire. Les essais sont effectués sur des éprouvettes prélevées dans le sens radial et d’autres prélevées dans le sens longitudinal. Les auteurs ont procédé à une série d’essais de fatigue qu’ils ont dépouillés de plusieurs manières. Les méthodes statistiques qu’ils ont employées sont le test de Student, l’analyse de la variance et la statistique de Weibull. Les deux premières méthodes ne permettent pas de conclure avec un intervalle de confiance de 90%, que le fibrage a introduit une anisotropie au niveau de la tenue en fatigue. En revanche, la statistique de Weibull met en évidence des différences significatives sur la durée de vie en fatigue de contact, en fonction de l’orientation de l’échantillon, et donc du fibrage.

Nous avons aussi le cas particulier des aciers duplex (2 phases : austénite et ferrite en proportions identiques). Des essais ont été réalisés sur des barres (diamètre 20 mm) et des tôles laminées (épaisseur 5 mm) [MAT01]. Dans chacun des cas, les grains sont allongés dans la direction de corroyage et, d’une manière générale, les résultats montrent que la résistance à la fatigue dans le domaine d’endurance illimitée est meilleure pour les échantillons orientés perpendiculairement à la direction de corroyage. De plus, les grains sont plus fins dans la tôle que dans la barre, et la ferrite présente une texture typique de déformation dans la tôle alors qu’elle présente une structure de recristallisation dans la barre. La limite de fatigue de la barre s’avère plus faible que celle de la tôle, indépendamment de la direction des échantillons. Cela va dans le sens de l’augmentation de la limite d’endurance pour des grains plus fins, que nous venons de voir dans le paragraphe précédent.

Des travaux sur le comportement en fatigue et l’anisotropie ont aussi été faits sur des roues de trains [EKB01], de composition : 0,28 Si - 0,81 Mn - 0,52 C (w%). Ces roues sont forgées et ont subi un traitement thermique. Les auteurs ont effectué des essais de résilience, de torsion et de fatigue en torsion. L’essai de résilience leur permet d’évaluer simultanément la limite d’élasticité et la ductilité. Suivant l’orientation des échantillons, les résultats en fatigue présentent des différences de 18%. En ce qui concerne la limite d’élasticité en torsion, les différences ne s’élèvent qu’à 8%. Les éprouvettes de résilience sont différentes et prélevées à

fatigue ont été mises en évidence, mais les auteurs n’ont pas pu décorréler les effets de l’orientation et de la localisation des échantillons.

Courbon et al. [COU03] ont étudié l’influence du fibrage sur les propriétés de fatigue des aciers à roulement de type 100Cr6. A partir d’une modélisation physique basée sur la détermination des concentrations de contraintes locales au niveau des inclusions, ils déterminent la limite d’endurance en fatigue de contact, pour différents cas de forgeage. Leurs résultats prédisent un fibrage plus nocif lorsqu’il est perpendiculaire à la piste de roulement, ce qui concorde avec les observations expérimentales. Ils montrent également qu’un alignement d’inclusions proches de la normale à la piste de roulement est plus nocif qu’une inclusion isolée sur la limite d’endurance. En revanche, aucun effet coopératif n’est observé pour des alignements d’inclusions proches du plan de roulement. Un alignement d’inclusions a un effet identique à une inclusion isolée.

D’après Liu et al. [LIU95], le paramètre le plus influent sur la limite d’endurance est le type des inclusions, et ce sont des inclusions allongées dont il faut tenir compte. Toutefois, les résultats de ces auteurs sont à prendre avec précaution. En plus de la nature des inclusions, la composition des aciers qu’ils utilisent est différente. Ils possèdent par exemple des duretés différentes, comprises entre 24 HRC et 38 HRC. L’élément important est qu’ils constatent différents mécanismes à l’origine de la fissuration en fonction des types d’inclusions : la création de microfissures autour de l’inclusion, la décohésion de l’interface matrice-inclusion et la fissuration de l’inclusion (pour les inclusions les plus fragiles).

Un paramètre crucial est l’état de surface de la pièce forgée, comme le met en avant [JAC04] pour la tenue en service de bielles. Depuis longtemps, la chute de la limite de fatigue pour une pièce brute de forge a été démontrée (Figure I-19) [HAN36].

Figure I-19 : Influence de la peau de forge sur la limite d’endurance des aciers, d’après [HAN36]

Les données de la littérature montrent que la valeur moyenne du rapport limite d’endurance sur la résistance mécanique se situe aux alentours de 0.3 pour des pièces forgées, alors que sur éprouvettes lisses ce rapport se situe entre 0.4 et 0.5. Les défauts induits par le procédé de forge constituent des sites d’amorçage potentiels en fatigue. Les procédés de finition, tels que le grenaillage, permettent d’obtenir une nette amélioration des propriétés en fatigue.

Ces différents travaux s’accordent à montrer qu’il existe bien une anisotropie en fatigue engendrée par le corroyage. Malheureusement, souvent, les origines ne sont pas clairement identifiées et le fibrage intègre à la fois l’allongement des grains, la texture et l’effet des

inclusions. Cependant, on a pu voir, par exemple dans le cas des aciers à roulement, l’influence directe des alignements d’inclusions. Il semble certain que chaque phénomène (allongement des grains, texture et inclusions) joue un rôle dans l’anisotropie en fatigue, mais on peut penser qu’en fonction des cas, un de ces phénomènes sera prédominant. Le plus difficile consiste à déterminer lequel prédomine et dans quelles circonstances. De plus, a travers l’état de surface, on retrouve l’importance des contraintes résiduelles (dues par exemple au grenaillage), mais aussi celui des défauts.