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Faire participer les jeunes aux investigations

Former les jeunes aux modes collaboratifs de recherche d’information et de production

Les changements technologiques impliquent des changements de pratiques pour les jeunes comme pour les professionnels et il y a une nécessité d’apprendre autrement. Il ne peut plus être question d’une circulation du savoir à sens unique mais d’intelligence collective avec une partie de travail commun entre jeunes et acteurs éducatifs.

L’outil vidéo est un exemple d’outil de suivi des pratiques dont les jeunes sont acteurs à plusieurs titres : ils filment, ils témoignent de leurs pratiques, ils questionnent (ils sont en position d’intervieweurs) et ils analysent (ils discutent leurs navigations respectives). Autre exemple, lors de manifestations comme la Fête de l’Internet des espaces publics nu- mériques sont organisés des dons de liens, où chaque jeune vient partager ses sites préférés. C’est un moment qui valorise les échanges et le partage des ressources des jeunes. C’est un atelier très simple à mettre en place et qui peut donner lieu à une communication attractive2.

Pertinence de cette participation pour l’observation

Dans les sites où elle a été expérimentée, cette participation fonctionne bien, la position de témoins-acteurs qui est proposée étant facilement adoptée par les jeunes de tous les âges. Ils se montrent contents d’être consultés. Si l’on reprend l’exemple de l’investigation des parcours de recherche d’information, la vidéo numérique légère se révèle attractive pour des adolescents et facilement maniable. Ils comprennent d’emblée l’utilisation de la caméra telle qu’elle est proposée, c’est-à-dire comme témoin de la pratique de recherche d’information (et non pas d’une situation ou d’un événement). Ils remplissent les différentes tâches sans difficulté : filmer, interviewer, commenter leurs recherches, analyser les prises de vue…

Les jeunes se montrent dans chaque situation capables de prendre cette posture réflexive sur leurs pratiques et ils fournissent d’intéressantes analyses (par exemple, par les élèves de lycée professionnel, sur la contextualisation de l’information ou, par les élèves de collège, sur les méandres de la navigation sur Internet). On constate que leur regard devient plus analytique lorsqu’ils sont en situation d’observer la recherche d’information, la leur ou celles de leurs camarades. Ils acquièrent très rapidement un sens critique quand ils sont mis en situation d’analyse sans enjeu scolaire particulier, et surtout devant un matériau qu’ils ont eux-mêmes généré (les prises de vue, les carnets de bord, les cartes mentales…). Quand la démarche s’étend sur une période longue (deux mois dans le cas du collège et du lycée), la prise de conscience et l’analyse des parcours s’affinent. Un processus de maturation se met en place très rapidement.

Enfin, ces participations aux investigations ont un effet de valorisation non négligeable et entraînent une prise de conscience de leurs compétences en matière de recherche sur

2. Sur la question de la collaboration des jeunes, on trouvera des ressources dans les travaux de Thérèse Laferrière, professeure à l’université de Laval (Québec) et directrice du CRIRES (centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire) : « Collaborer pour apprendre, c’est emprunter la troisième voie sur l’autoroute de l’information », autrement dit pas celle de l’enseignement traditionnel, où il est seul décisionnaire, ni celle de la classe hybride où une partie de l’enseignement est dispensée de façon traditionnelle, l’autre étant un enseignement personnalisé et interactif en ligne, mais celle de la recherche d’un modèle vérita- blement collaboratif et interactif. Grâce à des outils de forums interactifs on assiste à la création d’une véritable communauté d’apprentissage, où élèves et professeurs élaborent ensemble leur domaine de connaissance, d’où le joli terme de « collabora- toire » (http://www.epn-ressources.be/lorme-2011-1ere-partie).

OBSERVER EN APPRENANT

Internet. En effet, il s’avère que lorsque ces compétences ne sont pas conscientes, elles sont peu (voire pas du tout) mobilisées, ni transférées à d’autres sujets.

Présenter l’outil avec une mise en confiance et encourager son appropriation

D’une manière générale, la condition de réussite de cette participation est de présenter le cadre de manière adaptée et ne pas demander des tâches hors de leur portée (par exemple, pour des 12-14 ans, le carnet de bord se révèle un outil un peu pesant et des formes moins écrites sont préférables).

Pour les jeunes d’âge scolaire, surtout lorsque l’observation se passe dans l’établissement sur temps scolaire, il faut parvenir à leur faire distinguer la manipulation d’un outil d’auto- observation ou d’enquête d’une tâche scolaire, même si cet outil n’a jamais été utilisé en classe. Cela vaut à la fois pour les collégiens et les lycéens. Il est donc essentiel au démarrage de mettre en confiance, de dédramatiser et décentrer l’exercice par rapport au contexte scolaire. Les consignes données doivent être facilement compréhensibles pour un public adolescent qui se juge. Il faut valoriser leur parole, montrer qu’elle nous intéresse, la reformuler et la finaliser. Au départ, ils ne sont pas du tout persuadés de la légitimité de leurs pratiques d’information.

Des outils qui laissent une marge de manœuvre pour utiliser l’outil à son niveau et selon ses préoccupations

Dès le moment où il s’agit d’outils et de protocoles dont ils peuvent être les acteurs, en interaction avec les professionnels, l’appropriation se fait sans difficulté, que ce soit le car- net de bord, la prise de vue des navigations sur Internet, le rôle de discutant des parcours de recherche filmés, la discussion de groupe, la carte mentale, les interviews flash filmées. Comme avec les adultes, dès lors qu’il y a une marge de liberté et que l’outil est suffisam- ment ouvert, l’utilisation est fertile en enseignements. Ainsi les cartes mentales ont été utili- sées par les élèves de 4e de trois façons différentes, tout aussi pertinentes : pour représenter

des filières d’études et des écoles, pour représenter des processus d’information et comme outil d’aide au choix.

Autre exemple, dans l’expérimentation de la vidéo ou des carnets de bord, si on laisse une liberté dans le choix des thèmes d’observation de la recherche d’information ainsi que dans les relances pour l’interview de leurs jeunes camarades, non seulement on évite qu’ils le fassent comme un exercice imposé mais aussi leurs questions révèlent des processus cogni- tifs qu’il est important d’élucider.

Les jeunes contribuent à l’amélioration des outils d’enquête et d’observation

Comme nous l’avions expérimenté dans d’autres études, les jeunes se montrent intéressés et force de proposition. Les élèves de terminale collaborant à l’expérimentation dans la BEI pour l’élaboration des questionnaires sont capables de juger des items « incompré- hensibles » ou des classifications qui ne font pas sens pour la population jeune ciblée. Également, les élèves de seconde du lycée professionnel ont contribué à une formulation plus adaptée des consignes de départ, des questions et des relances. Ces expériences mon- trent l’importance de la pluralité des regards pour la construction d’un questionnaire ou d’un module de formation. Leurs apports permettent de réajuster, de réorganiser ou de trouver des formulations plus justes.

PISTES

Introduire le ludique dans l’éducation à Internet, pour donner le goût d’apprendre

Le multimédia est aussi au service de l’imagination et il est intéressant d’injecter de la fan- taisie dans la séance d’éducation aux usages d’Internet. Par exemple, marquer une petite pause numérique avec un site « décalé », « inclassable », ou qui introduit du rêve en mon- trant de beaux exemples, pause qui fait écho ou contraste avec ce qui vient d’être présenté. Il ne faut pas négliger la phase récréative de l’apprentissage. N’hésitons pas à susciter l’in- térêt à travers les ressources en ligne3. On opère ainsi un continuum entre le ludique et le

« sérieux » (scolaire ou universitaire, projets, orientation…) et l’on favorise ainsi le plaisir de la découverte, de la trouvaille, de la nouveauté.

Enfin, le professionnel a aussi le droit de ne pas savoir répondre à toutes les questions, dans l’environnement du Web : il n’est pas dans la position de celui qui sait, mais de celui qui guide et transmet des outils pour se repérer. De la même façon, il faut accorder aux usagers le droit à l’essai, à l’erreur. Et souvent il s’agit d’apprendre ensemble, d’expérimenter en- semble le matériau numérique.

Mutualiser les compétences et les savoir-faire des professionnels