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Certaines grandeurs temporelles apparaissent comme fondamentales lors de la réalisation d'un traitement, et le fractionnement ou l'étalement de la dose sont deux paramètres pouvant en moduler l'ecacité. Le débit de dose a également une inuence connue et exploitée depuis longtemps. La modulation de l'eet biologique va notamment dépendre fortement de la dose par séance et du débit de dose utilisé : pour les faibles niveaux de dose de la radiologie conventionnelle, des eets biologiques diérents ont été observés à la suite de deux pulses de 2 mGy (eet LORD, [Colin 2011]). En curiethérapie, on exploite le fait que les tissus sains (d' = faible) sont plus sensibles aux variations du débit de dose, et on distingue le bas débit de dose continu (LDR, 0,5 à 0,8 Gy/heure) utilisé depuis les débuts de la radiothérapie, du haut débit (HDR, 1-2 Gy/min) dont le fractionnement est plus classique mais souvent combiné avec de la radiothérapie, complété plus récemment par le débit pulsé (PDR, 0,5 à 0,8 Gy/heure). Ce dernier combine les eets du bas débit avec des phases successives d'irradiation pendant quelques dizaines de minutes suivies de phases de repos toutes les heures et des possibilités d'optimisation géométrique de la distribution de dose ([Brenner 1991]). A l'inverse, une fraction prolongée sera néfaste à une thérapie conventionnelle ([Fowler 2004]) et doit être corrigée. Lorsque les conditions d'irradiations font intervenir un facteur temps, par exemple si le débit de dose est faible et la repopulation ou des réparations peuvent intervenir pendant le traitement, la loi linéaire quadratique s'exprime ainsi, en introduisant G le facteur Lea-Catcheside ([Sachs 1998]) < 1 pour des temps d'irradiation longs (équation2.24) :

S = exp D G D2

2.4. Facteurs temporels en radiobiologie 45

avec G obtenu en fonction du débit de dose _D, D la dose totale pendant l'intervalle de temps T et  la constante de temps de réparation (équation 2.25) :

G = D22 T Z 0 _D(t)dt t Z 0 e (t t0) _D(t0 )dt0 (2.25)

qui se simplie ainsi si le débit de dose est constant :

S = 2

(T )2 

T + e T 1 (2.26)

On note que G tend vers 1 lorsque le temps d'irradiation T est petit devant . Ce facteur décrit la proportion de lésions sublétales produites à l'instant t0, pouvant être réparées en suivant une fonction exponentielle dont la constante de temps est  avant d'interagir avec une seconde lésion à l'instant t et de devenir létales (ce que décrit le terme d'ordre 2 de la loi linéaire quadratique, diminué en ce cas du facteur G toujours inférieur ou égal à 1).

Figure 2.3  Ordre de grandeur des débits de dose instantanés en fonction du type de délivrance de faisceau.

Les réparations des cellules pouvant potentiellement diminuer l'ecacité relative du trai-tement si le temps de la séance est prolongé (par exemple en IMRT), des études expérimen-tales ont d'abord montré que l'eet était notable in vitro, puis bien moins important in vivo ([Shibamoto 2004], [Tomita 2008]). Il semble ainsi que deux eets entrent en compétition : la réparation des dommages sub-létaux qui diminue l'ecacité de traitement et intervient après quelques minutes de l'irradiation est compensée par la réoxygénation tumorale, qui intervient dans les 5-15 minutes après irradiation. Le processus de réponse à l'irradiation

est toutefois extrêmement complexe, tant du point de vue de la cinétique que du nombre de protéines et processus chimiques entrant en jeu. Par exemple, certaines protéines comme poly(ADP-ribose) et la kinase ATM sont synthétisées immédiatement et dans les minutes qui suivent, initiant les diérents processus de signalisation et réparation ([Tartier 2003]). PARP est alors plutôt associée à la réparation des cassures simple brin (et BER) et intervient immé-diatement après irradiation, alors qu'ATM, située également dans le cytoplasme, est plutôt associée aux réparations des cassures double brin et intervient dans les minutes suivant l'ir-radiation, parfois après être passée dans le noyau. La dynamique et les mécanismes de cette étape de signalisation des lésions radio-induites sont encore assez peu connus : ATM étant recruté massivement, immédiatement et parfois à distance des lésions de l'ADN, il semble que les cassures peuvent être détectées localement avec une grande sensibilité et signalées indirectement suite à un changement de topologie de la chromatine lorsque les cassures al-tèrent l'équilibre de celle-ci ([Bakkenist 2003]). Quoiqu'il en soit, il est possible de calculer à partir du modèle linéaire quadratique la fraction survivante après une séance si l'on connait (expérimentalement ou théoriquement) les valeurs de = et les périodes de réparation ainsi que la durée de traitement : des auteurs ont ainsi montré qu'on pouvait moduler de quelques pourcents ce taux de survie théorique en modiant l'ordre d'irradiation des cellules au cours de la délivrance de la dose ([Altman 2006]).

Pour des débits de dose beaucoup plus élevés et pour des conditions particulières d'ir-radiation pulsée (de 12 à 120 Gy/s, deux pulses consécutifs), la réponse de diérents types cellulaires a été étudiée et un eet dit W sur la survie cellulaire mis en évidence (gure2.4, [Ponette 2000], [Fernet 2000]). Dès les années 1980 et la création de machines de radiothé-rapie à faisceaux balayés (initialement d'électrons), les eets des hauts débits de dose ont été étudiés. Certains auteurs ont montré que l'augmentation du débit de dose seule (irra-diation mono-fractionnée, de 1,8-325 à 7800 Gy/min) ne changeait pas signicativement la survie des cellules irradiées ([Matsuura 2010], [Schmid 2009]). Des irradiations pulsées de l'ordre de la milliseconde ont quant à elles montré une diminution du nombre d'aberrations chromosomiques ([Prempree 1969]). Des études in vivo réalisées à l'institut Curie ont aussi mis en évidence un phénomène de protection des tissus sains (notamment une diminution de la brose pulmonaire) lorsque des irradiations par électrons étaient réalisées à des dé-bits de dose de 60 Gy/s sur des souris, tout en restant aussi ecace sur le contrôle tumoral ([Favaudon 2014]). Enn, en supposant l'avènement futur de nouvelles techniques de géné-rations de particules (proton ou ions) tels que les gradients de champs alternés, les murs diélectriques ou les protons par laser ([Bulanov 2002], [Fourkal 2002]), une radiobiologie nou-velle sera à expérimenter dans ces conditions. Par exemple une déplétion en oxygène dans les cellules peut apparaitre pour des débits de 109 Gy/s ou des doses de plusieurs kGy et induire l'irradiation des tissus en conditions hypoxiques et de radiorésistance ([Wilson 2012]). Pour ces débits de dose extrêmes, la présence simultanée d'un grand nombre de radicaux libres favorisera leur recombinaison et diminuera l'ecacité de l'irradiation. A très haut débit, on peut également supposer que des lésions simples proches puissent se transformer en lésions complexes. Dans les modèles comme le RMF ou MKM, il existe par exemple une possibi-lité pour des lésions non létales d'emblée de se combiner entre elles et de former une lésion létale : cette combinaison peut se trouver facilitée si les lésions sont proches entre elles