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Partie 1 Épidémiologie des cancers

1.2. d. Les facteurs de risque de cancer du sein

Le risque de développer un cancer du sein étant très inégal à travers le monde, nous pouvons faire l’hypothèse que les facteurs de risque varient considérablement d’une population à une autre. De nombreux facteurs de risque ont déjà été identifiés, même si l’étiologie du cancer du sein demeure incomplètement connue. On distingue quatre grands types de facteurs de risque : héréditaires, hormonaux, environnementaux et les autres marqueurs de santé.

Les facteurs héréditaires

Les antécédents familiaux constituent un facteur de risque majeur de cancer du sein (12). Le risque de développer un cancer du sein augmente avec le nombre d’antécédents dans la famille au premier degré (mère, sœurs, filles), avec une multiplication du risque allant de 1,80 à 3,90 pour les femmes ayant un à trois antécédents familiaux de cancer du sein (12).

Pourtant, seulement 5 à 10 % des cancers du sein sont directement attribuables à une cause héréditaire, c’est-à-dire résultant de la mutation génétique d’un gène très fortement associé au risque de cancer du sein (13). La présence de cette mutation augmente de 6 à 8 fois le risque de cancer du sein et le risque de cancer précoce (avant 40 ans) chez l’individu porteur (14). Les principales mutations associées au risque de cancer du sein sont celles impliquant les gènes

BRCA1* sur le chromosome 17 et BRCA2* sur le chromosome 13 (BRCA pour breast cancer).

gènes (15). Leur risque de développer un cancer du sein avant l’âge de 70 ans est d’environ 60 % pour le premier gène et 55 % pour le second (16). Plusieurs autres gènes de prédisposition génétique au cancer du sein ont été identifiés, comme le gène P53 sur le chromosome 17 qui, associé au syndrome de Li-Fraumeni*, serait responsable de 7 % des cas de cancer du sein avant 40 ans et le gène PTEN (phosphatase et homologue de la tensine) sur le chromosome 10, qui a une faible prévalence, mais induirait un risque de cancer du sein de l’ordre de 85 % chez les femmes porteuses (14). D’autres mutations ont également été impliquées (ATM, CHECK2) et sont plus faiblement associées au risque de cancer. Environ un quart des cancers du sein présentant des antécédents dans la famille au premier degré est expliqué par ces mutations du fait de leur faible fréquence (17;18).

Les facteurs environnementaux partagés dans une famille (mode de vie identique) ne peuvent expliquer les 75 % restants des cas de cancer du sein présentant des antécédents familiaux dans la famille au premier degré. Le modèle retenu est celui de l’association de multiples variants* de gènes, chacun faiblement associé au risque de cancer du sein (augmentant le risque en moyenne de 10 à 20 %), et pouvant interagir avec des facteurs environnementaux (partagés par les membres de la famille) en amplifiant leur impact sur le risque de cancer du sein (17;19).

Les facteurs hormonaux et reproductifs

Le cancer du sein est un cancer hormono-dépendant (20), exceptionnel chez l’homme, et n’apparaissant qu’après la puberté chez la femme. La durée d’exposition aux hormones ovariennes a une influence majeure sur le risque de survenue d’un cancer du sein (21;22).

L’âge aux premières règles (ménarche*), induites par l’apparition de la production d’hormones stéroïdiennes* (œstrogène et progestérone) par les ovaires, est associé au risque de survenue de cancer du sein : le risque est d’autant plus élevé que les premières règles surviennent précocement (23;24). Des cycles menstruels courts, devenant rapidement réguliers, pourraient augmenter le risque de cancer du sein (25;26). En ce qui concerne la ménopause*, une femme ménopausée, dont les ovaires ne produisent plus ni d’œstrogènes ni de progestérone, est à moindre risque qu’une femme du même âge qui n’a pas atteint la ménopause (24). De plus, une survenue tardive de la ménopause est associée à une augmentation du risque de cancer du sein (24).

L’histoire reproductive des femmes influe sur le risque de cancer du sein à court et à long terme. En effet, comparées aux femmes n’ayant jamais donné naissance à un enfant, les femmes ayant mené au moins une grossesse à terme sont à risque augmenté de cancer du sein dans les 15

fait d’avoir mené une grossesse à terme est associé à une diminution de risque de cancer du sein à long terme (27), chaque grossesse à terme supplémentaire diminuant le risque d’environ 8 % (23;28). De plus, le risque de cancer du sein est d’autant plus grand que l’âge à la première grossesse à terme est tardif (14;29). Enfin, une diminution du risque de cancer du sein d’environ 4 % par année d’allaitement cumulée supplémentaire a été observée (28). Les grossesses interrompues avant terme, qu’il s’agisse d’un avortement spontané ou provoqué, ne sont pas associées au risque de cancer du sein (30).

Des taux élevés d’hormones circulantes, notamment d’œstradiol*, d’œstrone*, d’androstènedione*, de sulfate de déhydroépiandrostérone* et de testostérone*, ont été associés à un risque augmenté de cancer du sein, avec une augmentation plus marquée en postménopause* (31;32). En revanche, les études menées sur la progestérone n’ont pas permis de mettre en évidence une association entre le niveau endogène* de progestérone et le risque de cancer du sein, que ce soit en préménopause* (33;34) ou en postménopause (34;35). Cependant, ces études sont difficiles à interpréter du fait du caractère fluctuant des hormones stéroïdiennes plasmatiques, particulièrement en préménopause, et du fait que certaines hormones peuvent être métabolisées en d’autres.

Les stéroïdes sexuels exogènes* ont récemment été classés comme cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) (36). L’utilisation en cours de contraceptifs oraux - consistant généralement en une association d’œstrogènes et de progestatifs* - serait associée à une légère augmentation du risque de cancer du sein, mais les résultats de la littérature divergent à ce sujet (37-40). Le traitement hormonal de la ménopause (THM) consiste généralement en l’administration d’œstrogènes (pour pallier les troubles climatériques* de la ménopause) associés à un progestatif en l’absence d’hystérectomie*, en raison de l’augmentation du risque de cancer de l’endomètre* avec l’utilisation d’œstrogènes seuls (41). Un bon nombre d’études, observationnelles et randomisées, s’accordent sur le fait que l’utilisation de THM est associée à un risque accru de cancer du sein (42). Elles mettent en évidence une augmentation du risque de cancer du sein avec l’utilisation d’un traitement combinant un œstrogène et un progestatif de synthèse (43;44). Cependant, l’augmentation du risque serait moindre pour un traitement associant un œstrogène avec de la progestérone micronisée* ou de la dydrogestérone* que pour un traitement combinant un œstrogène à un autre type de progestatif de synthèse (43;44). Cette augmentation de risque semble d’autant plus importante que le traitement est débuté peu de temps après la ménopause et que la durée d’utilisation est longue (43;45). Un sur-risque persisterait 5 à 10 ans après l’arrêt du traitement (46).

Les facteurs environnementaux

L’impact de l’alimentation sur le risque de cancer du sein n’est pas clairement élucidé. Des hypothèses ont été suggérées quant aux effets de l’apport énergétique, de vitamine D, de graisses alimentaires et de fibres*, mais toutes ces hypothèses ont été largement remises en cause par les grandes études prospectives internationales (47). Le seul facteur de risque alimentaire du cancer du sein clairement identifié est la consommation d’alcool : chaque verre d’alcool consommé par jour serait associé à une augmentation de l’ordre de 7 % du risque de cancer du sein (48;49). Néanmoins, ces observations peuvent refléter l’association du risque de cancer du sein avec un comportement alimentaire particulier, plus qu’avec des aliments ou nutriments isolés. En effet, une alimentation de type occidental (composée principalement de viande, apéritifs, riz, pâtes, pommes de terre, pizzas, tartes, œufs, boissons alcoolisées, gâteaux, mayonnaise, beurre et crème) serait à risque augmenté de cancer du sein, comparée à une alimentation de type méditerranéen (composée principalement de légumes, fruits, poissons, fruits de mer, huile d’olive et huile de tournesol) (50).

La pratique d’une activité physique régulière a été classée comme facteur associé à une réduction du risque de cancer, de façon probable en postménopause et possible en préménopause (51). La réduction de risque associée à la pratique d’une activité physique serait dépendante de son intensité : une activité physique vigoureuse étant plus profitable qu’une activité de faible intensité (52-54).

Des études ont été menées pour identifier l’influence du tabagisme, actif ou passif, sur le risque de cancer du sein et les résultats issus de ces travaux divergent. Le tabagisme actif ne semble pas associé au risque de cancer du sein, sauf en cas d’initiation avant la première grossesse (55;56). Toutefois, il a également été montré une augmentation du risque de cancer avec le tabagisme actif à l’âge adulte en prenant en référence les femmes n’ayant jamais fumé et n’ayant jamais été exposée à du tabagisme passif (57). Enfin, le tabagisme passif, subi par les femmes n’ayant jamais fumé, ne semble pas associé au risque de cancer du sein (58).

La corpulence tout au long de la vie a une influence sur le développement d’un cancer du sein à l’âge adulte. Un gros poids à la naissance a été associé à une augmentation du risque de cancer du sein à l’âge adulte, avec une influence plus marquée pour un diagnostic précoce (59). Il a été également observé qu’une silhouette ronde au moment de la puberté augmente le risque de cancer du sein, en particulier pour un diagnostic tardif (60). Le surpoids et l’obésité à l’âge adulte, définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à partir de la valeur de l’indice de masse

corporelle (IMC) (tableau 1), ont été associés au risque de cancer du sein de façon inverse en fonction du statut ménopausique : le surpoids diminue le risque de cancer du sein avant la ménopause, sauf chez les Asiatiques (61), mais l’augmente après la ménopause (la taille et l’adiposité abdominale sont alors des facteurs de risque de cancer du sein) (51;62). En postménopause, les tissus adipeux sont, en effet, l’unique source de production d’œstrogènes. En revanche, l’obésité est inversement corrélée avec les taux plasmatiques d’œstradiol en préménopause, car elle induit des troubles du fonctionnement ovarien. Par ailleurs, l’obésité abdominale est associée à une augmentation de la synthèse de l’insuline, autre facteur hormonal associé au risque de cancer du sein. Enfin, il a été observé une association entre une grande taille à l’âge adulte et le risque de développer un cancer du sein (63).

Tableau 1 : Interprétation de l’IMC par l’OMS.

IMC (kg.m-2) = Interprétation < 16,5 Dénutrition, famine 16,5 - 18,5 Maigreur 18,5 - 25 Corpulence normale 25 - 30 Surpoids 30 - 35 Obésité modérée 35 - 40 Obésité sévère

> 40 Obésité morbide, massive

Source : OMS (64), http://www.who.int/fr/ Autres marqueurs de santé

La densité mammaire en mammographie est significativement associée au risque de cancer du sein. Sur une image du sein à la mammographie, les rayons X passent facilement à travers le tissu adipeux, qui apparaît en foncé ; par contre, les tissus épithéliaux et conjonctifs sont plus denses et apparaissent en blanc sur l’image aux rayons X (figure 7). Des études ont montré que les femmes avec une densité mammaire élevée ont 3 à 4 fois plus de risque de cancer du sein que les femmes dont les seins sont presque entièrement constitués de tissu adipeux (65;66). La densité mammaire reflète le nombre de cellules mammaires épithéliales à risque de transformation cancéreuse et leur degré de prolifération, qui augmente les chances de mutations de l’ADN menant à la transformation cancéreuse. Elle reflète également le nombre et le degré de prolifération des cellules stromales entourant les cellules épithéliales, qui jouent un rôle majeur dans l’évolution du cancer en permettant l’invasion et la dissémination des cellules cancéreuses (1). La densité mammaire diminue avec l’âge et serait plus élevée chez les femmes n’ayant pas eu d’enfants, ayant fait une première grossesse tardive et ayant une consommation d’alcool ou un IMC élevés en

postménopause. Il semble cependant que les variations inter-individuelles de la densité mammaire s’expliquent en grande partie par des facteurs génétiques (67).

Figure 7 : Représentation de mammographies pour des seins de densité faible (gauche) à élevée (droite). Source : http://www.cbcf.org (site consulté le 23/07/2014)

Un antécédent de maladie bénigne du sein (appelée également mastopathie bénigne) augmente le risque de cancer du sein. Cependant, celui-ci est modulé selon le type de maladie bénigne, le caractère prolifératif de la maladie et l’existence d’antécédents familiaux (68;69). Les maladies bénignes du sein sont usuellement classées en trois catégories : les lésions non prolifératives, les lésions prolifératives sans atypie* et les lésions prolifératives avec atypie. Les lésions non prolifératives et prolifératives sans atypie sont associées à un faible sur-risque de cancer du sein, tandis que les lésions prolifératives avec atypie multiplient le risque environ par 4 (70;71).

Enfin, il y aurait une association entre le diabète* et le risque de cancer du sein. Les femmes diabétiques auraient un risque de 16 à 20 % plus élevé que les femmes non-diabétiques. L’association semblerait plus claire en ce qui concerne le diabète de type II* que de type I* (72;73) et plus marquée après la ménopause (74;75).