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Facteurs à prendre en considération lors de la mise en œuvre d’un projet

4. Résultats

4.3 Analyse des stratégies d’archivage du Web organisationnel

4.3.3 Facteurs à prendre en considération lors de la mise en œuvre d’un projet

Nous analysons, ci-après, les facteurs mentionnés par les répondants qui déterminent les choix relatifs au processus d’archivage du Web organisationnel.

Lorsqu’il s’agit d’identifier les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre d’un projet d’archivage du site Web organisationnel, nos répondants ne sont pas toujours capables de les déterminer. L’observation des caractéristiques des sites Web étudiés nous révèle des aspects assez complexes de ces sites qui ne sont pas bien maîtrisés par les archivistes rencontrés (ex. : technologies de développement, langages de développement, etc.). Les projets d’archivage menés actuellement dans les milieux de la recherche sont à leur premier stade de développement. Les rôles des différents intervenants dans le processus d’archivage des sites Web publics des organismes étudiés ne sont pas clairement définis.

Le manque de connaissance du processus de gestion d’un site Web par les archivistes ne favorise pas leur intégration aux autres équipes responsables de la gestion des opérations ou des technologies qui soutiennent le site Web public de leur organisation. Par conséquent, les stratégies d’archivage et les choix mis en œuvre par ces équipes ne respectent pas nécessairement la perspective archivistique.

L’archivage du Web n’impose pas toutefois la mise à contribution de plusieurs employés. Selon un des répondants (R01), une seule personne compétente et disponible pourrait se charger de l’archivage du site Web de l’organisation. Cette personne pourrait être le webmestre ou le responsable de la gestion de l’infrastructure technologique du site Web. Selon R01, il est même possible d’automatiser l’opération de sauvegarde du site Web grâce à des scripts et de prendre à des intervalles réguliers une copie sur CD ou DVD du site Web. La difficulté réside plutôt dans la disponibilité de cette personne et de son niveau de maîtrise des techniques de programmation. Dans un autre milieu (O06), la responsabilité de l’archivage est plus importante à cause de la complexité et de la taille du site Web, ce qui exige l’assignation d’une personne pour cette tâche : « Il me faut une personne qui se consacre à ça. » (R1.06). En ce qui concerne les ressources matérielles, l’archivage d’un site Web organisationnel ne requiert pas un investissement important en matériel de stockage ou en applications technologiques. C’est à même le serveur Web qu’il est possible de conserver ses versions archivées. L’essentiel est que l’organisme dispose d’un serveur qui répond à ses besoins en termes de capacité de stockage des

documents produits, insiste notre répondant R01. Les supports de stockage tels CD- ROM, DVD ne sont pas très dispendieux. Certes, ces supports sont pertinents pour un stockage à court terme, ils peuvent toutefois engendrer des problèmes de pérennité lorsqu’une stratégie de migration n’est pas définie. Plusieurs de nos répondants ont confirmé ce risque (n=3).

Malgré le peu d’informations que nous avons recueillies à propos des difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre ou de la gestion de l’archivage des sites Web organisationnels dans chacun des milieux, la mise en commun des données nous a permis de dresser un portrait des facteurs à prendre en compte :

– Complexité du site Web : ce facteur dépend non seulement de la nature des technologies Web utilisées pour créer et gérer l’information diffusée sur le site Web, mais aussi de la nature des activités et des services offerts sur le site Web;

– Fréquence de mise à jour du site Web : le choix des périodes et des intervalles d’archivage du site Web ou de la capture de certaines de ces composantes a été bien justifié par nos répondants et dépend surtout de la nature des activités de l’organisation;

– Niveau de communication et de collaboration entre webmestre et archiviste : facteur très déterminant, le manque de communication entre ces deux acteurs organisationnels pourrait conduire à des solutions techniques qui ne garantissent pas la pérennité et par conséquent l’exploitabilité des archives Web. Souvent, les webmestres sont responsables de la gestion des sites Web. Ils se contentent d’une stratégie d’archivage basée sur la production de copies de sauvegarde. Un des webmestres rencontrés n’était pas au courant que son organisme a une règle de conservation pour les sites Web (SIW01). L’implication de l’archiviste permet, dans un premier temps, de conscientiser les webmestres à la valeur archivistique que pourrait présenter le site Web et, dans un deuxième temps, d’adopter une approche d’archivage plus appropriée;

– Hébergement du site Web : nous avons également remarqué que lorsque l’archivage du site Web est réalisé par une tierce personne, soit l’hébergeur du site Web et, notamment en absence d’une politique d’archivage, la stratégie d’archivage arrêtée n’est pas fiable et ne respecte pas les caractéristiques propres des archives. À titre d’exemple, l’organisme O2 reçoit aux six mois une version archivée de son site Web sur CD-ROM. L’archiviste (R02) ne peut pas avoir accès aux documents archivés. En effet, l’hébergeur du site Web s’est contenté de faire une copie à plat de la base de données (BDD) qui

alimente le site Web. Pour pouvoir visualiser le contenu du CD-ROM, il faut que le webmestre installe des programmes spécifiques. Donc, ici les archives du site Web ne sont pas exploitables. Elles ne répondent pas aux caractéristiques de complétude (une partie du site Web est archivée, dépourvue de contexte de création et d’usage) et d’intégrité (perte de la structure et de la forme initiale de la BDD).

– Ressources matérielles : quoiqu’elle ne constitue pas une difficulté majeure, le manque de ressources matérielles pourrait aussi pousser les gestionnaires des sites Web ou les archivistes à faire des choix qui ne garantissent pas l’exploitabilité des archives Web ou la préservation de leurs caractéristiques essentielles (authenticité, fiabilité, intégrité, exploitabilité).

En résumé, nous avons présenté dans cette section les résultats d’analyse des entrevues réalisées dans 11 sites d’étude. En premier lieu, nous nous sommes penchée sur les rôles et responsabilités associés à la gestion d’un site Web dans un milieu organisationnel. Nous avons noté le manque d’implication des archivistes dans ce processus. Ensuite, nous avons étudié les approches, techniques et outils d’archivage des sites Web observés. À ce niveau, nous n’avons pas pu avoir un modèle d’archivage, notamment propre aux sites Web gouvernementaux qui, dans notre cas, sont encadrés par les mêmes règles de gestion. Les travaux d’archivage dans les milieux d’étude sont à leurs débuts. Les solutions technologiques ne manquent pas, mais il reste à réfléchir sur le statut du site Web et à entrevoir les raisons pour lesquelles il devrait être archivé. Pour l’instant, aucun des organismes ne possède une stratégie de préservation à long terme des documents qu’il archive ni ne réfléchit aux usages futurs de ces archives. Plusieurs facteurs entrent en jeu et peuvent expliquer cette situation, les plus importants sont : la perception des archivistes de ce nouvel objet documentaire qu’est le site Web et l’absence d’une approche collaborative de son archivage.

Les stratégies adoptées dans les milieux d’étude ne sont pas toujours adaptées à la nature du contenu diffusé en ligne ou créé pour la gestion du site Web. Les copies de sauvegarde, considérées jusqu’alors comme approche d’archivage dans plusieurs milieux, ne peuvent être, à elles seules, suffisantes pour la conservation des documents archivés à long terme.

Nous remarquons que la réflexion menée par l’archiviste au sujet de l’archivage du Web n’est pas avancée dans tous les milieux. Les projets d’archivage n’ont pas encore atteint une maturité qui permet d’évaluer les résultats et de revoir les approches choisies. Nous notons également un problème au niveau de la perception de la nature d’un site Web et de la valeur qu’il peut présenter dans la continuité des affaires de l’organisation et pour l’histoire ou la recherche. Même si les politiques d’archivage considèrent un site Web comme un document d’archives devant être géré tout au long de son cycle de vie, plusieurs archivistes n’en sont pas encore convaincus. De même, la monopolisation de la gestion du site Web par les webmestres constitue un autre obstacle. Les ressources disponibles qu’elles soient matérielles, financières ou humaines ne forment pas un obstacle majeur.

Conclusion

Notre recherche vise à développer une meilleure compréhension de la nature des archives Web et de décrire la démarche de leur archivage dans un contexte organisationnel du point de vue des acteurs impliqués dans ce processus. Les résultats exposés dans ce chapitre apportent des réponses à nos questions de recherche : (1) que recommandent les politiques d’archivage du Web organisationnel, (2) quels sont les types d’archives Web retrouvés sur les sites Web publics de quelques milieux organisationnels au Québec, et (3) quelles sont les pratiques d’archivage du Web dans ces milieux.

Les résultats révèlent que :

 il existe des exemples de politiques d’archivage recommandées par des institutions archivistiques. Ces exemples de politiques témoignent de l’état de réflexion et de l’avancement de la recherche dans ce champ émergent de la discipline archivistique. Les politiques étudiées ne sont pas faciles à mettre en œuvre et, dans certains cas, elles restent limitées dans leurs propositions. Le modèle de gestion des risques associés à la diffusion de l’information sur un site Web organisationnel, prôné comme un cadre méthodologique pour le choix d’une stratégie d’archivage appropriée au Web organisationnel, ne prend pas en considération les caractéristiques propres aux archives Web. En outre, ces politiques doivent être accompagnées par d’autres outils conçus

pour les besoins d’archivage d’un site Web organisationnel (règles de conservation, liste de sites Web à capturer, liste des objets à capturer, etc.),  les archives Web ont des caractéristiques qui leurs sont propres. Ces

caractéristiques découlent non seulement de l’usage des technologies Web, mais de l’appropriation de ces technologies. Plus que jamais, le contenu d’un document Web est indépendant de sa mise en forme, sa restitution dépend d’une myriade d’applications, programmes et logiciels. Les archives Web ne satisfont pas toujours aux conditions de validité d’un document d’archives produit dans un environnement traditionnel. Même si les règles d’édition des documents Web sont souvent respectées, elles ne sont pas toujours suffisantes pour produire des documents faciles à capturer et à préserver. À cet effet, les politiques d’archivage recommandent d’appliquer non seulement différents niveaux d’archivage (archivage de portraits du site Web, archivage des unités particulières du site Web et archivage des documents ayant servi à la gestion du site Web), mais aussi d’associer des métadonnées permettant de maîtriser le cycle de vie du site Web,

 dans les milieux étudiés, l’archivage du Web est encore à un stade expérimental. L’archivage du Web n’est pas toujours une priorité dans ces milieux. En effet, les archivistes ne sont pas tous convaincus de la valeur archivistique que peut présenter un site Web organisationnel ou bien ils ne sont pas impliqués dans son processus d’archivage. À date, les organismes n’ont pas été encore confrontés à des litiges ou problèmes liés à l’information diffusée sur le site Web ni sensibilisés à son intérêt scientifique ou historique d’autant plus que cette information est consignée dans d’autres systèmes documentaires. Ce constat explique pourquoi, dans certains cas, l’archivage du Web organisationnel se limite à la production de copies de sauvegarde du site Web public d’une organisation. Le manque de ressources et de compétences a été également identifié comme un autre facteur qui explique le manque de retour d’expériences à ce sujet.

5. Discussion