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Facteurs physico-chimiques influençant l’adhésion-agrégation des virus

IV. Etude de l’adsorption virale sur les biofilms

2.1. Facteurs physico-chimiques influençant l’adhésion-agrégation des virus

L’adsorption et l’agrégation des virus sont des phénomènes principalement gouvernés

par les interactions électrostatiques qui font intervenir les charges de surface et qui sont de

plus grande portée que les interactions hydrophobes (Langlet et al., 2008; Michen et Graule,

2010). Ces dernières interviennent essentiellement lorsque les charges de surface sont

proches de la neutralité. Les interactions de Van der Waals dont le rôle est encore mal

identifié dans l’adhésion-agrégation des particules virales seraient de faible intensité mais

pourraient jouer un rôle important par leur nombre élevé par comparaison aux interactions

électrostatiques et hydrophobes (Sigg et al., 2006).

Ces interactions vont être notamment influencées par les caractéristiques du milieu,

comme le pH, la force ionique mais également par les propriétés physico-chimiques du

support.

2.1.1. Le pH

Le pH va conditionner les interactions des virus avec leur environnement en

déterminant la charge globale de la particule virale. Lorsque le pH est égal au pI la charge

globale de la particule est nulle (Figure 11), ce sont les interactions hydrophobes et les forces

de Van der Waals qui prédominent sur les interactions électrostatiques. Lorsque ces

dernières sont " annulées ", les particules virales peuvent s’agréger. Ainsi, l’agrégation des

bactériophages T4, Qβ, MS2 et fr est maximale pour des pH voisins de leur pI

(Herath et al., 1999). Langlet et al. (2008) ont étudié l’agrégation de phages ARN F-spécifiques

dans du NaNO

3

1mM pour une gamme de pH décroissante allant de 7 à 2. Les particules de

phages Qβ et MS2 sont isolées à pH neutre, s’agrègent à partir de leur point isoélectrique

(2 et 4 respectivement) et le restent pour des pH plus faibles. Lorsque le pH atteint le pI de la

particule, les forces de nature hydrophobe interviennent. Ces forces hydrophobes sont telles

que même lorsque le pH redescend en dessous du pI des particules, celles-ci restent agrégées

alors que théoriquement les particules sont chargées positivement et devraient subir des

forces de répulsion électrostatiques. Enfin, pour des pH supérieurs à leur pI, ces

bactériophages sont chargés négativement et les forces de répulsion de nature électrostatique

interviennent. Pour des pH environnementaux la majorité des virus entériques présentent

une charge globale négative (Figure 11).

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Figure 11. Points isoélectriques décrits dans la littérature, pour différents virus entériques

ainsi que pour les bactériophages ARN F-spécifiques MS2, GA et Qβ(Adapté de Michen

et Graule, 2010). VHA : Virus de l’hépatite A, Cox B5 :Coxsackievirus B5, Echo 1 : Echovirus 1,

NoV : Norovirus.

2.1.2. La composition ionique du milieu

La force ionique du milieu influence le comportement de la particule virale notamment

par des phénomènes d’écrantage de la charge de surface. En effet, une augmentation de la

force ionique pour un pH maintenu à 7 tend à faire diminuer l’adhésion du bactériophage

MS2, chargé négativement, sur une membrane chargée positivement en diminuant les

attractions électrostatiques (Shields et Farrah, 2002). Le passage d’une solution tampon

contenant 5,28 ± 0,48 log UFP/mL de phage MS2 sur du sable modifié (présentant une

charge positive) à pH 7 entraîne un abattement en phage de 5,23 ± 0,51 log UFP/mL dans la

solution tampon. Par contre, l’abattement phagique est de 0,12 ± 0,18 log UFP/mL lorsque le

tampon est enrichi avec 0,1 M de citrate de sodium. Les ions apportés par le citrate de

sodium ont empêché les interactions électrostatiques de se produire et les phages de

s’adsorber sur le sable chargé positivement (Lukasik et al., 2000). Ainsi une force ionique

élevée entraine un écrantage des charges de surface et les interactions hydrophobes sont

alors favorisées.

La valence des ions présents en solution est également un paramètre clé pour favoriser

l’adhésion de virus sur un support chargé (Lipson et Stotzky, 1983; Bales et al., 1991;

Quignon et al., 1998; Lukasik et al., 2000). En effet, la présence de cations bivalents dans la

pH

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

VHA

2,8 5,8

Cox B5

4,75 6,75

Echo 1

4,0 6,4

NoV

5,5 6,0

poliovirus

3,8 8,3

Phage MS2

2,2 3,9 Phage GA 2,1 2,3

Phage Qβ

1,9 5,3

Points isoélectriques des virus

F

q

u

en

ce

d

an

s

la

li

tt

ér

at

u

re

40

solution réduirait non seulement la double couche, couche de Stern et couche de

Gouy, qui entoure la particule (Figure 12) mais favoriserait aussi la formation

d’interactions cationiques pontantes, ou ponts salins, entre la particule et le support

(Syngouna et Chryskopoulos, 2010). Pham et al. (2009) ont étudié l'influence de deux cations,

Ca

2+

et Mg

2+

, sur l'attachement du phage MS2 à une matrice chargée négativement. Ces

auteurs ont observé que la présence d'ion Ca

2+

en solution favorisait l'adhésion du phage à la

matrice par rapport à la présence d'ion Mg

2+

. L'hypothèse émise par les auteurs serait la

capacité des ions calcium à former un pont salin entre la surface de la matrice chargée

négativement et les charges négatives exprimées par la surface du phage, alors que les ions

magnésium ne produiraient qu'un simple écrantage des charges.

Figure 12. Apercu schématique de la double couche composant une particule virale

(Voorthuizen et al., 2001, adapté de Gerba, 1984).

2.1.3. La charge du support

Lorsque la particule et le support présentent la même charge, des forces de répulsion

de nature électrostatique vont intervenir pour repousser les particules, ce qui va avoir pour

conséquence de limiter le phénomène d’adhésion. A titre d’exemple, le niveau d’adsorption

de VLP (Virus Like Particles, c'est-à-dire particules virales théoriquement dépourvues de

génome) de Norovirus (nVLP, dont le pI est de 5), sur du quartz (chargé négativement pour

un pH supérieur ou égal à 2) passe de 99,99% pour un pH de 5 à 17% pour un pH de 7. A un

pH de 5 la particule présente une charge globale nulle, d’autres types d’interactions de plus

Surface

Couche limite

Couche de Stern

Couche de Gouy

Solution

Virus

41

courte distance peuvent donc intervenir (Redman et al., 1997). Par contre, lorsque le pH

augmente, les particules de nVLP vont se charger négativement et le quartz étant également

chargé négativement des forces de répulsion de nature électrostatique limitent l’adhésion

virale. A l’inverse, lorsque les particules et le support présentent une charge opposée, la

particule va être attirée par la surface et son taux d’adhésion adhésion augmenté. Ce principe

est utilisé pour concentrer les virus sur des membranes de filtration chargées. A pH 3,5, la

charge globale de la capside de la majorité des virus entériques est positive (Figure 11),

l’utilisation de membranes électronégatives va donc permettre une adsorption virale par

l’intervention d’interactions électrostatiques (Gerba et al., 1978; Sobsey et al., 1985; Payment et

al., 1989). Le principe inverse peut également être utilisé. Pour des pH supérieurs au pI des

particules virales, celles-ci présenteront une charge globale négative et l’utilisation de

membranes chargées positivement favorisera leur rétention à leur surface. A titre d’exemple,

Lukasik et al. (2000) ont analysé l’élimination de particules de phage MS2 par filtration sur

du sable naturel ou modifié par 0,1 M de FeCl

3

, lui conférant ainsi une charge positive. Les

auteurs ont trouvé une corrélation positive entre la concentration de sel utilisée pour

modifier le sable et le taux de rétention des phages par le sable. Des abattements de

7,7 log UFP/mL en présence de sable chargé positivement et un abattement de

0,3 ± 0,3 log UFP/mL sur du sable non traité ont été mesurés témoignant de l’importance de

la charge de surface lors des phénomènes d’adsorption (Lukasik et al., 1999).

2.1.4. Autres paramètres impliqués dans l’adhésion-agrégation des virus

La température, la concentration en matière organique et en particules virales peuvent

également influencer l’adhésion virale aux surfaces. En théorie, l’augmentation de la

température du milieu augmente l’agitation thermique et favorise le nombre de collisions

entre les particules et le support. Elle serait donc par exemple favorable à une augmentation

du phénomène d’agrégation (Rafikova et al., 2003). La présence de matières organiques dans

le milieu diminuerait l’adsorption virale sur des surfaces. Cela résulterait de la compétition

entre la matière organique et les virus pour les sites d’adsorption (Moore et al., 1981;

Sobsey et Hickey, 1985). Enfin, plus la concentration virale augmente dans une solution plus

la probabilité de rencontre entre les virus et la surface augmente. Cependant, la probabilité

de choc efficace va directement dépendre des propriétés physico-chimiques des particules

virales, des supports, mais également des conditons hydrodynamiques du milieu régissant le

transport des particules.

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